Dark Hold (La face cachée du Maitre)

Chapitre 3

Le soleil peine à se coucher en ce débit de printemps. La journée a défilé à une allure folle. L'arrivée de deux nouveaux apprenant est une fête pour tous les membres de la communauté. Nous allons accueillir un frère et une sœur ce soir. La communauté bourdonne telle une ruche, qui prépare la cérémonie dans une excitation palpable.

Je regarde, par la fenêtre de ma chambre, les derniers préparatifs pour le banquet qui suivra. Trois hommes attisent l'immense feu autour du quelque nous nous rassemblerons et qui servira à purifier les ignorants, tandis que d'autre dispose à même le sol d'immense coussins.

-Ils annoncent une belle soirée. Fraîche mais sans pluie, indique Martha en passant le pas de la porte de ma chambre.

-Heureusement, dis-je un brin soulagé.

-Ne t'inquiètes pas Cassie. Tout va bien se passer. Et nous n'aurons pas froid, me dit-elle en souriant tout en observant à côté de moi les braseros qui s'enflamment devant nous. Allez vient là que je t'aide à enfiler ta tenue de cérémonie.

Je me retourne pour contempler la magnifique cape rouge vif qu'elle tient dans ses mains.

-Je me suis permise de t'en fabriquer une. Celle du Maître aurait été bien trop grande pour toi.

Je serre Martha dans mes bras. Une telle attention de sa part me redonne le courage qui s'est effrité toute la journée. Elle est l'une des plus influentes Berger de la Ferme. Samuel lui porte une confiance quasi-aveugle. Et savoir que ce soir, en son absence, elle me soutient aussi ouvertement me remplie de joie.

Je me hâte d'enfiler mon pantalon et ma tunique fluide d'un blanc immaculé, semblable à tous les membres de la Ferme. Martha me pose délicatement la cape, qui tombe en plombant magnifiquement sur mes épaules.

-Elle te va à merveille ! me dit-elle des étoiles pleins les yeux en admirant son travail.

-Elle est magnifique, Martha.

Je ne me lasse pas de toucher le tissue soyeux, qui crisse délicatement sous mes doigts.

-C'est toi qui la sublime Cassiopée. Cette couleur est faite pour toi.

Nous restons un moment silencieuse devant cette glace qui renvoie une image de moi, que je peine à reconnaitre.

(Le Maître)

-Je te laisse finir de te préparer, m'indique Martha en quittant ma chambre, quasiment sur la pointe des pieds.

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Je m'avance devant l'assemblé qui semble retenir son souffle, comme tétanisée par l'émotion. C'est la première fois que je dirige une cérémonie d'accueil. Et je peux sentir les regards inquiets de certains frères et sœurs se poser sur moi.

Je prends place sur la petite estrade en essayant d'imposer par mon attitude l'assurance nécessaire à la situation. Le Maître n'a jamais utilisé de micro, et alors que je m'apprête à prendre la parole, je regrette d'avoir fait le même choix. Ma voix semble étouffée, comme cassée sous le poids du tract et des responsabilités. Je me racle la gorge pour tenter de l'éclaircir.

-Que les Ignorants qui postulent ce soir s'avancent de trois pas et se mette à genoux.

Un jeune homme et une jeune femme s'exécutent, tremblotant légèrement.

-Vous avez fait part de votre souhait de rejoindre notre communauté, la Ferme pour y vivre selon ses principes, en toute harmonie, libre et sans contrainte. Est-ce toujours votre souhait ?

-Oui, nous le souhaitons, me répondent-ils en cœurs

-Acceptez-vous d'être marqué, au fer rouge sur votre hanche, du signe I, symbolisant l'Ignorance que vous souhaitez quitter ?

-Oui, nous l'acceptons.

Je fais signe aux Bergers de venir apposer sur leur peau, préalablement endormie par un baume, le fer rougit par les braises.

Je détourne légèrement le regard. Je me souviens encore de la douleur, malgré l'anesthésient, de l'odeur qui se dégage de la brûlure, lorsque mes parents m'ont marquée pour la première fois, à l'âge de cinq ans. J'ai ressenti le même dégout, lorsque j'ai reçu, des années plus tard, mes deux autres marques. Mais cela fait partie du rituel instauré par le Maître. Notre corps doit se souvenir de ce que nous étions avant, afin que notre esprit puisse s'élever.

-Vous avez fait un pas vers la connaissance. Purifiez-vous avant de pouvoir être prêt à la recevoir.

Les Bergers les aident à se dévêtir de leurs vêtements, à se raser le crane et à bruler ces derniers vestiges de leur vie passée. Puis ils prennent place dans deux grandes bassines et tour à tour, tous les membres de la Ferme, leur nouveau frères et sœurs, viennent les aider à se laver, pour purifier leur corps de leur impureté. Les Bergers leur appose au fer rouge la marque A, symbole de leur statut d'Apprenants.

- Aujourd'hui, partout dans le monde, des jeunes ignorants comme vous l'étiez, dis-je en direction des deux Apprenants, détruisent l'éthique de l'amour et mènent une vie corrompue par leurs Démons. Beaucoup abandonnent leurs espoirs et leur rêves pour s'adonner à la drogue et à la violence. Combien de fois encore devrons-nous supporter de voir des adolescentes enceintes, de nouveau-nés drogués à l'héroïne, d'enfants victimes de sévices ? Quand je vois tous ces exemples autour de moi, je sais qu'il est de mon devoir de les aider. De vous aider pour qu'à votre tour vous puissiez en aider d'autre. En rejoignant la Ferme, vous avez trouvé une Famille qui saura vous épauler dans votre chemin. Nous vous apprendrons, nous expérimenterons ensemble, et vous aiderons à trouver votre moi intérieur. Le chemin de votre restauration profonde. Vous serez capable de préserver vos valeurs, nos valeurs dans un monde dépravé. Vous serez libre de vivre en toute liberté conformément à ces valeurs, sans crainte du jugement d'autrui. La promesse que je vous fais en tant que Berger suprême, malgré l'absence de notre Maître, est la suivante : Aujourd'hui, je suis en paix avec moi-même. Je ne me tracasse plus à propos de que vont devenir les enfants de ma Famille. Je le sais. Je ne me tracasse plus à propos de l'avenir mes frères et de mes sœurs. Je le sais. Je ne me tracasse plus à propos de votre avenir, ajouté-je en les pointant du doigt.

-Nous le savons, reprennent en cœur les autres Bergers et l'ensemble des Brebis.

Je frisonne. Entendre l'ensemble de la communauté vibrer comme un seul homme me rempli de joie et de gratitude.

-Nous passerons notre vie à aider, dis-je en ouvrant les bras vers l'ensemble de l'assemblée. Nous nous tournerons vers le reste des hommes, nous les aiderons à s'éveiller assez pour entendre notre invitation à nous rejoindre. Ensemble, nous les aiderons à nous rejoindre, dans la chaleur du soleil et du feu, pour rendre notre monde sain et raisonnable.

Je marque une pause et parcours l'assemblée des yeux. Les deux Apprenants sont nus devant moi, buvant mes paroles. Derrières eux, les sept Berger se tiennent alignés, tenant dans leur mains les nouvelles tuniques des deux disciples. D'un mouvement du menton, j'invite les Bergers à revêtir ceux qui viennent d'entrer dans la lumière. Une fois fait, je déclare :

-Ce soir nous avons accueilli un nouveau frère et une nouvelle sœur ! acceptons-les comme il se doit dans notre belle famille.