61. [Jasmina]

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Jasmina était impuissante, le faucheur avait une emprise totale sur elle. Ignorant que certains pouvoirs spéciaux avaient été donnés à chacun des faucheurs, elle mit un certain temps avant de réaliser qu'elle ne pouvait rien face à la situation. Le faucheur n'avait pas qu'un ascendant physique, mais il contraignait également ses proies à abandonner toute forme de résistance simplement par la pensée. La faculté du faucheur d'émeraude avait eut raison de sept innocents lors de la première nuit des sélections et restait l'un des faucheurs les plus meurtriers.

Il leva sa main droite vers le ciel, articula un ordre dans une langue étrangère tandis que Jasmina se releva. Comme sous hypnose, elle alla se placer dans la continuité de la ligne formée par les trois autres innocents qui étaient agenouillés et attendit patiemment son sort.

« Cessez de résister, cela ne serait qu'une perte de temps, soit quelque chose dont qui m'es inconnu, je préfère ne pas connaître, commença-t-il, l'un d'entre vous a ôté la vie de l'un des miens, et je ne laisserai point un tel acte impuni.

Que vous soyez destinés à mourir est une chose, mais que vous montriez une forme de rébellion face à la toute puissance des faucheurs en est un autre. Vous n'avez pas été mis ici pour vous défendre. Je prends cela comme une insulte à toutes les fois où je m'efforce de tuer rapidement alors que je pourrai faire tuer le plaisir. Je suis le faucheur d'émeraude moi, pas la Grande Faucheuse. Et ce soir, vous n'avez pas tué le Grande Faucheuse: vous avez tué l'un des miens, l'une des personnes que j'aimais le plus sur cette Terre et Dieu sais que je n'use jamais du langage pour le gaspiller.

Nous ne sommes pas pareils, nous autres. Vous êtes des innocents, vous avez été placé ici à grâce à votre tendance à ne pas réfléchir, mais lorsqu'on regarde le tableau avec du recul, vous ne vous connaissez pas, vous ne pouvez vous aimer de la même manière que nous, les faucheurs, qui avons vécu tant de choses ensembles ».

-Veuillez excuser notre tendance à ne pas être des meurtriers, coupa l'un des innocents.

Le faucheur se retourna en direction de l'innocent qui était à droite de Jasmina et le fixa droit dans les yeux.

-Vous osez interrompre le cours de ma parole? dit-il en attrapant l'innocent par le cou.

-Il m'a été appris d'interrompre les flots de conneries, répondit-il d'un ton ferme. A défaut d'avoir été sélectionné pour devenir une machine à tuer, je vous informe que vous faites désormais partie intégrante de ce qui me dégoute le plus au monde, de ce que je trouve immonde.

Jasmina voulut dire à l'innocent d'arrêter de signer son arrêt de mort, mais elle n'avait pas la force de s'interposer et préféra laisser le faucheur le prendre pour responsable de la mort du faucheur.

-Cessez votre pseudo rébellion, je vous ai déjà dis que je n'avais pas de temps à perde pour des héros d'un soir qui ne comprenne pas la mesure des mots qu'ils emploient. Ne vous a-t-on jamais appris à adapter votre langage à une situation?

-S'il s'agit de courbettes que vous demandez, sachez que je peux la mettre votre forme. Personnellement, mes proches m'ont toujours appris qu'il était préférable de mourir en défendant ses idées plutôt que de marcher dans les rangs des ennemis. Car oui, je pense que vous avez été contraint à faire cela, mais je m'en fous. Moi, quand je me suis levé ce matin, je suis arrivé à me regarder dans un miroir et je n'ai pas laissé mes idées être corrompues.

Le faucheur resserrait sa main autour du cou de l'innocent à mesure que ce dernier tentait de lui montrer à quel point sa vie était un paradoxe:

-Vous nous reprochez d'avoir tué l'un des vôtres, vous soulevez à quel point c'est inhumain de perdre quelqu'un que l'on aime, mais pourquoi alors être devenu un faucheur? Pourquoi s'être formé à devenir ce que vous détestez vous-même? Parce que, pour vivre dans un tel paradoxe, il en faut du courage. Cependant, vous semblez pencher du côté des lâches, alors je peux maintenant affirmer avec certitude que vous avez été contraints à faire le sale boulot.

-Ne m'oblige pas à commencer par toi.

-Allez-y, dit-il d'une voix encourageante, la laideur de votre vrai visage ne me donne plus la force de me battre, alors délivrez-moi en...

L'innocent n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la faux était déjà plantée dans son abdomen, laissant l'ensemble de ses boyaux s'amasser sur l'herbe.

-A qui le tour?

-Je crois que c'est le mien, fit une autre voix.

Jasmina se retourna et vit un joueur, mi-faucheur mi-démon qui avançait en direction du faucheur d'émeraude. Sans qu'elle le sache, elle venait de faire le rencontre du faucheur rénégat.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant