Nous ne savons même pas quelle heure il est lorsque nous nous réveillons. C'est un peu le principe des vacances que de se détacher du temps qui passe, de ne plus être obsédé par un planning, par des obligations.
– Bien dormi ?
Ce que j'adore avec Hervé c'est qu'il n'y a jamais aucune gêne entre nous. Nous avons tous les deux la gaule, parfaitement normale au réveil. Mais aucun n'a honte ou n'essaie de se cacher. Je peux l'admirer autant que je le veux.
– On se prépare pour la plage ?
Ce qui veut dire que nous allons d'abord laisser notre érection matinale passer avant d'enfiler nos shorts de bain, de prendre nos serviettes et d'aller explorer le bord de mer.
Il y a déjà quelques personnes mais puisque nous sommes au mois de septembre, nous allons éviter de nous sentir sur la plage comme dans les transports en commun, serrés comme des sardines. Nous pouvons choisir notre emplacement et savons que nous ne serons pas dérangés. Le soleil au moins est avec nous, il fait encore chaud, nous allons pouvoir bronzer et profiter pleinement de ces petites vacances. Évidemment, notre premier réflexe est d'aller dans l'eau, on ne peut pas résister à la mer quand on l'a face à nous.
– On nage jusqu'à la bouée ?
C'est une autre caractéristique de notre amitié. Nous aimons bien nous lancer des défis. Des sortes de compétitions juste entre nous. Donc il n'y a pas réellement de vainqueur et de perdant, c'est juste une façon de s'amuser et d'entretenir une sorte d'émulation. Je sais qu'Hervé est plus doué que moi à la nage et qu'il arrivera le premier à la bouée. Je donne tout ce que j'ai et, de son côté, il ralentit pour ne pas totalement me distancer. C'est pour ça qu'il ne s'agit pas d'une compétition, il ne faut pas écraser l'autre, mais partager une activité.
Et puis nous passons un moment allongés sur nos serviettes. Nous devons revenir avec la peau bronzée, sinon ce sera la honte devant nos amis. Quand on revient de vacances il faut des marques de bronzage pour prouver que l'on a bien profité.
– Salut, les mecs.
Deux autres jeunes se sont approchés sans que nous les entendions. Ils ne s'encombrent pas de formules de politesse mais finalement nous ne sommes pas là pour ça.
– Vous jouez au ping-pong ?
Pas vraiment. La dernière fois que nous avons joué c'était il y a au moins deux ans. Sauf qu'il faut bien remplir nos journées avec des divertissements donc nous allons accepter la proposition.
Nous jouons en double. Personne ne s'est rhabillé, nous disputerons la partie juste en short de bain. Les deux autres sont assez bien foutus, mais c'est quand même le corps d'Hervé que je préfère. De mon propre corps, j'ai un peu honte. Je ne sais pas pourquoi mais je n'arrive pas à être aussi parfait que je le voudrais. Pourtant, lorsque je fais du sport c'est forcément avec Hervé. Nous faisons exactement la même chose, que ce soit à la course ou à la salle de musculation. Mais pendant que lui arrive à se dessiner des jolis pectoraux et des beaux abdominaux, moi je conserve une couche de graisse que je déteste. Nous mangeons pratiquement la même chose, l'effet est différent. Lui peut s'avaler un McDo tous les jours sans prendre un gramme (j'exagère). Moi, le simple fait de penser à du chocolat je prends dix kilos (j'exagère aussi).
Hervé me répète que mon corps est magnifique. Pour lui ce n'est pas une technique de drague ou pour me flatter. C'est juste une façon pour mon meilleur ami de m'encourager et de faire en sorte que j'ai une bonne image de moi-même.
– Putain !
Je sais, je ne suis pas très crédible au ping-pong. Il y en a qui sont rapidement doués pour n'importe quel sport. Moi je suis limité à quelques activités et tout le reste, je n'arrive pas à maîtriser. Je n'aime pas être nul quand je joue avec Hervé, je déteste quand il se met en colère contre moi. Mais c'est juste parce que c'est un gagnant qui déteste plus que tout perdre ! Je fais de mon mieux.
– Sympa cette partie.
Les deux autres sont contents d'avoir trouvé des partenaires. Nous aussi, finalement. Enfin, moi je ne suis pas spécialement sociable. Si je pouvais passer toutes les vacances juste avec mon meilleur ami, je serais le plus heureux. Si ce n'était pas pour Hervé, je crois que je ne parlerais à personne d'autre.
Nous revenons sur nos serviettes. Il y a un peu plus de monde et Hervé fait, comme d'habitude, des commentaires sur les filles qui passent. Elles sont jolies, effectivement, dans leurs petits bikinis. Mais si lui les regarde avec envie, si ça l'excite, moi je reste totalement de marbre. Je fais quand même mine de m'y intéresser, je joue la comédie pour ne pas être démasqué. Parce que je ne sais toujours pas si mon meilleur ami a compris ou non que je préfère les hommes. Peut-être qu'il en est déjà convaincu, peut-être qu'il ne se rend compte de rien. Je crois bien que c'est le seul sujet que nous n'aborderons jamais.
– Regarde ces deux filles, on va leur parler ?
Il se met en mode drague. Je l'accompagne, une fois de plus pour donner le change. Lui, c'est un séducteur, il ne lui faut pas longtemps pour qu'une des deux filles succombe. De mon côté, je discute avec l'autre. Elle est sympa et drôle, elle ne semble pas voir que je ne fais que semblant de la draguer. Je sais d'avance comment cette situation va se terminer et je n'apprécie pas que, dès le premier jour, Hervé tombe amoureux. Une amourette de vacances, c'est déjà trop.