12. [Alex]

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Un cri. Deux cris. Pas de troisième cri. Les deux premiers suffirent pour qu'Alex se réveille en sursaut. Le front mouillé par la sueur, il essaya de se lever mais la fatigue mêlée au manque d'énergie se firent ressentir: épuisement et courbatures le freinaient dans son éveil nocturne.

Une fois l'inventaire de ses douleurs achevé, l'absence de familiarité que présentait ce lieu ne manqua pas de l'intriguer. Etant donné qu'il se laissait souvent séduire par la nouveauté, cela ne le dérangea pas.

Malgré son caractère timide et discret, il aimait par dessus tout assimiler des connaissances et compléter son panel de compétences. Alex, c'était la personne profondément gentille que n'importe qui rêverait de rencontrer dans sa vie mais qui, à cause d'un passé lourd et tumultueux, s'était enfermé dans un cocon où seule la solitude venait lui rendre visite.

Perplexe quant à la probabilité qu'il réussisse à rentrer dormir chez lui ce soir, Alex regarda ce qu'il y avait autour de lui mais ne vit ni chemin ni trace de vie. Il en conclut qu'il était bien seul, au beau milieu de nul part en pleine nuit, perdu devant un carrousel.

"Ce n'est pas tous les jours", se consola-t-il. L'imposante bâtisse lui rappelait ces chères ambiances de films d'horreur qu'il aimait tant. Il fixa les chevaux qui tournaient, tournaient et tournaient. Ce mouvement interminable accompagné de rires, ceux de petites filles, qui ne cessaient de se répéter encore et encore, finirent par le mettre mal à l'aise. L'impression d'être dans un mauvais rêve le tracassa.

Entendant et sentant quelque chose effleurer son oreille, Alex se retourna mais ne vit rien. Ce bruit recommença, à plusieurs reprises. Il eut l'impression d'être mitraillé par quelque chose mais sa vue étant obstruée en partie par l'obscurité, il ne parvenait pas à identifier l'origine de ce bruit. Il savait seulement que l'intervalle de temps entre deux tirs se réduisait. S'il était bien la cible, comment pouvait-on être aussi maladroit?

Il tenta de se rappeler ce qu'il avait fait récemment: sans succès. Rien, même pas une vague idée. Lui qui avait l'habitude d'être dans le flou total, sa désoriention prenait un degré qu'il n'eut jamais la chance de connaître auparavant.

A côté du carrousel, Alex fit la découverte d'une petite cabane en bois. Sur l'un de ces murs en bois, il distingua une silhouette. Au fur et à mesure qu'il s'en rapprochait, il constata qu'il ne s'agissait pas d'une personne ni d'une bête.

Quelques pas plus loin encore, il découvrit un nombre incalculable de fléchettes plantées dans un mur formant la silhouette d'un homme, un homme qui avait à peu près sa taille. Alex fut intrigué par le fait que le dessin formé par les fléchettes ne soit pas complet: il en manquait quelques unes pour achever l'œuvre. Il eut l'étrange impression d'avoir son image miroir reproduite à échelle humaine en face de lui. Il parvint même à reconnaître sa pose habituelle lorsqu'il réfléchissait. "Cette silhouette, c'est tout moi", pensa-t-il fasciné.

Tandis qu'il se plongea dans une réflexion profonde sur la manière dont son bassin changeait de position selon ses humeurs, le bruit se fit entendre à nouveau. Une fois. Deux fois. Pas de troisième fois. Pensant devenir fou, Alex se retourna à nouveau mais distingua toujours rien dans la pénombre.

A intervalles réguliers, le bruit bourdonnait dans ses oreilles. Croyant aux premiers abord à des hallucination sonores répétées, Alex se rassura en se souvenant qu'une telle expérience ne lui était jamais arrivée et, qu'à part sous l'emprise de drogue, cela ne changerait pas.

Avoir été drogué à une fête qui avait mal tourné devint le nouvelle hypothèse en vogue dans son cerveau. Cependant, cette popularité fut vite remise en question lorsqu'il se souvint de son nombre d'amis qui tendait fatalement vers zéro.

En observant à nouveau l'oeuvre qu'il avait lui-même baptisé "Frère jumeau", Alex se rendit compte que les fléchettes manquantes venaient de faire leur apparition. "Mais que suis-je bête", s'écria-t-il. On ne cherchait pas à le mitrailler, ni à réaliser un chef d'oeuvre, mais simplement à lui faire comprendre que quelqu'un était assez proche de lui pour lui lancer des fléchettes à bout portant. Saisi d'un brin d'effroi, Alex comprit que l'anonyme joueur de fléchettes pouvait faire ce qui lui chantait.

Il décida alors de se diriger vers la carrousel, là où il pourrait se protéger un minimum. Au loin, le bruit des feuilles mortes qui se froissaient le rendit paranoïaque. Les bruits se rapprochaient, il le savait mais le terreur lui faisait n'importe quoi.

Dans la pénombre, des yeux jaunes ressortirent. Ils les voyait s'avancer vers lui mais n'arrivait pourtant pas à bouger. Un reflet. Un simple reflet. Le reflet de la lune sur l'acier. Sur l'acier d'une lame courbée.

Qu'est-ce que c'est que ce truc? se demanda-t-il.

En voulant revenir sur ses pas, Alex trébucha et chuta lamentablement sur une marche du carrousel. Les yeux se rapprochaient de plus en plus rapidement.

Alex pouvait désormais distinguer une silhouette, celle d'un homme élancé et vêtu de noir.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant