3. [Edward]

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Edward resta tétanisé. Quelque chose comme une forte dose d'adrénaline le fit trembler. Ses mains serraient la faux en pierre si fort que des gouttes de sang coulaient le long de ses avant-bras.

Après tout, ce n'était pas de sa faute si Jérémy était tombé. Il ne devait pas s'en vouloir. Il n'y était pour rien. Il ne devait pas s'en tenir responsable. Non, non. Ce n'était pas sa faute. Une larme coula le long de sa joue. Il n'y était pour rien.

Encore une fois, l'arme se mit à retentir. Les statues s'enfoncèrent alors progressivement dans le sol et ne tardèrent pas à disparaître. Edward regarda la mare de sang s'écouler dans l'herbe et découvrit aussitôt le corps inanimé de Jérémy gisant par terre. Lentement, il s'en approcha, dégagea les sangsues qui gigotaient sur sa peau et lui ferma les yeux.

S'il ne parvenait pas à contrôler ses tremblements ni son émotion, il se força à prendre de longues inspirations le temps de reprendre ses esprits. Avant de laisser le cadavre derrière lui et de repartir, Edward se retourna et adressa à Jérémy un merci qui le fit frissonner.

Marcher, s'en aller, se vider la tête : rester ici était impossible. Edward ne comprenait pas, ne comprenait rien et se demandait ce qui s'était passé depuis qu'il était arrivé aux studios de TVGOO. Depuis son réveil, rien ne faisait sens, ses souvenirs étaient flous et il n'avait aucune idée de ce qui se passait. Pourquoi était-il recherché par des Faucheurs ? Qu'avait-il fait ?

Quelques minutes d'errance plus tard, les sourcils d'Edward se froncèrent lorsqu'il aperçut les rails d'un métro aérien serpenter entre les arbres. Ne sachant pas quoi faire, il décida de longer le parcours que l'édifice en fer dessinait. Alors que les questions se multipliaient et commençaient à le perdre, il fut interpellé par une voix, une voix d'ordinateur.

« Chers candidats, chères candidates. Vous n'êtes plus que trente-trois dans la course aux Sélections. Je vous félicite : vous êtes parvenus à survivre plus longtemps que le quart des candidats. Je vous rappelle que seuls vingt-quatre d'entre vous intégreront le Jeu des Faucheurs. Ne me décevez pas et surtout, ne décevez pas le public. Je vous embrasse affectueusement et bien sûr, vous souhaite de ne pas nous quitter tout de suite. »

Edward scruta les alentours pour tenter d'identifier d'où provenait l'enregistrement et, lorsqu'il vit une discrète enceinte noire dissimulée dans les branches d'un ébénier, comprit que cela n'était qu'une simple annonce. Des inconnus cherchaient à le tuer et il ne savait pas pourquoi. Son cœur se mit à battre anormalement. Et même, le public dans tout ça ? Le monde entier le regardait se faire courser par des psychopathes ?

Non, ce n'était pas possible. Au XXIème siècle, personne ne pourrait regarder un tel programme de télévision. Il n'y avait plus aucun doute : Edward était victime d'une caméra cachée et Jérémy était un acteur engagé par la production. Mais bon, quand même. Jérémy semblait bel et bien mort. Certains détails lui échappaient. Il le savait et cela lui donna l'impression de devenir fou. Dans tous les cas, s'il tenait à découvrir ce qui se tramait dans son dos, le plus important était qu'il survive.

Edward continua de suivre le chemin des rails et ne tarda pas à arriver devant ce qui semblait être une station de métro. Le panneau qui l'ornait apprit à Edward qu'il se trouvait à Symala : Forêt des Serpents. Prendre le métro, là, tout de suite ? Pour aller où ? De longues minutes durant, il fit les cent pas et tenta de peser le pour et le contre : rester seul ici et prendre le risque de tombez nez-à-nez avec des Faucheurs ou partir dans l'inconnu le plus complet ?

Sa curiosité le poussa à descendre les escaliers et à escalader les tourniquets sans plus attendre. Lorsqu'il pénétra dans le hall où des sièges vides se faisaient face, il ne peut s'empêcher de penser au nombre incalculable de fois où il avait pris le train pour se rendre au lycée, à tous ces matins calmes, paisibles. Non. Non. Il n'avait pas le temps ni le droit de se remémorer tout cela.

La station qu'il venait de découvrir semblait abandonnée. Un panneau électrique retenu par deux maigres câbles pendait devant le quai et indiquait qu'il restait six minutes avant que la prochaine rame n'entre en gare. Six minutes d'attente, soit six minutes pour se décider s'il devait monter dans la rame ou non. Rester ici ne lui inspirait rien de bon. Il avait besoin de changer d'air et de partir loin d'ici, loin de la forêt, de la fontaine et surtout loin de Jérémy. 

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant