41. [Jasmina]

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Tremblante, Jasmina resta assise sur son siège. Rien ne pouvait la consoler, ses seuls amis venaient s'envoler sous ses yeux. Les premières secondes, elle ne voulut pas accepter le situation. Le déni lui permettait de ne pas tomber encore plus bas. Alors, elle chercha un coupable aux maux qui l'envahissaient, une personne sur qui crier à plein poumons ce qu'elle ressentait. Pudique, elle préféra se noyer dans son chagrin ainsi que dans son flot de pensées qui était à l'origine d'une migraine insupportable. Comment pouvait-on encore la laisser seule dans ce jeu? Les personnes ici n'avaient pas de cerveau, ce n'était pas possible.

Des doutes à propos de Donavan, elle en avait mais au fond elle sentait que quelque chose se cachait sans jamais elle n'avoir imaginé qu'ils seraient tous les deux innocents. Et Elisa, celle belle jeune fille aux boucles noires. Au loin, elle voyait encore son sourire qui lui procurait cette petite dose de bonheur qui lui était si précieuse.

Maintenant, on l'avait privé de cela, on n'avait pas respecté son bien être. Tuer deux personnes d'une même tribu était lourd à porter. Elle ne put s'empêcher que tout était prémédité. Cela n'était pas un hasard, quelqu'un devait avoir orienté les votes, mais qui? Il y avait de nombreuses têtes qui lui étaient encore inconnues, n'importe qui aurait pu être derrière cette mise en scène.

Pris d'une crise de panique à l'idée de rentrer toute seule, Jasmina commença à suffoquer. Devoir dormir dans ce biome vide où plus personne ne serait là pour qu'elle se sente en sécurité la terrorisa. Alors qu'elle eut l'impression d'étouffer, une vague d'amertume remonta son corps et lui donna une rage qui lui tordait le ventre. La douce idée de revanche germait dans son esprit et se mélangea à des sanglots saccadés. Elle ne pouvait plus contrôler ce qui se passait autour d'elle, tout cela formait un tout qui la broyait de l'intérieur. Prise entre deux murs qui ne cessaient de presser sa tête, Jasmina repensa à l'idée de mourir. Pourquoi rester ici? A quoi bon? Personne ne la retenait.

Mis à part une personne. Cet inconnu qui avait eut l'amabilité de l'écouter lorsqu'elle était tourmentée. Personne d'autre n'avait vraiment été là pour elle. Donavan et Elisa étaient attachants à leur manière, mais elle n'avait pas eut le temps de tisser des liens solides avec eux. Ce qui l'effrayait le plus, c'était la solitude. Que personne ne soit là et que le monde continue à tourner sans elle qui était perdue et partie à contresens.

Pardonner, ce n'était pas prévu. Rendre coup pour coup devint sa philosophie. Il n'arrive des mauvaises choses qu'aux mauvaises personnes de toutes façons. En repensant à cette phrase, elle comprit que ce diction était ridicule. Elisa n'était pas une mauvaise personne, pourtant son sort resta maudit. La vie est injuste. Mais non, toujours pas. Jasmina trouvait cette phrase d'autant plus ridicule. A part les hommes, qui a établi que le monde est un endroit où des bonnes choses se passent? Il s'agit simplement d'un endroit où des millions de personnes toutes plus bêtes les unes que les autres se réunissaient et parvenaient et à s'entretuer. La vie n'était pas injuste, non, les hommes l'étaient simplement de nature. Et puis à dire « la vie », que cela signifiait-il? Le terme "la vie" était si abstrait que Jasmina ne comprit pas pourquoi tout le monde lui jetait toujours la faute dessus. Trouver des excuses était son activité préférée mais elle comprit cet après-midi qu'elle était la seule cause de son malheur même si papa y participait à sa manière.

Finalement, il ne fallait pas se morfondre. Aller de l'avant, toujours et encore, se battre pour ses idées. « Et mourir comme tous ces militants », soupira-t-elle. Elle n'avait aucun autre objectif:  ce qui s'était passé lors du conseil était inadmissible et elle comptait bien le faire savoir. Décidée à ne pas rester inactive et spectatrice de sa propre vie, elle se leva et, malgré le fait qu'elle ne marchait pas droit, s'approcha de Valia. Cette dernière ne comprit pas la pseudo-confrontation qui était en train de se mettre en place.

-Merci Valia. Bravo! s'exclama-t-elle en faisant mine d'applaudir. Tu es contente? Tu as réussi à sauver ta misérable peau pour tuer des innocents? Tu te sens mieux? Tu vas pouvoir dormir sur tes deux oreilles ce soir? demanda-t-elle l'air faussement heureuse.

-Tu es trop jeune pour comprendre, se contenta-t-elle de répondre.

-Trop jeune? ria Jasmina. Ne vous en faites pas, je suis assez jeune pour vous pourrir la vie. Vous voyez cette scène où ils sont mort? dit-elle en pointant l'édifice en bois. Vous y serez un jour, à leur place et je prierai chaque soir avant de voir votre légère tête valdinguer à mes pieds.

-Je n'ai rien fais de plus que les autres, se défendit-elle.

-C'est bien ce que je vous rapproche. Rien comme vous dites. Pas un seul moment de réflexion. Juste un dernier vote sorti de nul part qui a mis fin à la vie d'un putain d'innocent, et ce sang est sur vos mains vous savez, dit-elle tandis que la rage ne cessait de se démultiplier.

-Séchez vos larmes et allez pleurer plus loin, interrompit Miranda. Retourne voir maman.

-Oh toi tu la fermes la vieille, cria Jasmina.

-Votre grossièreté sera punie mon petit cœur, répondit-elle. Allez, plus loin, allez-vous-en, exigea-t-elle en haussant le ton.

-Vous n'avez pas à parler de ta mère.

-Non mais j'ai à parler à ta mère, vu ton éducation cela n'a pas du être joli joli à la maison.

-Encore une actrice qui couche pour la renommée et qui délaisse ses enfants? tenta de deviner Valia en s'étouffant presque à force de rire.

-Mais non enfin! s'exclama Miranda, certaines de ces actrices ont des bonnes manières! Que dites-vous! Je pensais plus à une prostituée, dit-elle en camouflant son. rire derrière sa main.

-Excusez-moi, coupa Edward. Qui êtes-vous pour parler ainsi à un autre joueur? Vous ne pouvez pas comprendre la perte que représentait ces deux personnes pour elle?

-Cela fait partie du jeu. Si elle n'est pas prête pour affronter la réalité, c'est fort dommage. Je n'ai pas le temps pour vos sottises et vos pleurnicheries, expliqua Miranda.

-Le court délai qui vous sépare du cercueil ne vous permet pas de nous traiter comme vos chiens, vous savez, reprit-il. Ce n'est pas parce que vous avez déjà mené une vie misérable et insignifiante que nous devons écouter les deux pauvres pensées qui peinent à sortir de votre cerveau.

-Oh, que c'est touchant, ricana Valia. Le beau chevalier qui vient à la rescousse de sa ridicule princesse. Une demande en mariage, peut-être? dit-elle tapant l'épaule de Miranda. Je vous paierai la nuit de noce dans une maison close, pleura-t-elle de rire. Allez jouer aux poupées plus loin s'il vous plaît, cela nous fera du vent.

Jasmina ne pouvait pas. Comment aurait-elle pu? Cela débordait, impossible de se contenir. Faire semblant, tout garder au fond d'elle et ne rien extérioriser faisait partie du passé désormais. Alors tendrement, elle se tourna vers Valia, colla sa langue contre son palet en même temps de reculer sa main, forma un fond de salive et laissa la gifle partir. La tête de Valia fit alors un tour avant que Miranda ne commence à crier à l'attentat. D'un signe de main, Jasmina marqua un stop, se retourna vers Miranda et lui cracha à la figure.

-Pauvres connes, dit-elle avant de se diriger vers Jack.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant