Aujourd'hui, c'est officiellement la rentrée scolaire. Mon meilleur ami et moi, nous laissons les autres affronter cette épreuve. De notre côté, nous prenons le chemin inverse puisque nous partons en vacances.
– Salut, Sébastien. Mets ta valise dans le coffre.
Je me dépêche avant de monter sur le siège passager. Nous allons rouler plusieurs heures pour atteindre une destination qui, on l'espère, a gardé encore un peu de soleil pour nous !
Avant de commencer nos études universitaires, et après avoir travaillé pendant deux mois dans un restaurant pour faire le service, la plonge et le ménage, nous allons nous offrir un peu de repos. Je ne sais pas quel est le premier de nous deux à avoir proposé ces vacances, ce n'est finalement pas très important. Aucun de nous n'a pensé à demander à nos autres potes de nous accompagner, c'est naturellement que nous avons envisagé cette escapade à deux. Parce que l'organisation est plus simple et surtout parce que nous sommes certains de nous entendre. On peut être amis et ne pas se supporter lorsqu'il faut être les uns sur les autres vingt-quatre heures sur vingt-quatre...
Avec Hervé, c'est différent. C'est le hasard qui nous a placés dans la même classe à l'école primaire, c'est l'instituteur de l'époque qui nous a fait asseoir côte à côte. Ensuite, je ne sais pas quoi invoquer pour expliquer que notre amitié est née immédiatement et que les liens ne se sont jamais rompus. Nous avons fait toute notre scolarité ensemble, nous avons grandi ensemble, nous avons tout partagé. Sans doute que notre lien est plus puissant que celui qui existe entre des frères. Ces derniers ont en commun leurs gènes, même si les caractères ne sont pas toujours compatibles. Hervé et moi sommes deux étrangers qui ont fini par se lier d'une amitié à toute épreuve.
Affronter près de dix heures de route, seul avec mon meilleur ami, cela ne me fait pas peur. Nous allons bien entendu discuter un peu. Pourtant, la majeure partie du trajet nous ne ferons qu'écouter de la musique, sans rien dire. Parce que c'est aux silences que l'on reconnaît la véritable amitié. Pouvoir cesser de parler pendant plusieurs heures et pourtant se sentir bien avec l'autre, c'est assez rare pour être précieux. Toutes les deux heures nous faisons une pause, non pas forcément parce que des études montrent qu'il faut s'arrêter régulièrement mais parce que nous avons décidé que chacun roulerait à tour de rôle.
Sur chaque aire d'autoroute, le premier réflexe est d'aller se soulager la vessie, les pauses sont faites pour ça. De mon côté j'essaie d'éviter de trop boire puisque sinon c'est toutes les dix minutes qu'il faudrait stopper la voiture. Je ne sais pas pourquoi je pense à ce genre de détail. Ou plutôt si, je sais parfaitement pourquoi je me concentre sur quelque chose de totalement futile alors que nous sommes devant les urinoirs. C'est simplement que je n'ai pas envie d'avoir une réaction inappropriée, ce lieu m'excite toujours, j'ai l'impression d'être le seul.
– C'est plutôt sympa, il n'y a vraiment personne sur la route des vacances ! J'ai le sentiment qu'on est les rois du monde.
Je déteste quand il fait ça, qu'il engage la conversation alors que nous sommes devant les urinoirs. Ça me déconcentre totalement et ça me bloque. J'espère qu'il ne le fait pas exprès !
La dernière heure du trajet a semblé la plus longue, j'imagine que c'est normal. Nous sommes soulagés d'arriver au camping. C'est vrai qu'il est agréable de voyager en dehors des vacances scolaires puisque nous avons l'impression d'être spéciaux. À l'accueil, les gérants du camping prennent le temps de tout nous expliquer et même de nous accompagner jusqu'à notre emplacement. Par contre, c'est seuls que nous devons monter notre tente, alors que le soleil commence déjà à se coucher. Voilà l'inconvénient des vacances en septembre : les journées sont plus courtes. Comme d'habitude, Hervé a le plan en main et donne les directives pendant que moi j'exécute sans remettre en cause ses ordres. C'est de cette manière que nous fonctionnons le mieux.
– Elle semble bancale, cette tente.
– On verra bien si elle nous tombe sur la tête. Bon, je vais prendre une douche.
Je reste à côté de nos affaires. Pour la première fois nous voyageons seuls, sans nos parents, nous devons donc tout assumer, nous sommes les adultes ! Et c'est légèrement angoissant. Alors, comme nous n'avons pas encore confiance, on préfère que l'un de nous reste près de la tente pour éviter les vols. Il faudra que cette angoisse disparaisse, nous n'allons pas surveiller nos affaires pendant tout le séjour.
Le temps que moi je revienne des douches, Hervé a allumé le barbecue. Nous nous installons par terre pour manger nos merguez et nos brochettes, habillés juste d'un short, chacun avec son verre de vin pour accompagner le repas. Enfin, nous nous sentons en vacances !
– Il n'y a pas un bruit, c'est étrange.
– Tu ne vas pas commencer à avoir peur.
– Non, évidemment. C'est juste agréable d'être là, au calme, sans croiser personne.
Nous avons quand même apporté nos consoles de jeu, les versions portables évidemment. Ainsi nous pouvons passer la soirée comme nous le faisons à la maison, à jouer à Mario Kart. Jusqu'à ce que finalement nous décidions d'aller nous coucher. Dix heures de route, ça fatigue. Et puis, nous devons être en forme pour demain, histoire de profiter pleinement des vacances.
– Tu as du réseau ?
Hervé s'est déjà mis nu, ce qui ne m'étonne pas, il dort toujours à poil. Il prend son portable et me demande de faire comme lui. Il a sélectionné un site de vidéos pornos. Je vous le disais, nous sommes plus proches que des frères...