48. [Alex]

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-Merci, dit Alex, tu as raison, nous devrions plus penser à prendre soin de nous !

-Je suis là pour cela tu sais, il faut savoir s'entraider entre membres d'une même tribu. Qu'est-ce que tu fais de beau depuis que nous sommes rentrés? demanda-t-elle.

-Oh rien, je lis le fascicule des rôles, dit-il en prenant quelques gorgées.

-Il existe un fascicule des rôles? s'étonna-t-elle. Je n'en connaissais même pas l'existence...

-Je pense qu'il faut le lire au moins une fois, il est important de mettre une fonction sur chaque rôle, c'est plus simple pour comprendre le comportement de certains, expliqua-t-il en pensant au cas de Miranda et Jack.

-Parce qu'il y en a beaucoup, des rôles?

-J'en ai compté une petite dizaine pour l'instant. Mais je t'avoue qu'il y en a un qui m'a surpris, je ne connaissais même pas son existence.

-Ah oui? Lequel? dit-elle intriguée.

-Celui d'empoisonneur.

-Empoisonneur? dit-elle faussement étonnée. En quoi cela consiste?

-Eh bien, ce joueur joue pour lui tout seul. Il possède deux poisons qu'il renouvelle chaque jour et il a pour but d'empoisonner tous les joueurs. Il peut même empoisonner le jour, dit-il en ralentissant son débit, il lui suffit juste de...

Alex s'arrêta et regarda Pauline droit dans les yeux.

-Il lui suffit juste d'empoisonner l'eau de quelqu'un.

Alex vit la peur s'installer dans les yeux de Pauline lorsqu'il prononça ces mots. Subitement, elle recula et regarda dans une autre direction. Il le savait, il venait de trouver la nature de son rôle.

-Bon les enfants, interrompit Miranda, je vais aller faire une légère sieste dans la chambre d'à côté, ne faites pas de bruit vous serez mignons.

-Oui, eh bien justement, nous allions jeter un coup d'oeil à ce fameux lac avec Alex, déclara la belle blonde, pas vrai?

-Vous me raconterez cela autour d'un plat de poisson, ricana Miranda avant de refermer la porte derrière elle.

Alex et Pauline sortirent de la maisonnette avant de se rendre en direction du lac. Cette fois, elle ne tenta pas de le séduire en recoiffant avec ses boucles d'or et préféra garder le silence.

-Nous partons à droite du cabanon, déclara Alex.

Le trajet se fit sans aucune prise de parole. Alex ne voulait pas la mettre mal à l'aise mais il avait en travers de la gorge le fait que Pauline l'empoisonne sans état d'âme. Comment peut-on offrir la mort à quelqu'un avec un si beau sourire? Aucun scrupule? Il n'en revenait pas. C'était en se mettant à sa place qu'il comprit qu'il aurait sans doute fait la même chose à sa place. Quoique,  en y repensant, il aurait surement préféré se jeter du haut d'une falaise plutôt que de devoir tuer autant d'innocents. Mais son cas de figure n'était pas celui de tout le monde et il en était conscient.

Décidé à ne pas vivre d'éternels moments gênants, il préféra fermer les yeux là -dessus pour ne pas qu'elle soit distante. Il voulut alors lui faire croire qu'il n'avait pas du tout comprit la nature de son rôle.

-Tu imagines la force que doit avoir cet empoisonneur... tant de choses reposent sur lui, il pourrait bien changer le cours du jeu, tenta-t-il de dire avec le meilleur jeu d'acteur possible.

-Arrête de te foutre de ma gueule s'il te plaît, c'est déjà assez dur comme ça.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là? continua-t-il.

-C'est bon là, arrête, j'ai bien compris que tu avais compris que j'avais compris que tu avais compris.

-Pardon?

-T'as compris quoi !

-Non, je ne crois pas...

-Je suis la putain d'empoisonneuse, tu es content?

-Non mais tu sais, je ne voulais pas...

Alex fut interrompu par une alarme qui résonna dans l'ensemble du biome. Il crut qu'une attaque nucléaire avait lieu et reconnut le bruit qu'il avait entendu dans ces films américains.

-Oh merde, oh merde, oh merde ! cria-t-elle. J'ai révélé mon rôle... Non, non, non, pas moi, pas moi, non, non, non ce n'est pas possible, commença-t-elle à sangloter. Je ne, je ne, je ne veux pas mourir, comment j'ai pu être aussi bête...

-Je ne sais pas quoi... avoua Alex.

-Mais tu vas la fermer toi ! Tu crois que tu ne m'as pas déjà assez causé d'emmerdes comme ça? lança-t-elle avec toute la haine qui remontait en elle. Ca te fait plaisir de me voir dans cette situation? T'es content, hein? Plus d'empoisonneuse, c'est plus facile maintenant, non?

-Pauline je te jure que...

-Dégage, hurla-t-elle, dégage !

Alex partit en courant dans la forêt enneigée et ne put contenir ses larmes qui coulaient le long de ses joues. Il se sentait coupable, tout était de sa faute et il en vint à vouloir se faire du mal. Il voulait disparaître, il ne savait pas où se mettre. A chaque fois, il voulait faire le bien autour de lui mais ne récoltait que les semences du mal et se faisait ronger par la culpabilité. Cela lui rappelait toutes les fois où il voulait aider son père mais qu'il finissait par se faire frapper à force d'être maladroit.

Sur le chemin du retour vers le cabanon, il croisa une armée d'imposants gardes revêtus de noir qui avançaient en direction Pauline. A plusieurs reprises il tenta de leur expliquer que c'était sa faute mais reçut comme simple réponse de s'éloigner s'il ne voulait pas avoir de problème.

Il se sentait mal, bien trop mal pour rester dans la maison, alors il les suivit discrètement avant de retomber sur Pauline qui gisait par terre en convulsant sous les coups de fouets électriques. Il voulut crier au secours mais en se rappelant qu'il pourrait lui arriver la même chose, il scella son chagrin pour que personne ne lui pose jamais de questions.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant