4. [Edward]

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Edward attendit patiemment l'arrivée du métro. Un sentiment particulier le parcourut, le sentiment d'une solitude qui ne lui avait jamais autant rassuré. Le chant des merles, qui annonçait le début de la journée, s'entremêlait à la légère fraîcheur du vent. Le temps de quelques secondes, il ferma les yeux et prit de longues inspirations. Le soleil ne tarderait pas à montrer le bout de son nez et, avec lui, la lueur du jour réveillerait la nature qui semblait encore endormie. Imaginer la chaleur au contact de sa peau lui réchauffa le cœur.

Le crissement des roues sur les rails l'interrompit dans ses rêveries : le vieux métro arrivait en gare. Edward jeta un coup d'œil pour vérifier que personne ne soit à bord et, après avoir scruté chacune des rames qui défilaient devant lui, comprit qu'il était seul. Une vague d'incompréhension s'afficha sur son visage lorsqu'il s'aperçut qu'il n'y avait que trois pauvres wagons pour un quai pourtant long.

La vieille machine s'arrêta lentement avant que ses portes ne coulissent. Edward resta planté là, sur le quai, les sourcils froncés. La rame devant lui ne présentait pas de sol. Pour s'asseoir sur un siège sans tomber à même les rails, il dut se hisser à l'aide des barres en métal encrées sur les murs. Chaque fois qu'il changeait de prise, il repensa à la chute de Jérémy. Les crampes qu'il eut aux mains à force de serrer les barres trop fort le rassurèrent : il ne tomberai pas.

La voix d'ordinateur ne tarda pas à annoncer la fermeture imminente des portes. L'annonce fit paniquer Edward qui sauta sur le siège le plus proche et qui s'y accrocha avant de se tordre et de finalement s'asseoir. Il regretta amèrement qu'il n'y ait pas de ceinture de sécurité pour le retenir en cas d'arrêt brutal. Agrippé d'une main au dossier du siège et d'une autre à la barre en métal la plus proche, il était enfin prêt à se laisser emmener il ne savait où.

Le vieux métro se mit difficilement en route. Edward eut l'impression que cela faisait des années que les rames étaient en service et qu'un doute subsistait quant au respect des normes de sécurité.

Rien que de voir les rails sous ses pieds le rendait malade. Il tâcha alors de ne pas regarder par terre.

Finalement, il aurait voulu avoir quelqu'un à qui raconter ce qui lui était arrivé, quelqu'un à qui confier ses inquiétudes mais personne n'était là. Personne n'était jamais vraiment là pour lui de toutes façons et ce qui lui faisait le plus mal était que son père avait de quoi plaider coupable. Sa mère lui avait toujours dit qu'il l'avait abandonné à la naissance et que s'il voulait, un jour, lorsqu'il serait plus grand, il pourrait le recontacter. Edward n'en avait pas envie. Si son père ne souhaitait pas le voir, pourquoi ferait-il un effort pour aller vers lui ? Il s'en fichait, lui, de courir après quelqu'un qui n'avait aucun intérêt pour lui.

Le métro ne tarda pas à s'arrêter à la station suivante : Sanatorium. Lorsque les portes s'ouvrirent, un cri se fit entendre et le fit sursauter. Le timbre de la voix fit penser à Edward qu'il s'agissait d'un homme, d'un adulte même. Il essaya de se baisser discrètement pour ne pas qu'on puisse l'apercevoir depuis le quai.

« Bienvenue à bord de la ligne rouge. Ce métro desservira toutes les stations de Sanatorium à Fysanol, puis sera sans arrêt jusqu'à Symala : Cimetière du Roi. Veuillez faire attention à la fermeture des portes ».

Edward entendit quelqu'un courir. Au moment où les portent coulissèrent afin de permettre au métro de repartir, un individu débarqua à toute vitesse, se fraya un chemin entre les portes et chuta sur les rails.

- Oh putain, marmonna Edward, putain, putain. Mais t'es qui toi ?

L'inconnu lui tendit sa main tandis que le métro commençait lentement à avancer. La détresse qu'il lut dans ses yeux poussa Edward à ne pas avoir une deuxième mort sur la conscience. Il s'agrippa à une barre en métal et attrapa le bras de l'inconnu. De toutes ses forces, il tenta de le remonter et crut que son bras allait s'arracher. Alors que l'inconnu se hissait progressivement et qu'il était sur le point d'attraper une barre en métal, le champ de vision d'Edward se troubla. Deux secondes plus tard, il perdit connaissance, tomba sur les rails et précipita l'inconnu dans sa chute.

- Mais qu'est-ce que tu fous ?

La voix de l'inconnu commença à partir dans les aiguës.

- Qu'est-ce qu'on ? Qu'est-ce que ? Je, je ...

Quelques secondes suffirent avant qu'il ne perde connaissance à son tour. Le métro partit sans voyageur et laissa sur ses rails les deux candidats inconscients.

« Chers candidats, chères candidates. Je vous informe que la nuit des Sélections est maintenant terminée. Vous serez, ainsi, les vingt-quatre premiers à participer au Jeu des Faucheurs. »

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant