Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.

15.1. Under The Bridges Of Paris

Brooke se glissa à côté d'elle, une tasse de café dans chaque main. Elena en attrapa une, les yeux à demi-clos, mal réveillée à cette heure très matinale de la journée. Le brouhaha qui grandissait petit à petit dans l'immense aérogare de New-York n'aidait d'ailleurs pas vraiment à appréhender cette journée du bon pied. Emmitouflée dans une veste en laine, la tête à moitié dissimulée par une écharpe de la même matière, elle garda un œil vitreux rivés sur l'attaché-case de Travis.

- Je ne comprends pourquoi il nous a fait venir ici pour cinq heures du mat', maugréa-t-elle en réchauffant ses mains glaciales avec son café brûlant. Nous partons en jet, ils auraient au moins pu choisir de partir quelques heures plus tard...

- Arrête de geindre, souffla Brooke en réprimant un bâillement, toi au moins, tu pourras dormir dans le jet, alors que je dois retourner au travail juste après...

Elles se turent, chacune tentant de lutter contre le sommeil qui menaçait de les rattraper à chaque seconde. Secouant la tête pour ne pas se laisser tomber dans les rêves, Brooke se tourna vers son amie, immobile.

- Tu crois qu'il se doute de quelque chose ? reprit-elle.

Elena haussa difficilement les épaules.

- C'est difficile à dire, avoua-t-elle en contemplant fixement sa boisson chaude, mais à la manière qu'il a eu de plonger son regard dans le mien... Je me suis sentie découverte.

- Mais si vraiment il est au courant....

- Qui est au courant de quoi ? interrompit une voix grave et impérieuse.

Elena grogna en s'enfonçant un peu plus dans son siège, trop épuisée après sa soirée pour affronter la colère de Travis. Ses mains vinrent se plaquer sur son visage, tandis qu'il rangeait son téléphone portable et s'asseyait à côté d'elle. Voyant que personne ne lui répondait, il insista, perplexe.

- Qui est au courant de quoi ?

- Personne, sombre crétin, marmonna Brooke, de mauvaise humeur. C'est une affaire de fille, occupe-toi de prendre les coups de fils !

Elena émit un petit gloussement devant l'impertinence de sa meilleure amie, aussitôt étranglé par le regard assassin que Travis lui lança. N'empêche, elle ne pouvait s'empêcher de sourire discrètement, ravie que quelqu'un remette enfin le jeune homme à sa place. En voyant la veine de son front ressortir légèrement sous sa colère, Elena devina qu'il détestait cela.

Brooke le toisait malicieusement. Elle savait que Travis ne pouvait rien faire contre elle, aussi elle ne se privait pas de le rembarrer à chaque fois que l'occasion se présentait depuis ce matin qu'elle les avait rejoint. Elena savait qu'elle prenait un malin plaisir à la venger.

- Si cette affaire foire, je vous le ferais payer à toutes les deux, menaça-t-il calmement.

- Tu vas faire quoi ? Interrompre les soins de Noah ? Je te signale que si nous te balançons à Tu-Sais-Qui, il pourrait très bien reprendre le financement, rétorqua-t-elle d'une voix cinglante..

- Tu-Sais-Qui ? pesta Travis la fusillant des yeux. Sans déconner, t'as quel âge ? Dix ans ?

- Et toi, cinq de moins pour faire ce genre de remarques ?

- STOP ! intervint Elena dans un cri agacé.

Tout à son énervement, elle mit un geste brusque des mains pour les inciter à se calmer et renversa malgré elle le café sur ses chaussures. Elle vit rouge.

- Vous voyez ce que vous m'avez fait faire ? ragea-t-elle d'une voix sourde en leur désignant la tâche de café sur ses chaussures blanches.

Aucun d'eux ne répondit, interdits, se contentant de se lancer l'un et l'autre des éclairs de colère. Constatant leur absence de réactions, la jeune assistante souffla, exaspérée.

- Maintenant vous arrêtez de vous disputer tous les deux, d'accord? J'ai suffisamment de problèmes à gérer pour m'occuper de deux gamins comme vous en même temps !

- El...

- Je me fiche que tu sois mon patron, Travis. Tu m'as confié une mission alors tu la fermes et tu ne t'en mêles pas, c'est clair ? s'égosilla-t-elle en lui lançant un regard furibond qui coupa la parole de ce dernier.

Le jeune homme resta immobile, stupéfait de ce changement de ton et d'attitude de la part de son assistante, habituellement trop réservée pour s'opposer à lui. Le feu de ses yeux lui interdisait de lui répondre quoi que ce soit, aussi garda-t-il soigneusement le silence, sans cesser toutefois de la fixer. Il aurait dû rentrer dans une colère noire après une insolence comme celle-ci, mais, au contraire, il se surprenait à aimer ce petit côté rebelle et déterminé qu'elle affichait soudainement.

De toute façon, y avait-il une seule chose en elle qui ne le séduisait pas, lui qui aurait dû rester de marbre face à son charme ?

Désarmé par son regard qu'elle soutenait avec fermeté, il haussa les épaules et se replongea dans la lecture de son journal. Soulagée et satisfaite de l'avoir enfin calmé, Elena se retourna vers Brooke, impassible.

- Que disais-tu ?

- S'il était réellement au courant, tu penses sincèrement qu'il se laisserait approcher ? C'est tout de même lui qui recherche ta présence et ta compagnie, à chaque fois, avança Brooke en avalant une gorgée de son café.

Elle tendit la tasse à Elena, qui la saisit pour y boire à son tour. La jeune femme avait conscience que Travis continuait de les écouter, malgré son calme apparent et sa concentration.

- Je n'en sais rien, murmura-t-elle. Pour brouiller les pistes, peut-être ? Histoire que je ne me doute de rien...

- Ce n'est pas très malin, dans ce cas, avec la remarque qu'il t'a faite...

- Celle sur l'honnêteté ? s'enquit la jeune femme, guettant discrètement l'arrivée d'Harold, qui pouvait débarquer à tout moment.

- Non. Lorsqu'il te dit que tu lui plais et qu'il voudrait de voir nue.

A côté d'elle, Elena sentit Travis remuer légèrement, afin de se positionner plus confortablement, toujours aussi silencieux. A la pensée qu'il ait pu entendre les paroles de Brooke, elle rougit un peu, mais son amie avait chuchoté ces mots si bas qu'elle doutait que ce fut le cas.

Ce fut à cet instant, en relevant la tête pour cacher maladroitement son trouble, qu'elle aperçut la haute stature et la chevelure blonde d'Harold, suivie de la silhouette moins imposante mais toute aussi impressionnante du patriarche, ses traits tirés en un masque de sévérité.

- Ils arrivent.

Brooke se retourna dans son fauteuil, affichant l'air innocent et angélique qu'elle prenait habituellement pour séduire les hommes, et qu'Elena ne connaissait que trop bien. Travis ne bougea pas d'un pouce, et il sembla même qu'il se raidissait, glacial, sur son siège. Seule la jeune femme afficha un petit sourire lorsque ses yeux croisèrent ceux d'Harold, arrivé à leur hauteur.

Il lui répondit d'un léger hochement de tête, coupé par la voix autoritaire et glaciale de M. Anderson, qui fixa Brooke un bref moment.

- Puis-je savoir en quel honneur l'amie de ta domestique est-elle présente ?

- Père...

- Tais-toi, coupa-t-il. Nous n'avons plus temps pour tes enfantillages, nous partons immédiatement.

Elena n'avait jamais vu Brooke aussi écarlate de sa vie.