Chapitre 7

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Nous restons un moment assis dans le noir dans ma chambre silencieuse. Je n'ose bouger. Je l'entends respirer et je sens qu'il a peur. Je pourrais aller voir la police, son père et tout lui raconter. Cela réglerait un grand nombre de nos problèmes. Il serait contraint de relâcher le Maître et Elisabeth, et de se démettre de l'enquête sur notre communauté. Cela jetterai un grand discrédit sur la commission d'enquête.

Mais il s'agit de Jonathan. Il a toujours été là pour moi. Il a fait ça pour moi. A cause de moi.

Je ne peux pas lui faire ça.

—On va s'en sortir, finis-je par articuler. Ça va aller.

Il me serre la main sans oser me regarder.

—J'ai peur, Cassie. J'ai tellement peur de te perdre. Je ne veux que ton bonheur. Rien d'autre.

—Je sais, je sais. Je te promets ... je te promets que personne ne saura la vérité, jamais. Nous allons reprendre le cours de nos vies, normalement. L'enquête sur la mort d'Achille est close depuis plus d'une année. Si Faure avait eu le moindre doute, le moindre élément lui laissant penser qu'il pourrait s'agir d'un meurtre, il serait venu après nous plutôt. Est-ce qu'il sait que tu fais partie de notre communauté ?

—Non, je ne lui ai jamais dit. On ne lui parlait plus depuis longtemps.

—Bien ...c'est très bien. Par contre il ne doit pas te voir ici.

Il faut que je réfléchisse et vite. Je ne veux pas que Jonathan me quitte mais si Faure le voit ici, il ne nous laissera jamais en paix. Il ne doit jamais savoir. Jamais. Je ne peux pas le perdre.

Partir

—Tu dois partir ... quelque temps. Ce n'est pas définitif, lui dis-je en attrapant son visage avec mes mains. Juste le temps que cela se tasse. Ils n'ont rien contre nous. Nous avons les meilleurs avocats du pays. Ce n'est qu'une question de temps.

—Ok finit-il par me répondre d'une voix blanche. Je comprends.

—Le Maître voulait développer nos relations avec l'Espagne. Une petite partie de la Communauté est partie vivre là-bas, il y a cinq ans maintenant. Tu les rejoins dès demain.

***

Le départ de Jonathan m'a brisée le cœur. Nous sommes restés toute la nuit à parler. Je lui ai juré que rien ne changerait entre nous. Je lui en ai fait la promesse.

Promesse.

Je l'ai choisi comme compagnon et rien ne pourra faire changer cela. Surtout après ce qu'il a fait pour moi. Ce qu'il pourrait faire pour moi.

***

—Salut Cassie.

Jérémiah m'enserre tendrement par la taille avant de déposer un baiser sur ma joue.

—Je suis content que tu sois venue. Tu avais l'air si triste ce matin au rassemblement. Ça va ?

Alors qu'il m'invite à m'assoir une serveuse dépose deux tasses de thé fumant devant nous, ce qui m'arrache un sourire. J'ai envie de me confier à lui. En tant que Berger, je devrais conserver une certaine distance, mais il est différent des autres membres de la communauté. Il ne connait et ne respecte pas encore tous nos codes. Il en est détaché. Il ne me voit pas encore totalement comme la fille du Maître et je peux être vulnérable avec lui. Avec le départ de Jonathan, je suis seule.

Seule.

Et j'ai besoin de quelqu'un sur qui me reposer, à qui me confier.

—ça va. Enfin, cela va aller. Je n'ai pas appris de bonne nouvelle sur l'arrestation du Maître et d'Elisabeth. Notre avocat pensait que son retour parmi nous serait rapide. Mais cela va prendre visiblement plus de temps que prévu. Nous sommes perdus. Je suis perdue. Les autres Bergers comptent sur moi. Samuel me prépare à prendre sa suite depuis quelques temps déjà, mais je ne suis pas prête. Assurez l'intérim... Oui pourquoi pas. Mais pas sur du long terme.

—Je pensais que les Bergers étaient là pour diriger la communauté ? me demande Jérémiah

J'ai presque failli oublie qu'il ne nous a rejoint que depuis quelques jours à peine. Il commence à peine sa formation pour devenir une brebis et avec tout ce qui s'est passé récemment je suis un piètre Berger. C'est à moi à lui expliquer tout cela. A lui montrer le chemin de la connaissance.

La voie.

— Excuse-moi. Avec tous ces évènements, je manque à mon devoir de Berger. Bien, je vais te donner ta première leçon alors, si tu le veux bien, lui demandais je souriant.

Jérémiah hoche la tête en guise d'approbation et je me lance dans l'histoire de notre communauté.

—Il y a quinze ans maintenant, mes parents, le Maître et Elisabeth ont fondés la communauté, ici, à Maule, aux portes de Paris. Ils en ont eu marre de la vie trépidante de Paris, ou le Métro-Boulot-Dodo rythmait leur vie. Le Maître et lui ont profités de politique de réduction d'effectif dans leur entreprise, une grande entreprise de construction de voiture et ils ont suivi une formation de reconversion professionnelle et se sont lancés dans la culture biologique.

—Je te coupe, mais Samuel ... je veux dire le Maître n'est pas ton père ? me questionne Jérémiah.

—Il l'est devenue. Sa femme et lui nous ont adoptées après la mort de nos parents il y a dix ans. Je ... ce n'est pas une période facile à évoquer pour moi. Je ...

—Non bien sûr pas de problème je comprends .Continue s'il te plait, me demande-t-il doucement.

—Durant les trois premières années, il n'y avait que nous six. L'activité maraichère fonctionnait plutôt bien, nous étions bien installées dans la vie locale. Ma mère et Elisabeth proposait des paniers de légumes frais et biologique aux particuliers, des cours de cuisine. Ils ont commencé en embaucher du monde, pour les plantations, les récoltes,... quelques familles ont été séduite par notre mode de vie simple, facile, au plus proche de la nature. C'est là que mon père et le Maître ont commencé à avoir des visions. Comme si ... comme si la terre, le ciel, la nature toute entière leur parlaient, les remerciaient pour leurs actes. Peu à peu nous avons commencé les cérémonies de remerciement à la nature. Elle nous donnait tellement. Et il y a eu l'incendie.

Je marque une pause. Cet évènement a bouleversé ma vie, mais aussi celle de la communauté toute entière. Sans cela, peut-être que nous serions encore cette communauté de hippie bio.

—Je me rappelle que les jours précédant le drame, le Maître avait eu des .... Rêves, des visions, des sortes de prémonition sur ce qui allait arriver. Tout a changé après ça. Mes parents ont péris dans les flammes et Elisabeth a perdu l'usage de ses jambes et de la parole. C'est à partir de ce moment que les voix se sont manifesté plus clairement au Maître. Elles lui ont dit que le corps et l'esprit sont deux choses distinctes. Le corps n'est qu'une enveloppe charnelle qui emprisonne l'esprit, le contraint avec ses besoins primaires. L'esprit lui est libre et immortel. Je sais, je le sens tous les jours mes parents ne sont pas morts. Ils sont là avec moi, partout autour de moi. Si je Ferme les yeux je peux les sentir. Les voix ont guidé Samuel pour qu'ils deviennent notre Maître à tous. La terre, le ciel et la nature lui ont dictés les enseignements qu'il a transmis à son tour aux Bergers, qui les ont transmis à leur tour aux Brebis, tout comme je vais le faire avec toi, finis-je en lui prenant la main. 

Dark Hold (La face cachée du Maitre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant