72. [Pauline]

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Pauline sentit quelque chose de lourd heurter son visage. La sensation revenait, comme si on la giflait. Elle ne sut pas si elle était plongée dans un rêve, mais lorsqu'elle vit le visage de Cinks au moment où elle entre-ouvra les yeux, elle commença à comprendre qu'elle avait été droguée et mise ici. 

-Pauline, redressez-vous, ordonna-t-il sèchement.

La jeune blonde s'exécuta, elle ne voulut point se faire torturer à nouveau.

-Pauline, répéta-t-il, j'ai peur que vous ne compreniez pas ce que je vous ai dis la nuit dernière, dit-il en lui faisant un plein d'œil très rapide. J'ai l'impression que vous ne croyez pas aux valeurs que l'on tente de vous inculquer. Ainsi, je vais vous les marquer noir sur blanc sur un papier à mesure que je vous les dicte, je ne peux tolérer un tel comportement à l'avenir. Nous sommes dans le Jeu des Faucheurs, dit-il en tapant sur la table, pas dans une de vos télé-réalités minables ! 

Pauline sursauta avant d'acquiescer rapidement.

-Est-ce comprit? demanda-t-il en articulant bien chaque mot. 

-Qu'est-ce que j'ai...

-Non ! hurla-t-il. Il n'y a pas de qu'est-ce que ! Est-ce comprit? redemanda-t-il. 

-Oui...

-Oui Monsieur, dit-il avec mépris, je suis un Monsieur, alors vous m'appellerez Mon-sieur.

-Monsieur, oui Monsieur. 

-Avez-vous besoin que je vous rafraichisse la mémoire à propos des morts de la nuit dernière?

-Non Monsi...

-Non mais c'est dingue ! coupa-t-il en haussant la voix. Nous vous prévenons, nous vous donnons le chemin vers l'excellence, et vous nous récompensez comme cela? 

Pauline ne préféra pas répondre de peur de se faire exécuter sur le champ. Lorsque Cinks vit qu'elle ne réagissait pas, il sourit avant de prendre un air plus grave et de se lever de sa chaise de bureau, comme si cela lui faisait plaisir de la voir souffrir. Une fois au niveau de Pauline, il fit mine de se calmer. Pendant de longues minutes, il contint sa haine et, une fois celle-ci canalisée, retourna s'asseoir à son bureau. 

-Revenons à l'écriture de ces valeurs. S'il vous plaît, ne prenez pas cet air, j'ai l'impression qu'on vous ment et qu'on fait cela rien que pour vous embêter, dit-il en griffonnant sur le papier. Vous savez quoi? Je vous le marque, que l'on ne vous ment pas, parce qu'apparemment aussitôt que l'on vous propose de l'aide, aussitôt vous prenez la fuite !

-Monsieur, oui Monsieur, dit-elle d'une petite voix.

-Très bien Pauline, vous êtes sur la bonne voie. Alors, restez-calme et faites comme si tout allait bien parce que c'est comme cela que va se passer votre quotidien désormais ! déclara-t-il en continuant à écrire.

-Monsieur, oui Monsieur.

-Sinon, si vous n'obéissez pas, enlevez de votre petite tête l'idée selon laquelle les méchants que nous sommes, eh bien, " à la caméra ils le verront pas" parce que, en réalité, nous le verrons, et ce sera trop tard lorsque vous vous direz enfin "Ils me tueront, c'est des salauds !" parce que c'est l'essence même de ce jeu et vous le savez: nous n'hésiterons pas à vous tuer. Tant qu'on y est, je vous le marque, on ne sait jamais quelle stupidité peut vous pervertir. 

D'ailleurs, gardez le silence à propos de ces rendez-vous, je ne veux pas que les autres sachent que je vous aide à devenir moins médiocre. Vous comprenez, si les autres joueurs commencent à mener leur enquête, cela sera un souci pour moi, sans citer la fois où votre cerveau a quand même dit à vos neurones "Tenez, parlez à Alex de mon rôle", dit-il en soupirant. 

Vous savez, vous me désespérez à un tel point que j'en suis venu à dire à mes équipes: "faites-lui prendre de la drogue dure qu'elle meure d'une overdose", mais j'ai abandonné cette idée, ne vous en faites pas, dit-il en riant. Par contre, reparlez à Alex et évoquez le mot rendez-vous et je vous tue sur le champ. Compris?

-Oui Monsieur, oui Monsieur, dit-elle en séchant les premières larmes qui tombaient. 

-Bien, salua-t-il. Pauline, je sais que vous êtes du style "pro fête", mais brûlez ce papier avec une des torches présentes à la soirée ou autre chose pour faire la rebelle et je vous emmène directement à la guillotine.

-Compris Monsieur, compris. 

-Bien. Vous avez déjà été changée, alors partez directement à la soirée, dit-il en montrant la porte de son bureau. Mais n'oubliez pas de relire le papier nom de Dieu !

Pauline acquiesça une dernière fois avant d'être redirigée par un garde vers un couloir. Son cœur battait fort, elle ne voulut jamais revenir dans un tel bureau. Alors, lentement, elle déplia le papier et relut les valeurs que Cinks y avait inscrites, il fallait qu'elle les apprenne par cœur une bonne fois pour toute. C'était au moment de la lecture que le visage de Pauline se décomposa et que son cœur se mit à battre plus fois:

"On vous ment.

Alors, restez calme et faites comme si tout allait bien

Sinon, à la caméra ils le verront et me tueront.

Gardez le silence.

Enquêtez, parlez à Alex.

Faites-lui prendre de la drogue

Et évoquez le mot prophète.

Brûlez ce papier. "

-Pauline ! lança Alex de l'autre côté du couloir.







Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant