Le lendemain matin je me réveille comme si j'émergeais d'un rêve. J'ai du mal à croire ce qu'il s'est passé la veille. J'ai peut-être trop longtemps attendu ce moment ou alors rien ne s'est passé. Parfois les songes peuvent être très proches de la réalité. Hervé s'agite déjà, il est l'heure de se préparer pour les cours. Je le rejoins dans la salle de bain.
– Salut, t'as pas entendu le réveil ?
Il sort de la douche et reste nu devant le miroir le temps de se coiffer, se brosser les dents et mettre du déodorant. Moi j'entre sous la douche, nous vivons vraiment comme un couple. Une fois habillés on se croise à nouveau dans la partie cuisine pour simplement prendre une tasse de café.
– On se retrouve à la salle de sport ?
– Je finis à onze heures.
– Moi à onze heures trente.
– Cool.
Pendant le cours magistral, j'ai du mal à me concentrer. La discussion de ce matin était totalement banale. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. J'aurais voulu lui demander si hier nous avons vraiment fait ce que je crois qu'il s'est passé. Je n'ai pas osé, parce que si jamais je me suis imaginé la scène...
– Salut, punaise je suis à la bourre.
Le mec qui m'avait abordé à la salle et avec lequel je suis « allé boire un verre », c'est toujours la version officielle, vient s'asseoir à côté de moi. Il a effectivement presque une heure de retard.
– Je pourrai photocopier tes notes ?
– Ouais, pas de souci.
Si je suis froid c'est que nous sommes en train d'écouter le professeur, que je ne veux pas qu'il nous dise de nous taire et je veux continuer à prendre des notes.
– Je t'ai envoyé des messages hier soir.
– J'ai vu qu'au moment de me coucher.
– T'aurais quand même pu me répondre.
Le prof nous regarde, c'est le premier avertissement avant qu'il ne nous demande de sortir et qu'on se paie la honte.
À la fin du cours, il ne me lâche pas.
– On va faire un tout chez moi ?
– Je dois rejoindre Hervé à la salle de sport.
– Comme tu veux, mec, si tu préfères être avec ton pote.
Je ne comprends pas sa réaction. Ce n'est pas parce qu'on s'est vu une fois que nous sommes en couple ! Je suis quand même vexé parce qu'il a raison : je préfère être avec Hervé qu'avoir une partie de jambes en l'air avec un autre. J'en ai marre que mon esprit n'arrête pas de cogiter. J'envie ceux qui se laissent porter par les événements sans jamais penser à ce qu'ils font ou aux conséquences de leurs actes.
– Qu'est-ce que tu fais ?
Dans le vestiaire, pendant que je me change, Hervé n'arrête pas de fixer mon sexe.
– On est entouré par des mecs à poil, je voulais savoir si ce que tu disais hier est vrai, si réellement ça ne te fait pas réagir.
– Si on la fixe, c'est sûr qu'il va se passer quelque chose.
Je ne sais pas ce que je ressens. Il vient de confirmer que je n'ai pas rêvé, je n'y croyais qu'à moitié. Nous avons bien franchi un pas de plus dans notre relation. Et pourtant le monde autour de nous n'a pas l'air d'avoir changé. Est-ce que les choses peuvent être aussi simples ? Je me faisais tout un film de cet événement et je me rends compte que je suis le seul à me prendre la tête.
L'entraînement n'a rien de particulier. De toute façon je me laisse guider puisque c'est Hervé qui établit le programme et donc décide de ce que nous faisons, dans quel ordre et avec quelle intensité. Sous les douches collectives, une fois de plus, il me regarde.
– Sois un peu plus discret quand même !
– Je suis curieux.
– Et moi je ne suis pas une bête de foire.
C'est rare qu'Hervé m'énerve !
Lorsque j'ouvre la porte de mon vestiaire, un morceau de papier en tombe.
– Tu as un admirateur secret ?
Quelqu'un m'a laissé son numéro de téléphone. C'est forcément un mec. Sur le moment je trouve cela ridicule, nous ne sommes plus à l'école primaire. À notre âge on peut se parler face à face. Enfin, je dis ça alors que le petit mot dans le casier c'est bien une méthode que je pourrais utiliser si un mec me plaisait vraiment.
– Tu vas l'appeler ?
– Je ne sais pas.
Je glisse le numéro dans mon sac et nous retournons à l'appartement.