54. [Pauline]

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Deux yeux rouges perçants dans le noir. Rien d'autre, une représentation simplifiée de l'enfer. Incapable de faire le moindre mouvement, Pauline s'était affolée pendant plusieurs heures en imaginant le sort dont elle serait victime. Le problème des hypothèses était que s'illustrer l'ensembles des choses qui étaient susceptibles de lui arriver ne faisait qu'accroître son anxiété. La solitude, chose qu'elle était parvenue à garder distante d'habitude, prenait un tournant particulier ce soir. Rien ne l'effrayait plus que de rester ici éternellement, seule, plongée dans une reconstitution du néant. Certes un néant, mais un néant rompu par des yeux rouges.

« Bonsoir, Pauline. Ne soyez point surprise, je tenais personnellement à vous saluer. Vous rencontrer me parut essentiel et je ne pouvais laisser mes employés appliquer un sanction à votre égard qui finalement différerait de celle que je souhaite vous réserver ».

Le cœur de Pauline se mit à battre de plus belle en l'espace de quelques secondes. L'anxiété qu'elle avait ressenti venait de prendre une toute autre ampleur. Chaque phrase qu'elle prononcerait devait être pesée, le fil des mots pouvait la conduire à sa perte.

« Tout à l'heure, mes gardes ont eu pour ordre de vous laisser en vie. Sachez qu'excepté de la main d'un faucheur ou par la bêtise des innocents, personne sauf moi n'aura le privilège de mettre fin à vos jours, le comprenez-vous?

Car oui, en fin de compte, la personne à qui vous avez fait le plus de mal ce soir n'est autre que moi: vous m'avez humilié, vous avez humilié mon jeu et donc vous avez humilié la plus belle chose que je n'ai jamais été capable de concevoir. Et c'est ainsi que vous décidez de me rendre la pareille? En ne respectant pas les règles qui, rendues pourtant simples par mes propres soins, n'avaient aucune visée si ce n'était d'établir un code simple pour mon jeu? ».

Des larmes coulaient le long des joues de Pauline qui peinait à trouver l'usage de la parole.

-Je... je suis sincèrement désolée, mon intention n'était pas de... Je tenais simplement à vous dire que mon attitude est inacceptable, intolérable, je m'en excuse et je ne recommencerai...

-Assez ! cria Cinks marquant un coup contre le mur à l'aide son fouet.

Lorsqu'elle entendit le son que firent les lanières, Pauline eut un moment de flottement, sa vision se troublait légèrement tandis que les larmes continuait à se démultiplier. Elle se sentait partir mais luttait toujours pour se raccrocher à quelque chose.

-Je vous en prie, je ferai n'importe quoi, expliqua-elle d'une telle rapidité que le flot des émotions semblait avoir pris le dessus, vous n'avez qu'à me de dire ce que j'ai à faire, n'importe quoi je vous promets, n'importe quoi, s'il vous plaît...

-Oui, comme vous dites, « s'il vous plaît », et vous sauriez, par hasard, ce qui me plaît? Hein? Vous employez des expressions toutes faites, mais avez-vous réellement une idée de ce qui me plairait? demanda-t-il en rapprochant ses yeux de ceux de Pauline.

Pauline fit signe que non en bougeant sa tête sur les côtés. Cinks lui, après avoir retiré le gant en cuir de sa main droite, caressa sa joue. Délicatement, il sécha chacune de ses larmes. La jeune fille le laissa faire et, bien qu'elle soit décontenancée, interpréta ce geste comme la certitude qu'il la laisserait en vie.

Un long silence marqua l'arrêt de la discussions. Doucement, elle entendait le souffle de son tortionnaire se rapprocher du sien et, subitement, sentit ses lèvres se déposer contre sa joue. Alors qu'il répétait l'opération plusieurs fois, Pauline redouta le moment où ses lèvres rejoindraient les siennes. Il n'avait pas le droit, non, il n'avait pas le droit de violer les droits d'une jeune fille en agissant de la sorte, mais d'un autre côté, le parfum qu'il dégageait l'attirait tant qu'elle aurait été prête à fermer les yeux sur les violences qu'elle avait subi.

Une proximité, une chaleur, une attention: c'était tout ce qu'elle tentait tous les jours d'obtenir des hommes. Mais non ! Merde ! On parle de celui qui l'avait foutu dans la merde ! Mais si, par pur hasard, elle faisait partie de ceux qui étaient privilégiés, de ceux qu'il protègeraient par dessus tout?

Les baisers continuaient, le contact de ses lèvres contre sa peau la faisait presque trembler de plaisir. Une vague de chaleur envahissait son corps. Ce baiser forcé, elle voulait au plus profond d'elle-même qu'il prenne forme une bonne fois pour toute, que l'on n'en parle plus mais qu'il s'active. Elle n'arrivait pas à supporter l'attente, le désir était trop fort. Seulement, à quelques millimètres de la commissure de ses lèvres, l'homme marqua une pause et renonça à lui accorder le baiser ultime. 

-Je répète, sauriez-vous ce qui me plairait?

Instinctivement, Pauline prit cette demande comme l'unique chance de s'en sortir. Cela permettrait de survivre ce soir mais également de savourer un moment lambda de la vie. Elle voulut ainsi marquer sa volonté de lui échanger ce baiser en chuchotant quelque chose de sensuel avant qu'il ne la coupe à nouveau dans son fil de pensée:

-Ce qui me plairait, c'est que tu ne trembles pas lorsque je collerai ma jouer contre la tienne.

Ce qu'il ignorait, c'était l'origine de ses futurs tremblements: le plaisir l'emportait sur la peur.

-Je crains que je ne puisse bouger, monsieur, chuchota-t-elle.

-Je ne t'ai pas demandé de répondre, répondit-il en collant ses lèvres à son oreille, contente-toi de suivre mes indications, continua-t-il en enlevant la partie inférieure de son masque.

L'estomac de Pauline se noua, elle ne sut pas comment réagir à ses paroles, elle ne savait pas comment interpréter son comportement et ne pas pouvoir lire à travers lui la rendait folle. Fatiguée par ces derniers évènements, elle ne savait pas si la folie qui la prenait ne la pousserait pas à continuer de désirer ce baiser.

Le contact de sa barbe fraîchement taillée contre sa peau l'incitait à agir contre les lois morales de la société. Joue droite contre joue droite, les regards opposés, Pauline eut l'impression de ne former qu'un avec lui. Cinks, de son côté, reculait petit à petit sa tête et se rapprochait à nouveau dangereusement des lèvres de la belle blonde en prenant son temps tandis qu'il sentait le désir monter en elle. De la même manière, il à nouveau marqua une pause alors que le baiser semblait plus proche que jamais.

Au contact de ses doigts contre ses lèvres, Pauline frétilla d'autant plus. Avec délicatesse, il lui fit comprendre qu'elle était censée ouvrir sa bouche. La proximité qu'il s'autorisait avec elle la mettait en confiance. Une fois sa besogne achevée, Pauline se retrouva la bouche ouverte en attendant désespérément qu'il lui donne l'attention dont elle avait toujours rêvée.

Tandis que se bouche s'approcha de son oreille pour lui susurrer un mot doux, elle sentit comme une barre métallique entrer dans sa bouche:

-Ce qui me plairait, c'est de voir votre jolie visage exploser lorsque j'appuierai sur la gâchette.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant