90. [Pauline]

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Pauline se réveilla dans l'arène en sentant le vent qui passait sur sa nuque. Une fraîcheur, le sentiment d'un béatitude mais il fallait se rendre à l'évidence: elle était quand même dans l'arène et devrait se faire à la chose au plus vite.

Cet endroit maudit ne lui avait guère manqué, elle préférait encore subir les tortures de Cinks. Mais le choix, elle ne l'avait pas, elle ne l'avait plus depuis qu'elle était entrée dans ce fameux Jeu, un jeu qui avait changé sa manière de percevoir la vie.

Seule au beau milieu de la forêt des songes, elle sentait le calme autour d'elle, presque un sentiment de sécurité. Cela lui rappelait les fois où se mère rentrait de voyages d'affaires et qu'elle l'attendait sur le perron de la maison, parfois des heures durant. Lorsque le portail s'ouvrait, elle voyait le visage de sa mère s'illuminer et ses bras s'ouvrir en grand.

Elles s'aimaient d'un amour passionnel, d'un amour fusionnel. Elles avaient toujours vécu toutes les deux, sans avoir besoin de qui que soit d'autre. Sa mère lui avait promis de ne jamais chercher l'amour à nouveau tant que Pauline n'était pas prête.

Ce serment avait toujours duré et était toujours d'actualité, et elle savait que sa mère attendait toujours son approbation avant de renouer à nouveau avec les hommes. Son père, elle l'avait connu très jeune mais une maladie rare l'avait emporté trop tôt. Son jeune âge lui avait permis de s'en remettre mais il y avait toujours un manque, un vide lorsque sa mère évoquait son nom. Elle aurait simplement voulu pouvoir mieux le connaître, apprendre à le découvrir en somme.

Pauline aurait donné n'importe quoi pour pouvoir prendre sa mère dans les bras, pour lui dire je t'aime une dernière fois et lui donné cette autorisation pour qu'elle puisse retrouver l'amour.

Elle n'avait jamais vraiment été très émotive avec sa mère, plus le temps passait et plus elle s'émancipait. Leur amour était toujours aussi fort mais elle ne partageaient pas autant de choses qu'autrefois. Sa mère ne lui en voulait aucunement, mais elle aurait aimé lui dire à quel point elle était précieuse à ses yeux.

Pauline ne savait pas quelle heure il était ni exactement où elle se trouvait. Elle n'avait pas la force ni l'envie de se battre ce soir, mais elle serait bien obligée de le faire si elle voulait échapper aux faucheurs et revoir sa mère à nouveau.

Du retard, elle en avait pris. A ce jour, elle avait seulement empoisonné Alex et Miranda, il fallait qu'elle rattrape ses erreurs et qu'elle commence à jouer comme elle le voudrait. Il fallait par tous les moyens qu'elle trouve des innocents, qu'elle leur parle et qu'elle les convainque de boire sa potion. Auquel cas, elle serait à son tour empoisonnée et se ferait prendre à son propre jeu.

Ce soir, il ne faisait pas chaud. Il ne faisait pas froid non plus. Une simple brise, un clair de lune. Son costume d'empoisonneuse lui tenait certes chaud mais pas trop, assez pour qu'elle sente une forme de confort qui la rassurait.

Soudain, elle entendit un bruit. Un son qui lui était étranger, mais quelque chose d'assez fort pour qu'elle se retourne afin d'identifier de quoi il s'agissait. A sa grand surprise, elle vit un vaste faisceau de lumière orange qui se dirigeait vers le ciel. Elle ne comprit pas de quoi il s'agissait, mais, par simple curiosité, elle eut envie de s'y rendre et de comprendre ce qui se tramait dans son dos. Alors, sans réfléchir, elle se mit en marche vers ce qui semblait être la lumière chaleureuse de l'automne.

Elle ne pouvait s'arrêter de penser à ce qu'Alex lui avait confié lorsqu'il était sous drogue. Elle n'avait pas saisi tout ce qu'il lui avait révélé, mais elle avait compris assez pour être inquiète et se demander pourquoi autant de détails aussi précis avaient pu sortir de la bouche d'Alex sans qu'il n'en ait le moindre souvenir.

Une chose était sur: ce n'était que le début du Jeu des Faucheurs et le pire était nettement devant eux. Elle ne savait pas quelle forme cela allait prendre mais elle sentait quelque chose de mal, de mauvais se profiler devant elle. Quelque chose, n'importe quoi, mais quelque chose allait se passer et personne n'y était préparé. Trop de mystères sont dissimulés dans cette arène, dans ce Jeu. Pourquoi autant de questions auxquelles personne n'a de réponse? Pourquoi étaient-ils vraiment enfermés ici?

Le fait d'être passée sur une scène devant des milliers de téléspectateurs lui avait glacé le sang. Depuis petit elle voulait être populaire, être au centre des attentions mais maintenant qu'un milliard de personne la regardait quotidiennement, sa vie ne serait plus pareille, jamais. Elle n'avait pas envie de ça, elle aurait au moins avoir eu la possibilité de choisir ce qui lui arrivait. Depuis qu'elle était ici, elle avait l'impression de perdre le contrôle petit à petit et d'être devenue une spectatrice de sa propre vie.

Pauline aimait le contrôle, elle aimait savoir ce qui lui arrivait et détenir les rennes de sa vie. Cela lui avait été enlevé et la sensation d'impuissance ne coagulait pas dans son sang. Elle y resterait toujours étrangère et préférait fermer les yeux sur la gravité de la situation. Elle était au bord de la mort tous les jours, elle avait peur de devenir folle à chaque seconde et la peur, la boule au ventre et la tristesse n'avaient jamais autant traversé son corps que ces derniers jours.

Il fallait que cela change, qu'elle montre de quoi elle était capable. C'était une joueuse du Jeu des Faucheurs et si elle faisait partie et qu'on voulait qu'elle soit là, eh bien, cela devait être pour une raison. Il n'y avait pas de hasard, pas ici, pas comme ça. Jamais elle ne renoncerait, jamais elle n'abandonnerait. Dès lors, elle se jura d'être la première personne à percer le secret du Jeu des Faucheurs.

Ce qu'elle ignorait, pourtant, c'était qu'il n'y en n'avait pas qu'un.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant