7.4. New York, New York

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La fermeté de son contact sur le poignet de la jeune femme commençait à lui faire mal et elle tenta de se dégager en tirant son bras vers elle. Travis ne bougea pas d'un millimètre, se contentant de la contempler impassiblement.

Elena sentait la panique montait en elle. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Sa voix en tremblait légèrement.

- Lâche-moi, Travis.

- Non.

- Putain, mais t'es un grand malade ! s'exclama-t-elle, perdant toute mesure. Lâche-moi, ou je me mets à crier.

- Tu n'oserais pas, fit l'autre, sûr de lui.

Elena fronça les sourcils, en continuant à se débattre. Le jeune homme était un peu trop convaincu de la dominer, et le tempérament rebelle de la jeune femme n'allait pas réussir à le supporter plus longtemps. Hors de question d'encaisser encore et encore ses sautes d'humeur et ses accès de colère. Ils s'observèrent quelques instants, sans un mot. La prise de Travis se desserra légèrement et Elena put se libérer. Ses yeux le dévisageaient avec dégoût.

- Tu es vraiment dérangé, laissa-t-elle tomber en se massant le poignet.

Il l'avait tenu si fort qu'elle en avait des marques rouges. Travis restait immobile, son regard ne se détachant pas des traces qui parcouraient la peau de la jeune femme, perdu. Il finit cependant par reprendre contenance lorsqu'il croisa les yeux furieux d'Elena.

- Et encore, tu n'as rien vu, déclara l'homme en reculant un peu.

La jeune femme allait lui rétorquer d'aller se faire voir lorsqu'une voix enjouée la prit de court.

- Je n'osais pas y croire !

Harold venait de débarquer dans le salon privé, accompagné de M. Anderson qui jugeait la jeune femme d'un œil mauvais. Aussitôt, elle se raidit. L'aura qui se dégageait du cinquantenaire était encore plus puissante que celle qui émanait de Travis, pourtant écrasante.

Si Travis l'énervait plus qu'il ne la tétanisait, son père terrifiait réellement Elena. Cet homme avait le pouvoir, celui de faire de sa vie le pire des enfers. Comment Harold et Travis avaient-ils pu vivre aux côtés d'un homme d'apparence si glaciale et impressionnante ?

L'aîné des Anderson arrivait vers elle, tout sourire, et Elena se calma instantanément. Enfin, quelqu'un pour lui faire oublier Travis et son foutu mauvais caractère.

Ce dernier coula d'ailleurs un regard d'avertissement vers elle, qui se mit soudain à rougir. Message reçu, cinq sur cinq. Son visage se fendit d'un sourire radieux lorsqu'Harold arriva à sa hauteur.

- Vous n'espériez pas si bien dire, n'est-ce pas ?

- C'est vrai que je ne pensais pas déjà te revoir, s'amusa le jeune homme. Tu as déjà oublié tes bonnes manières ?

- Attendons d'être seuls pour laisser tomber les formalités, lui enjoignit Elena en passant sa main dans les cheveux.

Malgré son assurance apparente, le cœur de la jeune femme battait à cent à l'heure. Elle se savait observée par Travis et toisée par M. Anderson ; sentir cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête ne la mettait pas forcément à l'aise.

- Elena, ne reste pas plantée-là, lui asséna Travis en se levant. Nous embarquons dans moins de cinq minutes !

- Prête à me tenir compagnie dans l'avion ? fit gentiment Harold en lui glissant un discret clin d'œil.

***

Il était midi passé lorsqu'ils atterrirent à l'aéroport de JFK, à New York. Entre les sept heures de vol et le décalage horaire de cinq heures, Elena était épuisée et perdue. Pour la jeune femme, encore calée sur le fuseau horaire de Londres, il était déjà dix-sept heures.

En sortant de l'aéroport, un immense soleil aveugla Elena, qui dut se protéger les yeux un instant, afin de ne pas tomber. Une main chaleureuse vint se poser délicatement sur son bras, comme pour la retenir.

- Ne va pas te faire mal, plaisanta doucement Harold, sinon je vais devoir te porter jusqu'au taxi.

- Tu penses en avoir la force ? lui chuchota-t-elle, taquine, s'assurant que M. Anderson était suffisamment loin pour les entendre.

- Tu oserais mettre en doute mes capacités physiques ? s'amusa le jeune homme.

- Peut-être bien !

- Je te prouverai que j'ai encore toute ma vigueur !

Il s'éloigna après un énième sourire enjôleur, la laissant s'arrêter quelques instants. Ses yeux parcouraient la foule, à la recherche des deux visages familiers de Brooke et de Noah. Si les Anderson avaient voyagé en jet privé, le vol depuis Londres devait être arrivé en même temps qu'eux. Elena se mordait les lèvres. Elle aurait aimé pouvoir les accueillir... Cela faisait plus de vingt-quatre heures qu'elle n'avait pas vu son frère.

Elle sentit son corps se tendre et un frisson parcourir son dos tandis qu'une présence s'approchait d'elle. Le poids qui tomba sur elle lui fit comprendre de qui il s'agit. Le souffle de Travis atterrit sur sa nuque tandis que sa voix grave parvenait en un murmure à son oreille.

- Ne t'inquiète pas. J'ai envoyé quelqu'un pour les accueillir et les accompagner jusqu'à leur appartement.

Son ton était étrangement doux et calme. Pour la première fois, Travis semblait faire preuve de compréhension et compassion face à l'attachement d'Elena pour sa famille. Sa main caressa lentement son dos, dans un geste qui se voulait rassurant.

- Je te promets que tout ira bien, affirma-t-il dans un souffle rauque.

Elena ne répondit pas, scrutant toujours la foule. Travis exerça une légère pression sur sa taille pour l'enjoindre à le suivre doucement.

- Allez, viens. Evitons de priver Harold de ta compagnie une seconde de plus.

***

Dans la voiture, Elena observait les immenses buildings de New York sans pouvoir s'en détacher. Au loin, Central Park se dessinait peu à peu tandis que leur limousine les conduisait vers Time Square. Pensive, la jeune femme songeait que Brooke aurait déjà remarqué une centaine de fois que l'accent des américains était à couper au couteau, à mi-chemin entre l'aspiration des mots et la déformation des voyelles.

Le silence régnait, mais Harold et Elena échangeaient de temps à autres des œillades complices et des sourires gênés. Travis faisait semblant de lire un magazine, mais la jeune assistante savait parfaitement qu'il les observait silencieusement, s'assurant du travail d'Elena.

Cependant, la jeune femme ne se forçait même pas, comme si la complicité entre Harold et elle était naturelle. Durant le trajet en jet, ils avaient réussi à s'isoler pour discuter, alors que M. Anderson était concentré sur ses dossiers et que Travis tombait de sommeil.

Les doigts d'Elena effleuraient parfois son téléphone dans son sac à main. Les paroles de Travis avaient réussi à l'apaiser. Inexplicablement, elle avait confiance en lui. Elle soupira.

Ce fut au moment où elle songeait à cela que son portable se mit à vibrer. Constatant que Travis ne réagissait pas, Elena ouvrit discrètement le message d'un numéro inconnu qui venait de s'afficher.

"Est-ce que tu es déjà venue à New York ? H."

Elle fronça les sourcils et leva les yeux vers Harold, portable en main.

"Jamais. Comment as-tu eu mon numéro ?

"Je te le révèlerai seulement si tu acceptes de découvrir la ville avec moi".



Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant