69. [Edward]

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Edward ouvrit les yeux avec peine. Il eut l'impression que ses paupières tombaient dans le creux de ses cernes. Sous le coup de la fatigue émotionnelle, il mit quelques instants avant de comprendre qu'il avait été installé dans sa loge. Seul, il contemplait dans le miroir son visage vivement marqué par la disparition de Riff. Même si une partie de lui commençait à l'accepter, une autre plus tenace se raccrochait à l'espoir qu'il s'agissait d'un mauvais rêve qui ne demandait qu'à s'arrêter.

Lorsque son regard descendit le long de ses épaules, l'affinement des creux formés par ses épaules et sa clavicule lui parurent maigres, bien trop maigres. Ici, il ne mangeait pas, l'appétit étant malheureusement coupé par le fil de ses émotions qu'il avait du mal à contrôler.

Dans les premières heures qui avaient suivies l'officialisation de la mort de Riff, Edward s'était laissé emporter par le chagrin sans vraiment pouvoir identifier la raison qui lui causa une telle douleur intérieure. Au moment où il se tenait devant cette glace, son désarroi resta le même. Il avait beau trouver des raisons qui expliquaient pourtant de manière logique sa tristesse, il n'y crut pas et vit en cela une tentative de plaquer des excuses pour apaiser ses peines.

Pourtant, cela ne le dérangea pas de souffrir. Retenir ses larmes était un supplice qu'Edward décida de supprimer de sa vie. Quelques années plus tôt, il était persuadé que contenir le chagrin que la mort de son père avait causé était le meilleur moyen de se protéger mais, en y repensant, il arriva à la conclusion que le fait même de contenir son chagrin et de la garder pour lui avait été la cause de son perpétuel mal-être.

Ainsi, il repensa à l'un des rares personnes qui lui faisait oublier ce monde noir dans lequel il se plongeait tout seul, Jasmina. Son visage pur et de ses belles boucles brunes formaient un portrait qui ne le laissait pas indifférent. Lorsque son regard croisait le sien, il sentait quelque chose en lui, comme un artifice indescriptible, qui se rallumait à chaque fois que la jeune fille prenait la parole.

Ce soir là, plus que jamais, il avait besoin de retrouver la complicité qu'il avait ressenti lorsqu'il l'avait serrée dans ses bras. Ce qu'il aimait chez elle, c'était sa part de simplicité et son regard bienveillant qui lui donnait l'impression qu'elle resterait à ses côtés pour toujours. Certes, il pouvait la perdre comme il avait perdu Riff, mais à quoi bon ne pas essayer et vivre dans une peur constante de la perdre?

Déterminé, Edward se leva de sa chaise avant de plaquer ses mains contre le miroir en se jurant qu'il n'abandonnerai jamais l'amour qu'il sentait naître entre eux deux. Mais alors, il fallait impérativement qu'il soit irréprochable, qu'il soit tant beau que rusé et qu'il tire l'épingle leur jeu afin qu'ils aillent le plus loin ensembles.

Délicatement, il releva ses cheveux avec sa main droite et, en essayant de les plaquer en arrière, il vint les agrémenter d'une importante touche de laque qui les ferait tenir la soirée durant tout en faisant ressortir son côté plus endurci qu'il était prêt à montrer à Jasmina. Lorsqu'il se retourna afin de voir s'il y avait des tenus dans les environs, il fut surpris lorsqu'il vit qu'il n'avait aucun choix et que sa tenue du soir avait déjà été choisie.

Sa chemise blanche, son bas noir et ses chaussures enfilées dans les secondes qui suivirent, il sortit de sa loge en faisant mine de se mettre sa veste comme si le besoin de faire ressortir sa dangerosité était devenu une nécessité qui lui donnait un sentiment de supériorité par rapport aux autres joueurs.

Rapidement, des gardiens le trouvèrent au bout du couloir et le dirigèrent vers l'entrée du Purgatorium où la musique battait déjà son plein et où les premiers joueurs étaient déjà rentrés.

Le Jeu des FaucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant