Ils s'interrompirent dans l'atmosphère matinale qui régnait dans la suite. Elena fixa les bouteilles d'alcool devant elle, songeuse. Travis et Harold semblaient si proches et si éloignés à la fois... une fois de plus, la question qu'elle se posait depuis le début de ce fichu contrat lui revient en mémoire : pour quelle raison son patron tenait-il tellement à écarter son frère de l'entreprise ?
Quelques semaines plus tôt, Elena aurait répondu que c'était par pure égoïsme. Travis était si tordu, si... arrogant. Il voulait toute la fortune, toute la gloire, sans aucun doute. Pas de réelles raisons à ce piège machiavélique. C'est ce que la jeune femme s'était dit lorsqu'elle avait commencé à le côtoyer, et pourtant... Même si Travis n'avait pas changé d'un iota, même s'il était toujours aussi imprévisible avec elle, à la limite de l'indécence et de l'impudence, même si elle haïssait toujours son caractère brutal et sa prétention, Elena ne pouvait se résoudre à croire qu'il agissait par simple hypocrisie.
Harold souffla un long moment, et une légère caresse au niveau de sa joue la fit tressaillir. Il lui souriait.
- Je ne t'avais jamais vue au réveil. Tu es encore plus belle que je n'osais l'imaginer.
- Tu m'as déjà imaginée au réveil ? s'amusa-t-elle.
- Bien sûr.
Elle se rapprocha un peu plus de lui, enlaçant leurs doigts et caressant son nez avec le sien, séductrice. Malgré elle, son dos se cambra, et elle vit passer une lueur de plaisir à peine dissimulé dans les yeux ambrés de son compagnon. La tentation de lui arracher sa chemise et d'ôter ses boutons envahit son esprit.
Etait-ce à cause de sa solitude, de la blessure d'être sans cesse repoussée qui faisait naître au creux de son ventre ce besoin d'être désirée et comblée à chaque fois qu'elle s'approchait d'Harold ? Elle ne comprenait pas comment elle arrivait à passer d'un homme à un autre, si facilement.
Elle n'avait pourtant jamais été comme Brooke.
Harold fit glisser ses doigts jusqu'à son épaule, menaçant de faire tomber ses vêtements ; en véritable gentleman, il n'en fit rien, et se contenta de la toucher avec délicatesse.
- Veux-tu en savoir plus ? s'enquit-il d'une voix rauque.
- Peut-être pourrais-tu me raconter tout cela autour d'un dîner ? proposa-t-elle, un petit air mutin sur ses traits.
Harold s'écarta un peu pour mieux la contempler, étonné. Elle lui sourit innocemment, les yeux brillants. C'était la première fois depuis le début de leur relation qu'elle prenait véritablement le contrôle des choses en lui demanda effrontément de sortir avec elle.
Elle savait parfaitement que cela ne se faisait pas dans ce milieu, mais Harold aima étrangement de revers des règles de sa part ; le jeune homme n'avait jamais été fan de la codification stricte que son père s'acharnait à lui faire suivre depuis son enfance. Ce côté rebelle chez elle, désinvolte, tout nouveau, le séduisait étrangement.
Ses yeux de miel l'observaient intensément, attendant sa réponse. Elena se mordit la lèvre.
- Il me semble bien que tu diriges la filiale parisienne ? relança-t-elle.
- Tu apprends bien tes leçons.
- J'ai toujours été une bonne élève, souffla-t-elle dans un murmure des plus sensuels.
Harold se retint de rire et Elena fut galvanisée par ce son. Un sentiment de puissance prenait possession de son corps, se prolongeant jusqu'à ses reins. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait plus senti cet étrange pouvoir, cette sensation d'invincibilité avec laquelle elle osait tout. A bien y songer, cela remontait à son passé avec les Dark Lions.
- C'est d'accord, souffla Harold, constatant qu'elle se mettait à jouer machinalement avec sa cravate. Ce soir te conviendrait-il ?
- J'ai déjà hâte d'y être, fit-elle tout contre ses lèvres.
- Putain, El...
Elle se mordit la lèvre devant cette expression qu'Harold n'avait pas pu retenir, le fixant délibérément dans les yeux avec l'espoir de l'entendre une fois de plus. Elle s'apprêtait à ouvrir la bouche lorsqu'une porte s'ouvrit avec fracas, les faisant sursauter en s'écartant l'un de l'autre.
- Puis-je savoir ce qui se passe ici ? tonna une voix qui glaça le sang d'Elena.
William Anderson se tenait à l'entrée, impeccable dans son costume gris, ses yeux noirs brûlant de toutes les flammes de l'enfer rivés sur elle avec le plus grands mépris. Elle se releva vivement, rouge de honte et terrifiée.
- Une réponse, Mademoiselle Charles !
- Je... bégaya-t-elle faiblement
La noirceur de son regard et son dégoût clairement affiché la clouait au sol, incapable de bouger ou de penser correctement. Que devait-elle faire, que devait-elle dire ? Travis n'avait pas prévu que son père découvre tout maintenant... Allait-il arrêter les soins ? Et surtout, qu'allait dire Harold ? Un seul mot de travers, et tout le plan était foutu !
Ses mains se mirent à trembler, ses jambes aussi, et ces dernières ne supportant plus son poids, flageolantes, la jeune assistante s'effondra à terre, la gorge nouée, couvrant tant bien que mal sa poitrine que sa robe de chambre menaçait de dévoiler à tout instant. Elle voulut ouvrir la bouche, mais en fut incapable. Harold se leva et se préparait à affronter son père quand Travis, habillé d'une chemise et d'un pantalon de costume, fit irruption dans la salle commune.
- Qu'est-ce que...
Sceptique, ses yeux bleus balayèrent d'un coup la scène ; Elena au sol, la main scotchée à sa poitrine, Harold debout les poings serrés et le visage déterminé, l'expression de rage de William qui dominait la pièce de toute sa hauteur, et, revenant à Elena, les tremblements incontrôlés de ses membres. Le visage du jeune homme se transforma un maque de pierre, glacial.
- Puis-je savoir de quel droit vous vous permettez tous les deux d'effrayer mon assistante ? ragea-t-il en s'avançant vers elle à grands pas, furieux.
- Travis, souffla-t-elle si bas qu'il fut le seul à l'entendre, ses yeux écarquillés en signe d'avertissement.
Il s'agenouilla près d'elle, inquiet, tandis que le patriarche claquait la porte derrière lui et déclara d'une voix forte, féroce.
- Il est hors que cette petite imbécile reste plus longtemps ici. Je ne laisserais pas une parvenue dans son genre flirter impunément avec un homme beaucoup trop bien pour elle.
- Papa !
- Harold, ne t'en mêles pas, suis-je clair ? menaça-t-il en pointant un doigt impérieux vers son fils.
Travis contemplait la scène en tentant de contenir sa colère, ses mains appuyées sur les jambes d'Elena pour calmer des frémissements ininterrompus. Celle-ci sentit un goût amer se répandre dans sa bouche au son des insultes lancés à son encontre, et la honte fit place à la colère et à la rage. De quel droit se permettait-il ?
Elle cessa de trembler, oubliant un instant le plan de Travis, les conséquences qu'elle encourait et le pouvoir de William Anderson. Il était tout simplement hors de question d'accepter une fois de plus de se soumettre à cet homme. D'un geste sec, elle se libéra des mains de Travis, et elle se releva sans plus attendre, motivée par la rancœur.
VOUS LISEZ
Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...