Les mains tremblantes sans aucune raison valable — ou peut-être était-ce à cause de la courbe virile sous son menton qui la bouleversait — Elena ouvrit le dossier.
Sous ses yeux s'étalait, en guise première page, une fiche de présentation.
***
NOM ET PRÉNOMS : Anderson, Travis, Allister, William.
DATE DE NAISSANCE : 28 Janvier 1991, à 20 h 41.
LIEU DE NAISSANCE : Londres, Angleterre.
PROFESSION : Homme d'affaires, gérant de la filiale d'Anderson Luxury à Milan, Italie.
LOISIRS : golf, théâtre, cinéma, jeux de cartes, équitation, sport...
NE SURTOUT JAMAIS MENTIONNER SA MÈRE.
RELATIONS AMOUREUSES CONNUES :...
***
Elena referma brusquement le dossier, les joues en feu. Voulait-elle vraiment savoir ? L'héritier des Anderson cultivait un mystère et une discrétion telle qu'une partie de son esprit s'excitait et ne demandait qu'à en apprendre plus... tandis que l'autre lui intimait de garder une attitude professionnelle coûte que coûte.
Ce fut finalement cette dernière qui l'emporta, et sans plus tergiverser, Elena rouvrit le dossier en prenant bien soin de cacher la fiche de présentation, muselant sa curiosité avec fermeté. Un léger coup d'œil lancé à sa montre en argent lui indiqua neuf heures, déjà. Il ne lui restait plus qu'une heure et demie avant de descendre dans le hall pour accueillir ses prestigieux patrons.
Après avoir épluché le plus rapidement possible les préférences de Travis – ce qu'il aimait boire en début de journée, comment devait être tournée sa chaise, la disposition idéale de ses papiers – Elena entama le dossier d'Harold.
Sur la photo, celui-ci semblait déjà plus chaleureux et joyeux, arborant un léger sourire auréolé par des cheveux d'un blond doré agrémentés de mèches rousses. Elena ne put s'empêcher de ressentir plus d'attirance pour lui, admirant l'éclat de ses beaux yeux ambrés tandis que les prunelles bleues de Travis ne renvoyaient que de l'autorité. Elle sourit malgré elle face à cet enthousiasme évident que dégageait Harold, l'estomac étrangement tordu, avant de se plonger dans une lecture avide.
L'aîné des Anderson révéla de loin le plus complaisant. Son dossier, plus léger que les deux autres, indiquait simplement ses préférences gastronomiques et nocturnes. Pour le reste, il semblait parfaitement se satisfaire de lui-même.
Lorsqu'elle referma la chemise qui contenait tous les renseignements sur Harold, elle se sentit soulagée. Au moins, son esprit resterait en paix avec l'un des deux frères. Ses découvertes l'avaient particulièrement touchée. La nature généreuse de Harold lui avait fait forte impression ; les reversements de la moitié de sa fortune annuelle à des œuvres caritatives, ainsi que la création d'une association dans le but de construire des bâtiments pour les nécessiteux marquaient ses pensées.
Elle allait s'emparer du dossier de William Anderson, le plus lourd, lorsque le téléphone fixe du bureau se mit à sonner. La panique gagna Elena un moment. Qui pouvait bien l'appeler ? Carmichael ? Elle ne voulait pas affronter une deuxième fois dans la journée l'impétueux chef des assistants... Son hésitation ne dura cependant qu'un instant, puisqu'elle saisit le combiné avant s'enquérir d'une voix qu'elle maintint la plus ferme possible :
— Mademoiselle Charles à l'appareil, je vous écoute ?
— Elena, les Anderson arriveront dans le hall dans une minute, murmura Kaitlyn.
La jeune femme faillit en bondir de sa chaise, et jeta un coup d'œil à sa montre.
— Quoi ? Mais il n'est que neuf heures et demie !
— La réunion a été avancée, visiblement, déclara Kaitlyn, tendue à en juger par la nervosité de sa voix. Descends vite, ces hommes-là ne sont pas connus pour leur patience.
Elena raccrocha et prit quelques secondes pour inspirer et expirer de tout son soul puis lisser sa jupe noire du plat de sa main. Dire qu'elle n'avait mémorisé que le dossier de Harold... Celui de Travis était trop fourni et le temps lui avait manqué pour lire celui de William Anderson. Les mains tremblantes, elle hésita une seconde. Cinq minutes de plus pour parcourir le dernier fichier, serait-ce se montrer trop audacieuse ? Elle secoua la tête, déçue, vaincue, résignée. Elle sortit de son bureau pour rejoindre rapidement le hall, plusieurs étages plus bas. À mesure qu'elle s'approchait d'eux, son anxiété montait et son cœur s'accélérait.
Non, non. Interdiction de paniquer, elle n'avait pas le droit à l'erreur. Les trois hommes ne laisseraient jamais passer une seule incartade.
— Putain, mais ce foutu ascenseur est réglé sur la vitesse de la lumière ou quoi ? Merde ! pesta-t-elle en observant le décor de l'immeuble et les étages défiler devant ses yeux.
Elle s'en tordait les doigts d'avance.
Elle arriva plus rapidement qu'elle ne le pensait dans le hall. Son esprit tentait tant bien que mal de rassembler les informations lues précédemment, concernant Travis pour la plupart. Quand devait-elle lui apporter un café déjà ? Et la position de ses mains, l'une contre l'autre devant son nez, quel ordre claquait-elle ? Le néant répondait, et seules les exigences d'Harold lui revenaient en tête. Elle jura intérieurement, s'étant recomposé un visage serein et avenant dans l'ascenseur au moment où les portes s'ouvrirent.
« Non, mais franchement ! Il ne pouvait pas faire plus simple, ce mec ? Foutu gosse de riche ! »
D'ordinaire tolérante et patiente, l'anxiété la rendait grincheuse. La journée commençait à peine et s'avérait déjà plus compliquée que prévu...
D'un pas qu'elle espérait assuré, elle rejoignit le hall d'entrée, aveuglée une fois de plus par la brillance du jour que les vitres exagéraient. C'était son mantra, ce qui l'avait toujours portée depuis l'abandon de sa mère à l'annonce de la maladie de Noah ; ce qu'il lui avait toujours répété : « Si tu veux réussir, adopte l'attitude de quelqu'un qui a tout gagné par avance ». Idiotie, fantasme, chimère qui persistaient.
La frêle jeune femme arriva au niveau du comptoir circulaire, derrière lequel Kaitlyn paraissait très occupée. Visiblement, elle aussi n'était pas rassurée, puisque ses joues rougissaient à vue d'œil et que de la sueur perlait avec discrétion son front.
— Ils attendent juste là, murmura-t-elle en désignant du menton trois silhouettes de haute stature, qui se tenaient de dos près du tourniquet qui menait dans la rue.
Les yeux clairs de la jeune femme lui soufflaient de sincères encouragements, et Elena souffla difficilement, les membres de son corps refusant de rester stoïques et fermes. Intérieurement, elle se maudit. Depuis quand la nervosité l'emportait sur sa fierté ? S'il la voyait ainsi, frêle et flageolante, la raillerie se lirait dans ses yeux. Pas question de lui donner ce plaisir, même imagé.
Prenant son courage à deux mains, elle s'avança prudemment vers les trois hommes. Ses talons claquaient sur le sol dallé délicatement. Arrivée à un mètre d'eux, elle s'éclaircit la gorge.
— Messieurs Anderson, nous sommes honorés de vous voir !
Ils setournèrent dans un bel ensemble, et Elena sentit une flèche s'enfoncer dans soncœur tandis que les yeux bleus de Travis Anderson la transperçaient de part enpart.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
Roman d'amourDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...