96. [Pauline]

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 Seule parmi les flammes, Pauline était toujours piégée au premier étage de la Tour de Contrôle. La jeune blonde sentait que la fin était proche, elle ressentait la chaleur progresser. Pendant de longues secondes, elle eut une pensée envers les stylistes qui avaient conçu son costume d'empoisonneuse et les maudit de n'avoir pensé à aucun moyen pour l'enlever en cas de force majeure.

-Hey, cria-t-elle, vous la production, vous m'entendez ? Croyez-moi que si vous me laissez crever ici, cela fera scandale dans toute la France ! Je suis la reine ici et vous me laissez mourir comme ça ? Sans même une caméra braquée sur moi, hurla-t-elle de rage. Non mais vous vous foutez de ma gueule sans déconner ? Je me casse le cul à faire le show pendant toute la soirée des Purgations pour attirer des hommes en chien devant leur téléviseur et c'est comme ça que vous me remerciez pour mon implication dans le Jeu ? 

Puis Pauline en eut assez de crier, de se mettre en spectacle de la sorte et préféra se concentrer sur les issues possibles tant qu'il en restait. Les solutions qui s'offraient à elle n'étaient pas nombreuses. Sauter par le fenêtre du premier étage, se casser une jambe et devenir une proie facile, tenter de passer l'escalier en ruines, tomber dans le puits et se noyer de fatigue ou attende sagement ici qu'un miracle veule bien se produire. 

Malheureusement, aucune des ses possibilités ne lui plaisait même si elle savait que chaque seconde qu'elle passait à réfléchir à l'absurdité de chacun d'entre elles, l'incendie progressait et les risques s'aggravaient. 

-Empoisonneuse, fit le Faucheur Renégat. Je ne compte pas te tuer, je te l'ai déjà dis, alors fais-moi confiance. 

Au moment où sa voix raisonna en écho, une partie de l'étage supérieur en flammes s'effondra devant les yeux de Pauline qui fixait les flammes comme si elle lisait dedans la tragédie qu'était finalement sa vie. 

-Je vais mourir ici, déclara-t-elle sur un ton monotone, un ton légèrement saisi de tristesse. Je serai morte ici, dans un stupide incendie. Dans le Jeu des Faucheurs. On m'a mis des faucheurs au cul tous les soirs. Tout ça pour ça. Tout ça pour ça? se répétait-elle comme si elle avait du mal à l'accepter. 

Tandis que Pauline commençait à cogiter en boucle sur la manière grotesque dont elle allait mourir, les rires du Faucheur d'Argent se firent entendre à nouveau dans l'ensemble du bâtiment. L'écho raisonnait de plus en plus fort et cela montait dans la tête de Pauline. Son cerveau n'avait plus que deux informations qui revenaient sans arrêt: le feu qui était là et ces rires incessants.

-Pourquoi cela vous amuse-t-il autant de me voir périr ce soir? demanda Pauline comme si le Faucheur d'Argent était avec elle dans la pièce. Pourquoi pas un autre innocent? Pourquoi pas un faucheur comme votre éminent collègue renégat?

Lorsqu'elle eut fini de prononcer ces mots, la courant se coupa. Eclairées des flammes qui progressaient toujours et encore, Pauline se résolut à mourir ici, seule. Elle trouva la scène belle, presque romanesque.

-Tu es, chuchota une voix grave et fantomatique, l'empoisonneuse. Et tu vas périr, cria la voix avant que les flammes ne s'élevèrent à travers le trou que formait le plafond. L'empoisonneuse ne se mettra jamais en travers de l'ascension du Maître. Jamais, cria-t-il à nouveau tandis que les vitres en verre éclatèrent en milles morceaux. 

-Montre toi, Faucheur d'Argent, montre-toi petit lâche, dit-elle sur un ton calme mais saisi de rancœur. Montre-moi ton vrai visage.

-Je suis derrière toi, susurra-t-il à ses oreilles d'une voix rauque et enjouée.

Pauline se retourna mais ne vit rien. Elle sentit simplement quelque chose lui toucher l'épaule. Cela lui rappela sa première nuit dans l'arène. Il ne fallait pas qu'elle se retourne cette fois, elle le savait. 

-A toi de me montrer ton vrai visage, dit-il en caressant son dos.

Pauline eut un sourire. Un sourire comme elle n'avait jamais eu auparavant. Elle se remémora les discutions qu'elle avait eu avec la production à propos l'image qu'elle renvoyait au public et souvint avoir supplié l'accessoiriste de lui laisser une paire de menotte qu'elle agiterait à chaque fois qu'elle parviendrait à empoisonner un joueur. 

-Je te propose un jeu, commença-t-elle en sortant les menottes de sa poche et en les mettant en évidence au-dessus de sa tête. J'en mets une, continua-t-elle en verrouillant une menotte autour de son poignet, et tu mets l'autre, fit-elle en faisant pendre son bras derrière elle. Je serai à toi, tout à toi. Ton objet si tu veux. Tu peux même, si tu le souhaites, me ramener jusqu'à tes amis faucheurs pour qu'il voit que c'était bien toi qui est parvenu à tuer l'empoisonneuse. Je refuse simplement de mourir de cette façon. 

-Pourquoi me ferais-tu cette faveur ? 

-Accroche-toi à moi, ordonna-t-elle d'une voix sensuelle. 

Les rires du Faucheur d'Argent raisonnèrent à nouveau dans l'ensemble du bâtiment.

-Je crois comprendre là où tu veux en venir, dit-il en touchant sa main droite menottée.

-Et pourtant, dit-elle en attrapant sa main et en la clipsant dans l'autre menotte, nous voilà attachés.

Pauline se retourna et jeta la clef dans les flammes. 

-Je ne suis pas sûr de tes intentions, empoisonneuse.

-Suis-moi, je vais te conter une histoire, dit elle en s'avançant vers les flammes tout en mettant toute sa force dans sa main droite pour le faire suivre derrière elle. L'histoire de la fameuse empoisonneuse. 

Lorsque Pauline vit qu'il ne répondit pas, elle entama son histoire dans plus attendre.

-Il était une fois, une jeune fille appelée Pauline se réveilla dans un forêt, perdue et seule. Ecrasée sous le poids d'un cadavre, elle se leva tant bien que mal et se rendit à la piscine pour finalement se faire ligoter. Déçue de s'être faite attrapée, Pauline s'échappa et assista à la mort de cet agresseur dont les boyaux flottaient dans le grand bassin. Puis Pauline se rendit à un parc d'attraction et se réveilla, encore une fois, dans un autre monde. Celui des "empoisonneurs". Pauline commença à en empoisonner un, puis deux, puis trois, dit-elle en faisant mine de compter sur ses doigts. Jusqu'au jour où Pauline découvrit sous l'oreiller d'Alex l'identité de son rôle. A ce moment précis, la belle et jeune Pauline se jura de l'empoisonner. Elle ne voulait pas qu'un tel joueur reste dans la nature comme cela. Alors, elle lui tendit une gourde l'air de rien. Mais Alex n'était pas dupe et devina le tour que Pauline était en train de lui joueur. Alors il devina qu'elle était empoisonneuse. De rage, la blonde lui avoua tout et se retrouva torturée des mains de Cinks. Mais Barbie a tout de même survécu et elle s'est retrouvée à nouveau dans cette arène, aux côtés de son beau Alex. Et puis, vu qu'elle savait qu'elle allait mourir dans les flammes, cela ne la dérangea pas de révéler son rôle à nouveau avant de mourir. Et, depuis le début de la soirée, comme par miracle, Pauline se sentait en sécurité. Oui, elle se sentait en sécurité depuis qu'elle avait lu avant de se rendre à la Soirée des Purgations qu'Alex avait inscrit son nom sur le papier qu'il peinait à cacher tous les jours son oreiller. Comble du comble, Alex s'avère être Ange Gardien, dit-elle se retournant vers le Faucheur d'Argent. Comble du comble, Alex m'a immunisée ce soir, continua-t-elle en mettant sa main gauche dans le feu. Comble du comble, nous sommes attachés jusqu'à la fin de la nuit, fit-elle en levant son bras en l'air. Bref, morale de l'histoire, ne jamais faire chier une blonde, dit-elle en sautant dans les flammes avant de précipiter le Faucheur d'Argent avec elle dans sa chute. 

Pauline ne sentit rien, le vide. Ce soir, elle était invincible et ne ressentirait aucune douleur. Pourtant, elle trembla tout de même de plaisir lorsqu'elle entendit les cris du faucheur à mesure que les flammes consumaient son âme.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant