D'instinct, Elena tressaillit légèrement et lutta contre l'envie de se mordre la lèvre sous l'inquiétude. Ce ton intense, ce souvenir douloureux, tout ce que disait Marco la pétrifiait peu à peu. Celui-ci se renfonça dans la banquette, satisfait de son petit effet ; un rictus sournois répondait aux angoisses d'Elena, et son pouce frottait machinalement la bague de son annulaire droit. Luttant contre son rythme cardiaque qui menaçait de s'accélérer, Elena secoua la tête afin de s'éclaircir les idées, et recula elle aussi contre sa chaise. Même si Marco l'avait fait vaciller un instant, chacun de ses gestes restait mesuré et contrôlé ; rien dans son attitude ne laissait paraître son trouble. Au contraire, elle passa une main dans ses cheveux, et se força à sourire de nouveau.
- Combien de nuits as-tu pensé à cet avenir que j'ai refusé de te donner ? susurra-t-elle, les yeux rivés sur le saphir qui ornait l'anneau d'or.
- Autant de nuits que j'ai dépensées à te chercher depuis ce jour, souffla-t-il avec la même gravité.
Les lèvres d'Elena s'étirèrent, satisfaite de la réponse. Une piste se dégageait maintenant des paroles confuses de son ancien amant. Elle devait jouer sur la corde sensible.
- C'est donc pour cela que tu te télescopes une nouvelle fois dans une vie où tu n'as plus place ?
- Pour quelle autre raison voudrais-tu que je revienne, mon amour ?
- Arrête de m'appeler ainsi. J'ai rompu nos fiançailles il y a quatre ans. Ce surnom n'existe plus, comme toi pour moi.
- J'oubliais ta loyauté envers Noah. Je me demande à quoi il ressemble, dorénavant. La dernière fois que je l'ai vu, ce n'était qu'un marmot de deux ans.
Pendant une seconde, Elena fut désemparée, coupée dans son élan. À son tour, Marco ramenait sur la table les sujets sensibles. L'expression de séduction fondit des traits de la jeune femme, et un masque de pierre, de froideur et de pure haine s'y peignait à la place.
- Je t'interdis de me parler ou de t'approcher de mon frère. Auquel cas, je te détruirai de mes propres mains, avertis Elena d'une voix rauque, son poing serré menaçant de s'écraser sur la table.
Les yeux de Marco étincelèrent, enchanté par la faiblesse de la jolie assistante, mais celle-ci ne se déroba pas. Même si elle savait que Marco pouvait se servir de Noah pour faire pression sur elle, Elena n'avait aucunement l'intention de lui laisser croire qu'elle s'en moquait. Un instant, elle éprouva de la difficulté à respirer, et l'idée de tout révéler à Travis pour protéger son frère lui traversa l'esprit. Cependant, elle abandonna bien rapidement cette pensée éphémère en constatant le silence, et la gravité avec laquelle Marco la dévisageait. Après tout, il ne lui avait pas encore dévoilé ses intentions, aussi prit-elle une grande inspiration pour se détendre, les yeux fermés durant cinq secondes. Lorsqu'elle les rouvrit, elle décontracta ses épaules, et se pencha un peu plus vers lui.
- D'accord. Fini de jouer. Qu'attends-tu de moi ?
- Rien d'autre qu'un peu de ton temps, murmura-t-il.
Il avala une gorgée de whiskey, le vidant presque de moitié en une seule traite. Le pied d'Elena se mit à taper nerveusement le sol. Malgré son apparence de dur à cuire, Marco supportait peu les alcools aussi forts. Plus grande amatrice que lui, elle était toujours parvenue à le maîtriser lorsque cela était nécessaire, mais aujourd'hui, Elena tenait la place de celle qui l'avait abandonné à un mois de leur union. Celle qui l'avait humilié devant l'ensemble des Lions. En somme, la jeune femme doutait sincèrement de la capacité de Marco à accepter de se faire dominer par elle.
Elle le connaissait trop bien pour ne pas deviner de quelle folie et de quelle férocité il pouvait se montrer lorsqu'il buvait. Même si elle n'avait jamais subi un seul coup, une seule insulte, une seule menace de sa part, elle avait tant de fois assisté à telles scènes avec leurs ennemies que cette image indélébile hantait ses pensées. Ce fut la raison pour laquelle elle s'éclaira la gorge, et répondit avec calme :
- Je t'en ai déjà donné assez. Si tu veux bien m'excuser...
Elle esquissa un geste avec la volonté ferme de repousser sa chaise et de quitter la table, les yeux tournés vers la sortie, mais Marco fut trop rapide pour elle. En un éclair, sa main droite saisit le poignet gauche d'Elena, et le serra si fort qu'elle manqua de laisser échapper un cri de douleur. La respiration se coupa d'un seul coup, et ses pupilles croisèrent celles de Marco. La lueur d'espièglerie avait disparu, laissant place à un regard fou, fébrile, fiévreux, qui l'apeura. Du rouge cerclait ses iris azurés, et ses sourcils froncés ne formaient qu'une ligne noire au-dessus de ses paupières. Les traits de son visage, contractés, viraient à l'écarlate à leur tour, et les veines apparentes de ses bras ressortaient sur sa peau claire.
Jamais Marco n'avait eu cet air sauvage pour elle, qu'il réservait habituellement aux autres membres de gangs illicites, menaçant sa suprématie. Il broya un peu plus ses os, à la limite de le briser.
- Ne t'avise pas de me fuir une nouvelle fois, Elena.
Sous la douleur, la jeune femme fut contrainte de reprendre sa place, et Marco relâcha sa prise après quelques secondes. Hunter se positionna spontanément derrière Elena, les mains enfoncées dans les poches avec fermeté, échangeant un long regard avec son patron. Un frisson parcourut l'échine d'Elena. Se pouvait-il que l'homme au bleuet cache une arme dans ses vêtements ? Sagement, elle dévisagea son ancien amant, redevenu calme, frottant délicatement son poignet comme pour supprimer la brûlure que Marco avait laissée.
Il but une nouvelle gorgée d'alcool dans un silence qui glaça la jeune assistante. Son assurance s'étiolait à mesure que le liquide embrumait l'esprit de Marco, et son cœur s'emballait. Elle commençait sincèrement à regretter de s'être montrée. Le jeune homme brun reposa bruyamment son verre sur la table, et marqua une pause.
- Ce que je veux, Elena, c'est toi.
- Je n'ai plus aucun sentiment pour toi, Marco, se défendit-elle doucement. Tu...
- Je ne te parle pas de nous, interrompit-il, sans lui accorder plus d'importance. Je te parle de toi. Chez les Lions, une nouvelle fois. Et je te veux pour me filer toutes les informations sur les Anderson, précisa-t-il avec un rictus goguenard sur ses lèvres tandis qu'Elena blanchissait à vue d'œil. J'imagine que tu sais combien elles valent dans notre réseau...
Avec conviction, la jeune femme secoua la tête, refusant de se laisser manipuler un instant de plus.
- Hors de question.
Le rire sarcastique du brun lui répondit, et la figea sur place. Elle déglutit, et Marco baissa un peu plus tôt, une mèche de ses cheveux tombant devant ses yeux d'azur.
- Montre-toi raisonnable, Elena. Qu'est-ce que Travis t'a promis, hein ? souffla-t-il d'un ton ironique. La vie de ton frère ? De l'argent ? Tu sais bien qu'il se moque d'une fille comme toi. Cesse d'espérer.
- Tu ne le connais pas, soutint Elena, interdite.
- Non, mais mes agents, oui. Soyons francs, tu n'as rien à voir avec le type de femme qu'il se plaît à baiser toutes les nuits, répliqua-t-il avec hargne en balançant une pochette plastifiée devant elle.
Le bruit que fit le mince dossier sur la table ébranla tout de même la jeune femme dont le cœur battait à mille kilomètres à la pensée de Travis, en danger. Même si elle le détestait, même si leur relation confuse le plongeait dans des colères terribles, elle refusait l'idée qu'il lui arrive quelque chose. Elle devait à tout prix le protéger.
Marco la contemplait, impassible, son pouce et son index frottant doucement son menton où une minuscule barbe sombre commençait à pousser. L'insistance de son regard finit par vaincre la résistance d'Elena, qui saisit le paquet devant elle, incertaine du contenu.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...