Chapitre 36

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Le sifflement strident de la bouilloire résonne dans le gite, me tirant de ma rêverie. Ces quelques jours avec Jérémiah loin de la communauté, de Samuel, loin de tout, m’ont ressourcée.  Martha avait raison c’est ce dont j’avais besoin. Ce dont nous avions besoin.

L'affrontement avec Samuel ne s'est pas déroulé comme je l'espérait. Je ne suis pas arrivée à l'affronter. J'ai bafouillé comme une enfant prise en flagrant délit de bêtise. Il a lu en moi. Il a vu mes faiblesses. Et j'ai craqué. Je me suis enfui en pleurant,  sans avoir réussi à lui dire ce que j'avais réellement sur le coeur. 
Samuel a repris sa place et moi la mienne. Mais Jeremiah a vu mon mal être. 

Jeremiah

Lorsque je me réveille ce matin, il n’est pas à mes côtés. Il a du se lever tôt, à en juger le nombre important de cigarettes écrasées dans le cendrier de la terrasse.
Tout à coup, une sensation de malaise m’envahit.

Jérémiah ….

Son attitude d’hier soir me frappe de plein fouet. Il a été distant, froid avec moi. Prétextant une migraine il est allé se coucher tôt. Lorsque je l’ai rejoint, j’ai cru un moment qu’il feignait de dormir pour éviter tout contact avec moi.

Mais la fatigue a balayé mes doutes.

D’une main tremblante, je saisis une de ses cigarettes éteint, la rallume et tire dessus avec une bouffée si intense qu’elle me brûle la gorge.

Un grincement me fait sursauter.

Dans l’embrasure de la porte se tient Jérémiah.

—Bonjour toi. Tu vas mieux, dis-je en m'avançant vers lui.

Alors que j’arrivai à sa hauteur pour l’embrasser, il me repoussa délicatement, avant d’ajouter :

—Fais ta valise, nous devons rentrer

—Mais nous avons le gîte toute la journée …

—Maintenant, grogne-t-il en s’engouffrant dans la chambre.
 
******
La voiture semble avaler les kilomètres. Jérémiah me jette de temps à autre un regard, sans sourire, sans émotion.
La tendresse dans ses yeux semblait s’être évaporée. Je ne savais comment réagir. Que dire ? J’avais douloureusement envie de le serrer dans mes bras, mais terriblement peur qu’il ne me repousse.

Comme Achille.

Redeviens gentil avec moi, Jérémiah ! Montre-moi que je compte pour toi. Que tu m’aimes.

J’ai souvent éprouvé ce sentiment étant enfant. Après la mort de mes parents, j’ai eu l’impression que l’on m’avait privée de leur amour, pour me punir. Mais à l’époque, j’avais Rebecca.

Je ne peux pas le laisser m’abandonner. Je n’ai plus que lui.

Jonathan

J’ai besoin des deux. Jonathan a toujours été là pour moi, mais Jérémiah est mon oxygène, ma bouée de sauvetage.

Je ne peux pas le laisser m’abandonner.

Je me redis sur mon siège à cette idée. Après avoir pris une profonde inspiration, je le regarde et lui demande :

—Jérémiah, qu’est-ce qui se passe ?

Je peux voir ses mains se crisper sur le volant. J’attend un instant, guettant sa réponse, mes muscles tout entiers contractés.

—Il faut vraiment que l’on rentre maintenant ? Je veux dire, on s’amusait bien tous les deux, non ? Loin de la communauté, de mes responsabilités ….

Dark Hold (La face cachée du Maitre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant