Après ce dîner, il ne s'est effectivement rien passé. Je n'ai pas su comment l'interpréter. Jusque-là, pour moi, une relation consistait à prendre un verre et ensuite se retrouver au lit. Enfin, je n'ai pas beaucoup d'expérience. Pour le coup, Florent ne veut pas coucher dès le premier soir. J'imagine que je ne dois pas le prendre mal ou comme une indication qu'il ne veut pas du tout de moi. Il faut juste attendre, je ne sais pas trop quoi, mais disons que c'est une nouvelle forme de relation et que je devrais être content d'avoir rencontré un homme aussi sûr de lui, mature. Car de son côté il semble avoir pas mal d'expérience, je pense donc que je peux lui faire confiance.
Nous communiquons surtout par SMS et dès le lendemain il m'invite à participer à une soirée avec ses potes. Comme Hervé rencarde une fille et que je me retrouverai de toute façon seul à la maison, je ne vois pas pourquoi je refuserais la proposition de Florent. Je me rends à l'adresse indiquée. Depuis la rue, il y a déjà pas mal de bruit, on dirait que la fête bat son plein. Je sonne à la porte, c'est un inconnu qui m'ouvre. Heureusement Florent s'avance très vite vers moi, je suis rassuré.
– Viens, on va prendre un verre et ensuite je te présente à tout le monde.
En réalité nous faisons les deux choses en même temps. Il me fait saluer tous ses amis. La seule chose que j'arrive à me dire c'est que je ne réussirai jamais à retenir tous ces prénoms. D'un seul coup c'est beaucoup trop.
Il voit bien que je suis en détresse, alors il m'emmène sur le balcon, autant pour se couper de la foule que pour fumer tranquillement.
– Ce n'est quand même pas la première fête à laquelle tu participes ?
– Évidemment que non, sauf que c'est bien la première fois que je ne connais quasiment aucun invité.
– À part la personne la plus importante.
Il sourit et me dépose un rapide baiser sur les lèvres.
– On dirait que tu es mal à l'aise.
– Disons que, je vais paraître stupide mais j'ai plus l'habitude de me retrouver avec des hétéros.
– C'est sûr que ce soir il n'y en a pas du tout. Ça te gêne d'être avec des gays ?
– Pas du tout, je ne sais pas comment expliquer ce que je ressens, c'est... étrange.
Pour la première fois, effectivement, je me retrouve dans le « milieu » auquel j'appartiens. Mais je ne me suis jamais considéré comme appartenant à une communauté particulière et ce terme de « milieu », je le trouve débile. Je me suis toujours senti parfaitement bien parmi les amis que nous avons en commun avec Hervé, quasiment uniquement des hétéros. Je suis moins naturel dans cette soirée où je ne peux croiser que des homos. En fait, je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous faisons une distinction, toutes les fêtes devraient réunir tout le monde, sans aucune différence. Je n'aime pas l'idée qu'il y ait des soirées dédiées aux uns ou aux autres. En même temps, ce n'est pas le moment de faire de la sociologie.
Florent me rappelle à la réalité. Il me prend par la main et m'amène sur la piste de danse.
– Laisse-toi aller.
– Je ne sais pas danser.
– Parce que tu trouves que je suis doué ?
Il me fait rire. Et aussi, il me fait boire ! Je suis donc visiblement trop tendu, il essaie de me faire entrer dans l'ambiance.
– Viens, on se casse.
– Déjà ?
Nous disparaissons de l'appartement sans dire au revoir à personne. Et d'ailleurs, les autres ne semblent nous voir partir.
– Pourquoi tu voulais partir si vite ?
– Je voyais bien que ça n'allait pas pour toi.
– Disons que j'ai rencontré tous tes amis d'un coup et ça fait beaucoup.
– Il y a autre chose.
– Et comme tu aimes me psychanalyser tu vas me dire ce que j'ai ressenti.
– Il y avait trop de regards portés sur toi. J'avoue, j'ai fait une erreur. J'aurais dû commencer par te présenter à mes meilleurs amis avant de te jeter dans une grande fête. Tout le monde était curieux de voir le petit nouveau.
– Et je me suis senti comme une bête de foire.
– Je n'avais pas pensé à ça, tu me pardonnes ?
– Évidemment.
Nous marchons dans les rues et presque sans m'en rendre compte, nous nous dirigeons vers mon immeuble. Là, devant la porte d'entrée, nous restons figés quelques minutes. Je devrais prendre une initiative mais je n'y arrive pas. Est-ce que je dois l'embrasser ? Est-ce qu'il attend autre chose ? Réfléchir ne fait pas avancer la situation.
– Tu m'offres un dernier verre ?
C'est agaçant qu'il lise en moi comme dans un livre ouvert. En même temps, ça me facilite bien la tâche.