59. [Jasmina]

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[Contenu mature: votre lecture peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.

[En prévision d'une succession de chapitres spéciaux, je tente l'ajout d'une musique lors d'un chapitre. Vous n'êtes pas obligé de lancer la musique durant le chapitre mais je le recommande fortement si vous voulez vous plonger dans l'ambiance dans laquelle j'ai écrit ce chapitre. La musique qui servira de support à cet essai est The Way de Zack Hemsey. La musique sera calée sur le déroulé du chapitre, alors prenez votre temps dans votre lecture, laisser à la musique le temps d'épouser les mots, sinon vous ne comprenez pas ce que vous lisez et vous ne pourrez pas réellement vous plonger dans l'ambiance. Si vous n'arrivez pas à lire avec de la musique, essayez avec un son peu fort, cela pourrait fonctionner. Merci de votre compréhension et bonne lecture musicale.

PS: Dites-moi en commentaire si la musique vous a ne serait-ce qu'un peu transporté]

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Le sortilège dont Jasmina était victime avait cristallisé sa perception du temps. Malgré les bonnes intentions du maître du temps, le sort qu'elle était en train de subir replongeait chacun de ses prisonniers dans un souvenir douloureux. Figées dans le temps, les cibles sombraient dangereusement dans leurs ténèbres pour une durée indéterminée. Bien qu'il soit destiné à affecter les faucheurs, le trouble que causait une telle sorcellerie déconnectait de la réalité.

Ainsi, Jasmina repensa à l'origine de ses angoisses, à l'essence de ses cauchemars. Toujours le même rêve et jamais personne pour lui venir en aide. Elle était seule, dans sa chambre, minuit passé, les volets fermés et la porte entrouverte. Lorsqu'elle était petite, la récurrence de ses nuits agitées l'empêchait de dormir, même lorsque la fatigue l'accablait, les seuls enfreints à sa solitude résidant dans la compagnie de celui qu'elle détestait le plus, papa.

Certes, papa l'aimait. A sa façon, peut être trop mais il l'aimait. Il l'aimait, oh qu'il l'aimait, dans son être tout entier, jusqu'au moindre des recoins de son corps. Il la chérissait, la désirait et elle était l'objet de ses fantasmes les plus pervers. Avoir libres accès à une jeune fille douce, belle et innocente: une tentation qu'il ne pouvait se refuser lorsque l'absence de sa femme le pesait. C'était dans ces moments là qu'il était heureux que Jasmina ne soit pas morte comme sa mère. Même s'il l'avait tué elle aussi à force de la déshumaniser, ses va-et-viens étaient pourtant remplis d'amour et de bienveillance.

Un soir sur trois, un soir sur deux, une fréquence indéterminée. Se laisser porter par un taux de testostérone n'était pas une méthode fiable. Du moins, de cette manière, le manque ne se faisait jamais ressentir et, fatalement, Jasmina comblait tous ses manques, la beauté de la jeune fille lui substituait l'idée de rencontrer une femme de son âge.

Ainsi, seule et dans une attente éternelle de l'intrusion de son père dans sa vie privée, Jasmina attendait patiemment qu'il arrive. Les clefs dans la serrure de la porte d'entrée lorsqu'il rentrait, le claquement de la porte de la salle de bain lorsqu'il se lavait pour être propre lors de sa visite et enfin, la montée des marches d'escalier qui, analogue à son désir, semblait être la montée aux anges pour ce pauvre homme de quarante ans dont la journée de travail avait été difficile. Tel était le quotidien de Jasmina, telle était son histoire.

Plongée pour une énième fois dans ce souvenir, des images lui revenaient, il était particulier d'être spectatrice des tortures que l'on subit, surtout lorsqu'il ne s'agit plus d'un rêve mais d'une reconstitution parfaite des scènes qui avaient marqué son enfance. La première des images était toujours celle de la porte de sa chambre qui s'entrouvrait doucement. Ensuite venait le sourire émerveillé de son père à la vision de la beauté de sa fille, déglinguer une beauté pareille, quelle chance. Puis, le début de la fin se manifestait, ses doigts descendaient au niveau de sa braguette qu'il défaisait d'une rapidité déconcertante.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant