Épilogue (6/10) - [Jasmina]

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Jasmina sentit un liquide chaud couler le long de ses jambes, une odeur particulière chatouilla ses narines. Un arrière-goût de sang ne tarda pas à l'interpeller lorsqu'elle tenta d'avaler sa salive. Elle n'entendait rien autour d'elle, elle se savait seule. Lentement, elle décida d'ouvrir ses paupières.

Et là, elle le vit. Devant elle, juste devant elle. À ses pieds, immobile. Mort. Il était mort, il était là. Devant elle. Un corps inanimé. Il était là, il était juste mort. Son visage était endormi, ses membres flasques. Son souffle n'était plus, ses yeux étaient bêtement ouverts. Sa bouche, entrouverte, laissait couler quelques larmes de sang. Son copain était mort, devant elle. Il était mort, il était juste là. Ses membres la touchaient, ses yeux la fixaient.

-Mademoiselle, il est temps de partir, fit la Grande Faucheuse. Les Faucheurs ont honoré leur promesse.

Tandis que les larmes montaient, Jasmina se retourna vers celui qu'elle pensa être le coupable.

-Qu'est-ce que vous lui avez fait ? 

-Nous n'avons rien fait, répondit le Maître en essuyant les dernières goutes de sang sur sa faux.

-Ne me forcez pas à me répéter, insista-t-elle. Que s'est-il passé ? Que s'est-il putain de passé !

-Nul ne sert d'employer un tel ton, pauvre sotte. Puisque je vous dis que nous n'avons rien fait.

-Vous là, dit-elle en pointant le Faucheur Fantôme, dîtes-moi exactement ce qu'il s'est passé sinon je vous jure que ...

-Vous lui jurez que quoi, au juste ? coupa sèchement le Maître des Faucheurs. Non mais allez-y, continuez, vous lui jurez que quoi, Jasmina ?

-Jasmina ? Qu'est-ce qui pourrait vous faire penser que je puisse être Jasmina ?

-Oh, ça va. À d'autres. Votre copain n'arrêtait pas de crier votre prénom. « Jasmina, non, Jasmina. Oh mon Dieu, s'il te plaît, Jasmina, reviens à la raison. Ne me tue pas, non, non, non ». Vous l'avez tué, point. Arrêtez de couiner maintenant, fit la Grande Faucheuse avant de commencer à se diriger vers la sortie de la Grotte.

-Vous vous foutez de ma gueule ? l'arrêta-t-elle net. Non mais très sérieusement, vous vous foutez de ma gueule ?  Vous pensez sincèrement que je vais gober ne serait-ce qu'une seule de vos conneries ? Vous allez me faire croire, dit-elle avant de sentir sa gorge se nouer, vous allez me faire croire que j'ai tué Edward ?

-Oh mais détrompez-vous jeune fille, vous ne l'avez pas que tué. Vous l'avez torturé, lacéré, démembré. Personnellement, jamais je ne me serais permis une telle violence envers un camarade. Vous avez témoigné d'une cruauté sans faille, mademoiselle. N'en doutez jamais.

-Arrêter de jouer, arrêtez de jouer avec moi sinon je vous jure que cela va mal se terminer, enragea-t-elle. Je ne laisserai pas un monstre comme vous répandre des absurdités sur la mort de quelqu'un que j'ai aimé. Je le refuse catégoriquement, vous entendez ?

-Oh Seigneur, une pauvre innocente qui se fait embêter par le grand méchant loup. Quelle farce ! Est-ce de ma faute si vous avez tué votre compagnon ? Est-ce ma faute si vous avez décidé de ne pas l'écouter quand il vous disait de l'épargner ? Désolé de gâcher le suspens, continua le Maître, mais non. Vous êtes une meurtrière. Assumez, Mademoiselle.

-Vous mentez. Je ne crois pas un seul mot de vos mots.

-Vous savez, finalement, votre avis n''importe que très peu. Vous êtes légèrement bête. Tant pis pour vous, j'ai déjà perdu assez de temps comme cela.

-Je vous tuerai Grande Faucheuse, je vous tuerai. Je ferai couler votre sang goute par goute. Je vous regarderai mourir lentement, très lentement.

-Oh non ... oh non ... Vous me faites rire Jasmina, tant rire. Avec votre répartie bancale et votre QI négatif, vous ne risquez pas d'aller très loin, le saviez-vous ? Vous devriez vous remettre en question de temps en temps.

-Pour l'instant, vous avez eu de la chance. Beaucoup de chance. Mais vous n'en aurez pas toujours.

-Fantôme, sors d'ici, fit le Maître d'un signe de la main. J'aimerais m'entretenir seul avec la petite.

Le Faucheur Fantôme s'exécuta sur le champ.

-Jasmina, je n'ai qu'une seule question à vous poser et je vais vous demander d'être honnête, déclara-t-il en aiguisant une de ses faux.

-Je n'ai rien à vous dire.

-Oh, s'il vous plaît, essayez au moins une fois de ne pas baisser dans mon estime ! C'est fou ça, quand même ! Être aussi têtue et bornée. Décidément, vous ne deviez pas être un cadeau pour l'autre clochard, ricana le Maître en pointant les restes du corps d'Edward de sa main droite.

-Mentionnez-le encore une fois comme vous le faîtes et je vous promets que je trouverai un moyen de vous égorger.

-Mon Dieu Jasmina, mon Dieu ... que vous êtes drôle ! Saviez-vous qu'en vue des derniers évènements, l'issue du Jeu des Faucheurs est largement plus favorable aux Faucheurs qu'aux Innocents ? Alors, si vous espérez perdre le Jeu avec dignité, tâchez au moins de répondre à la question suivante : parmi les quatorze joueurs restants, seriez-vous capable de désigner les trois joueurs qui se cachent derrière les masques des faucheurs ? Seriez-vous capable de deviner qui je suis ?

Jasmina resta muette, elle n'en avait pas la moindre idée.

-Si je devais le faire, je pense que ...

-Non, non et non. Vous ne pensez rien du tout, s'énerva la Grande Faucheuse. Vous êtes stupide Jasmina, vous entendez ? Stupide. Vous ne vous penchez jamais sur cette question pourtant fondamentale. Comment osez-vous prétendre arriver à me tuer alors que vous n'avez pas la stricte idée des joueurs qui jouent un double jeu ? Cessez de vous apitoyer sur votre sort, cessez de vous féliciter des nuits à l'issue desquelles vous survivez et cessez de vous prendre pour une héroïne, je vous en conjure. Mettez-vous bien cela en tête, dit-il avant de se retourner à la sortie de la Grotte, vous êtes loin de connaître la vérité. Et cette vérité, reprit-il avant de se téléporter, cette vérité est bien sombre.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant