93. [Jasmina]

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-Mais où dirigeons-nous? demanda Jasmina qui n'était jamais rassurée.

-Je sens des présences autour de nous.

-C'est-à-dire des présences?

-Grâce à mes pouvoirs, les lames s'agitent lorsque des faucheurs sont dans les parages. Vu comment elles sont agitées, je pense que nous sommes très loin d'être seules.

-Attends deux secondes, tu vois ce que je vois?

-Plaît-il?

-La lumière orange à tout à droite, qu'est-ce que c'est? Cela me semble gigantesque.

-Je n'en ai pas la moindre idée. Tu veux y jeter un coup d'œil de plus près?

-Je t'avoue que cela ne m'enchante pas vraiment, je n'ai pas envie de foncer dans la gueule du loup. Pourquoi ne pas partir dans l'autre sens? 

-Parce que nous ne sommes pas des lâches et que j'ai cinquante lames sur moi? déclara la Maîtresse des lames amusée.

-Oh mon Dieu, je n'aime pas ça, je n'aime pas ça...

Jasmina suivit la Maîtresse des lames l'air dépité. Mourir maintenant alors qu'elle aurait simplement pu partir vers des lieux plus sûrs lui parut bête. Elle découvrait à peine ses pouvoirs, elle n'en avait pas encore la maîtrise et elle aurait aimé développés son agilité et ses capacités avant de sentir une lame en acier se poser sur son cou.

-Il n'est pas trop tard, déclara Jasmina d'un ton décidé.

-Pas trop tard pour?

-Pour rebrousser chemin. Ce que nous faisons est stupide. Nous devons partir, je le sais, je le sens. Fais-moi confiance je t'en prie.

-Non.

-Comment ça non?

-Je n'ai pas décidé de rentrer dans le Jeu des Faucheurs pour être lâche. Je désire plus que tout venger les innocents qui ont péri dans cette arène. Si mes lames tournoient de la sorte, cela signifie qu'ils ne sont pas loins et je suis persuadée qu'ils ne sont pas seuls. Va-t-en si tu veux, je peux accomplir mon devoir seule.

La Maîtresse des Lames continua à avancer sans même prêter attention à Jasmina. Cette dernière ne sut pas quelle décision prendre. D'un côté l'envie de se mettre à l'abri l'enchantait, mais de l'autre, l'idée d'être seule et de ne plus être défendue ses lames lui faisait peur. 

-Si nous y allons, commença-t-elle, je veux que nous soyons prudents et que jamais nous ne nous mettions dans une situation périlleuse, tu m'entends?

La Maîtresse des Lames ne répondit pas et fit simplement signe à Jasmina de la suivre avec son gant en cuir noir. 

-J'entends des bruits, fit-elle, j'entends des joueurs qui se parlent. Ils sont dans la bâtiment, juste celui-là, dit-elle en pointant le centre de contrôle avec ses lames. Pourquoi parlent-ils aussi forts? 

-Cela doit être des innocents, se réjouit Jasmina.

-Cela ne peut être des innocents. Mes lames ne sentent que la présence des faucheurs. S'ils parlent, c'est qu'ils sont plusieurs.

-Mais? dit Jasmina avant qu'elle ne se fasse couper la parole.

-Mais y a-t-il des innocents? compléta-t-elle l'air ébahi.

Les deux joueuses se retournèrent et se comprirent en un regard.

-Tu peux te téléporter à n'importe quel moment, n'est-ce pas?

Jasmina acquiesça. 

-Nous rentrons discrètement dans le bâtiment, nous avançons prudemment, nous analysons la situation mais surtout dès qu'il problème se présente, nous communiquons, compris? 

Jasmina fit un signe affirmatif de la tête.

-Si je tends mon bras droit à gauche, nous partons au plus vite. Si je tends mon bras gauche à droite, nous restons et nous ne fuyons pas. Tu me le promets?

-Oui, je le promets, affirma Jasmina en sentant déjà les problèmes affluer. 

-Très bien. A partir de maintenant, plus un bruit. 

Les deux coéquipières ne tardèrent pas à arriver devant le Centre de Contrôle. Face à leurs regards curieux, une imposante porte en bois se présenta. Jasmina la fit coulisser lentement mais le bruit que firent les roues en fer permettant de la déplacer les avaient trahies. Quiconque dans le Centre de Contrôle savait qu'une personne était en bas. 

-Oh non, oh non, oh non... paniqua Jasmina.

-Pas un bruit de t'ai dis, chuchota-t-elle avant de lui faire signe de se décaler à droite. 

Elles se collèrent au mur en pierre blanchi par la neige et longèrent sur quelques mètre la bâtisse avant de marquer une pause. Jasmina fit un signe d'incompréhension à sa camarade.

-Attentons quelques secondes, chuchota la Maîtresse des Lames. Si personne ne sort, nous tenterons à nouveau.

La clarté des ordres rassura Jasmina. Pour la première fois dans l'arène, elle n'eut pas besoin de penser à ce qu'elle devait faire si ce n'était écouter sa camarade et se taire. Tandis qu'un silence s'était installer, des bruits de pas se firent entendre. Des bruits dont l'intensité croissait à mesure que les secondes s'envolaient. Jasmina serra de plus en plus fort le bras de sa camarade. Les sons se rapprochaient toujours et encore, peut-être trop selon le jeune brune. 

"Je te sens", chuchota une voix rauque, "je te sens mon enfant". Jasmina ne put se retenir de serrer la main de coéquipier de toutes ses forces. Son cœur s'était emballé, sa respiration était devenue saccadée.

-Que se passe-t-il? demanda la Maîtresse des lames. 

-Elle est là, elle est tout près, sanglota-t-elle. 

"Je te sens", continua la voix qui s'apparentait davantage à un esprit maintenant. "Je sens ta chaleur autant que ta peur, je sens ton angoisse et ta peine. Je te sens entièrement".

-De qui tu parles? demanda-t-elle en secouant Jasmina de toutes ses forces.

"Je sens ton chagrin, je sens ta colère et je sens ton désespoir. Je sens, je sens que tu seras toute à moi, je sens que tu as besoin que je comble ce vide. Je te sens".

-Qui est-ce? cria la Maîtresse des lames.

Les lames cessèrent de tourner et se posèrent sur le sol le temps qu'elle parvienne à obtenir une réponse claire de Jasmina.

-Tu vas me dire calmement de qui tu parles, d'accord?

-Je suis désolée, c'est ma faute, je suis vraiment.... balbutia Jasmina.

-De qui tu parles ? cria-t-elle à nouveau, ses lames maintenant en furie autour d'elle. 

-Je parle de la Grande... peina-t-elle à articuler avant de se croiser le regard de son harceleur et de perdre connaissance.

La Maîtresse des lames se retourna et la vit enfin face à elle. Grande, majestueuse et sertie de métaux précieux.

-Ah, tu parlais donc de la fameuse Grande Faucheuse, déclara-t-elle avant que ses lames se mirent à tourbillonner autour de ses mains et que ses yeux ne virent au rouge.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant