Épilogue (5/10) - [Pauline, Alex & Jasmina]

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Le calme, la nuit, des lumières entrecoupées. Un silence. Long, presque strident. Le temps lui, figé. Edward, Pauline, Alex et Jasmina. Seuls. Pauline, Alex et Jasmina, plutôt. Edward n'était plus. Plus vraiment maintenant.

Jasmina n'entendait plus ses propres cris. Son cœur, cependant, raisonnait en elle telle une bombe à retardement. Un cœur prêt à exploser pour rejoindre celui qu'elle venait de perdre.
Sans paroi, le vieux métro avançait péniblement. Puis vint un cri, et un deuxième. Surtout un besoin de se raccrocher à l'idée qu'elle vivait un cauchemar éveillé. L'absence de réponse fut comme une vague, celle qui ne tarderait pas à emporter avec elle l'espoir que Jasmina se convint de garder.

-Je sens qu'elle est là, fit Alex d'une voix crispée, elle arrive.

-Impossible. La Grande Faucheuse est encore dans la Grotte.

-Jasmina, s'il affirme qu'elle est présente, cela signifie qu'elle est bel et bien là, releva Pauline.

-Je m'en fiche de la Grande Faucheuse, Edward est en train de mourir ... dit-elle les larmes aux yeux.

-Edward n'est pas en train de mourir Jasmina, coupa Pauline net, il est mort.

Jasmina se retourna vers elle avec un regard assassin.

-Comment oses-tu ...

-Ne vis pas dans le passé, je t'en prie, demanda Alex en essayant de calmer le jeu. Nous n'avons pas le droit de mourir. Nous devons nous battre pour le venger, point.

Les mains de Jasmina étaient toujours posées au niveau de l'abdomen d'Edward. La couleur rougeâtre de celles-ci n'apparaissait pas aux yeux de Jasmina qui continuer à nier l'évidence. Puis, soudain, une secousse se fit ressentir dans la trame, ils furent tous projetés sur la droite avant qu'ils ne parviennent à s'accrocher aux barres en fer.

-Quel genre de psychopathe crée un métro sans mur ? Qui ?

Pauline ne comprenait comment un humain ayant un semblant d'humanité - si petit soit-il - soit capable de telle choses.

-Je la sens toujours, ça m'étouffe, je la sens, je la sens .... dit Alex qui fondit en larmes. Je ne veux pas la revoir, je ne veux pas la revoir ce soir.

-Alex, cria Pauline qui s'énerva lorsqu'elle n'entendit pas de réponse, Alex ! Réveille-toi bordel de merde ! Nous n'avons pas le temps pour cela, tu le sais mieux que quiconque ...

-Pauline, dit-il en se retournant vers elle avec un regard de détresse, je la sens m'envahir, je la sens prendre possession de mon corps.

-Respire, calme-toi, essaya-t-elle de le rassurer en lui tenant le poignet.

-Pauline, je peux pas, éclata-t-il en sanglot, Pauline je ne peux pas, elle va prendre possession de moi, elle va me faire faire des choses dont je n'ai pas envie.
-De quoi tu parles ? S'il te plaît Alex, pense à moi, pense à Miranda, pense à nous, mais reste avec nous, je t'en supplie.

-Pauline, hurla-t-il, je me sens partir, j'ai l'impression que je vais mourir, je t'en supplie, fais quelque chose.

La jeune blonde se sentit seule, seule face à une situation dans laquelle personne n'était dans un état émotionnel stable.

-Alex, fit-elle en se mettant au-dessus de lui, est-ce que tu me vois ?

-Je te vois, floue, mais je te vois, mais j'ai l'impression que tu disparais peu à peu.

Pauline ne réfléchit pas et l'embrassa. Une fois, deux fois. Avec la langue, de tout son amour. Elle l'inonda de tout l'amour qu'elle avait en elle et le mangea à pleine bouche. Tandis que Pauline continuait de lui adresser des baisers passionnels, Alex se réveilla en sursaut, les yeux écarquillés.

-Alex, qu'est-ce qui ce putain de passe ?

-La Grande Faucheuse s'apprête à nous renverser.

-Mais qu'est-ce que tu racontes ?

-Elle va faire sauter le tram.

Pauline recula et vit sa vie défiler devant ses yeux.

-Pourquoi tu restes si calme ? demanda-t-elle.

La panique gagna Pauline, elle se savait pas comment réagir face à ce qu'il disait. Des hallucinations ? Non, Alex n'était pas atteint par ce genre de phénomènes.

-Alex, combien de temps nous reste-t-il ?

-Il nous reste à peine quinze secondes.

Pauline réalisa à cet instant précis qu'il s'agissait sans doute du dernier moment qu'elle vivrait. Elle repensa à sa famille, à ses amis qui étaient à l'extérieur et qui l'avaient vu passer toutes ces épreuves. Finalement, elle se dit qu'ils devaient être fiers d'elle. Elle estimait qu'elle s'était bien battu tout au long de l'aventure et qu'elle méritait qu'on se souvienne d'elle.

Lorsqu'elle sentit que le wagon commençait à monter dans les airs au-dessus des rails, elle prit une inspiration comme si elle voulait être en paix avec soi-même avant de dire adieu à cette maudite existence. Plus les secondes passaient, plus le wagon montait dans les airs sous la force et la détermination de la Grande Faucheuse. Puis, vint le moment où le wagon se renverse à plus de deux cent mètres du sol.

Ainsi, elle sentit la gravité qui la faisait basculer petit à petit à l'extrémité de la trame. Elle ne tarderait pas à chuter dans le vide avec Jasmina, Pauline et le cadavre d'Edward. Et là, c'était certain. Elle fermait les yeux mais elle l'avait senti. Son corps chutait dans le vide. Elle ne cria pas, ne pleura pas. Elle tenta de savourer ce dernier instant de vie.

Puis rien. Rien. Elle ne sentit plus rien. Seul un sentiment de flottement parcourut son corps, comme si elle était sur un nuage. Jamais elle ne s'était sentie si apaisée et accord avec elle-même. Elle ouvrit lentement les yeux et vit ciel endormi sous le regard éteint de la lune. Elle se demanda si cette image calme était le paradis. Elle regarda à droite, puis à gauche. En bas, en haut.

Lorsqu'elle tourna sa tête, Pauline crut avoir une crise cardiaque. Elle flottait dans les airs à cinquante centimètres du sol. La Grande Faucheuse loin d'eux mais quelqu'un attira son attention. Le Maître du Temps était là, en cours d'invocation. Il les maintenait au-dessus du sol, seul en contrebas du métro aérien.

Une main colossale commença à se dessiner au loin. Elle se rapprochait de seconde en seconde. Pauline eut envie de crier mais aucun mot ne sortit de sa bouche. La main atteignit le Maître du Temps en un rien de temps. Les doigts s'articulèrent et vinrent saisir son corps entièrement. Pauline n'eut pas le temps de réaliser que la main s'était déjà refermée sur elle-même, réduisant son corps en bouillie sanglante.

Le Maître du Temps vint d'accomplir son rôle dans la Prophétie de l'Oubli. Il se sacrifia au nom du Cercle des Prophètes.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant