45. [Edward]

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Accompagnée de Nastasia, Edward attendait que Riff mette terme à ses ridicules tentatives de séduction avant de pouvoir regagner leur biome. La jeune fille semblait folle de rage. Au loin, il vit la main de la belle blonde qui caressait le torse de RIff. Nastasia ne semblait pourtant pas apprécier la scène. De son côté, il ne put s'empêcher de repenser à Jasmina. Cette rencontre avait égayé les aspects sombres de sa vie et la possibilité de tout partager, de vivre tout à deux et de se confier lui parut nouvelle, il n'avait jamais goûté à cela auparavant.

Malgré tout, une question demeurait dans son esprit. S'était-elle montrée heureuse qu'à cause du réconfort qu'il lui avait apporté? Pensant que le bonheur lui était interdit, il se convint qu'elle s'était blottie dans ses bras uniquement pour être consolée. Selon lui, elle n'adopterait pas la même attitude une fois qu'elle serait remise de ses émotions.

-Ce n'est pas trop tôt, lança Nastasia lorsqu'elle vit Riff revenir vers eux.

-Oh ne commence pas, nous avons le droit de prendre un peu de bon temps ici, non? Répondit-il encore perdu dans les yeux bleus de Pauline.

-La prochaine fois, nous ne t'attendrons pas alors, déclara la jeune fille en se mettant en route.

-Je ne vous ai jamais demandé de m'attendre, vous savez.

De longues minutes de marches et de silence avaient précédé leur arrivée au biome oranger. Juste à côté de la rivière, la cabane construite par Riff peinait à tenir debout. Assemblée à l'aide de branches de bois inégales et mal agencées, le modeste édifice ne devait pas sa conception à un grand architecte.

Rapidement, ils décidèrent de partir chercher du bois pour consolider l'abri avant que tout ne tombe en ruine. Nastasia s'occupa des feuilles qui éviteraient d'éventuelles inondations tandis que les deux autres partirent à la recherche de branches d'arbre.

Edward n'appréciait pas la présence de Riff, il sentait qu'il leur cachait quelque chose même s'il faisait semblant que tout se passait normalement. Il y avait quelque chose dans son attitude, un trop plein de joie permanente qu'Edward avait peine à expliquer. Comment pouvait-on être si confiant dans un contexte où la mort peut vous emporter à n'importe quel moment?

Dès qu'il en eut l'occasion, Edward partit dans son coin pour aller ramasser des branches. Apres plusieurs journées intenses, il ressentit le besoin de s'isoler pour prendre du recul sur tout ce qui se passait et s'accorder le temps de souffler. La vitesse à laquelle se déroulait tous les derniers évènements ne lui permettait pas d'avoir des idées claires sur l'identité des faucheurs. Les rares personnes qu'il soupçonnait étaient Riff et cette grande blonde qui lui tournait autour mais il savait que c'était encore qu'un brève accusation. D'ailleurs, comment peut-on se rapprocher si rapidement de quelqu'un? La main de la jeune fille exprimait une proximité étrange...

En repensant à Jasmina, il se sentit bête de s'en indigner. Après tout, lui aussi s'était subitement rapproché de cette jeune fille. Peut être que cela pourrait paraitre suspect d'un point de vue extérieur, mais au fond il comprenait ces attitudes. Edward remit alors en question son rapprochement soudain avec Jasmina et se demanda si cela ne lui porterait pas préjudice. Et si elle était une faucheuse?

Non, ce n'était pas possible, pas elle. Son regard était si innocent qu'il serait inexplicable qu'elle accepte de commettre de tels actes. Remarque, personne n'avait la tête de l'emploi ici. Chaque nouveau faucheur démasqué serait surement une surprise totale, ils devaient tous agir dans l'ombre.

Edward en vint à se demander combien de temps il survivrait et se donna un peu plus d'une semaine avant d'y passer. Ici, chaque jour comptait minimum deux morts. Faire partie des huit derniers joueurs? Cette pensée lui sembla irréelle, il ne se voyait pas comment tirer son épingle du jeu tandis que tous ses amis allaient mourir à la chaine sous ses yeux.

Finalement, mourir lui était égal. Plusieurs fois déjà il y avait songé: il n'aimait pas sa vie et trouver le paix lui paraissait comme une forme de sérénité éternelle. De toutes façons, personne ne le comprenait. Oui, personne ne semblait être capable de s'imaginer ce que cela fait lorsque la vie vous effraie plus que la mort et qu'il semble logique de se laisser partir.

Alors qu'il passait tranquillement en revue ses branches et ses états d'âme, Riff vint l'interrompre.

-Eh petit, je pense que notre récolte sera suffisante, il serait temps de rentrer pour travailler sur la cabane avant que l'on nous convoque à nouveau.

Edward ne répondit pas et se contenta de se retourner pour lui faire comprendre qu'il avait reçu le message.

-Il faudrait que nous arrivions à quelque chose de confortable si nous ne voulons pas passer nos nuits éveillés. On pourrait mourir d'épuisement, ce serait bête, hein? demanda-t-il.

Aucune réponse de la part d'Edward.

-Qu'est-ce qui t'arrives? continua-t-il en essuyant un nouveau silence. Tu boudes? Tu es fatigué?

Lorsqu'il vit que le jeune homme ne répondait toujours pas, il décida d'insister pour comprendre cette indifférence.

-Bon Edward, tu n'as pas trois ans, nous sommes une tribu et si nous ne communiquons pas, jamais nous parviendrons à atteindre une forme de cohésion. C'est important tu sais.

-Une forme de cohésion? reprit Edward sur un ton sarcastique. Vraiment? Tu tiens à parler de cohésion, avec moi?

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant