Ce soir, je dîne seul avec Hervé. Nous avons quand même encore des moments rien qu'à nous, c'est important, j'ai besoin de rester proche de lui. Et j'espère bien que rien ne pourra jamais nous séparer.
– Tu ne dis rien.
Normalement c'est lui qui parle le plus. Mais ce soir, il n'a pas encore décroché un mot.
– Tu es bizarre depuis notre plan exhibe.
– Ouais, désolé, ça m'a perturbé plus que je ne le pensais.
– Tu sais que tu peux me parler.
Depuis notre plus jeune âge nous nous confions tout. J'ai conscience que c'est plus difficile maintenant, surtout que nous sommes allés très loin. Et puis, il est sans doute plus compliqué de me parler parce que je suis désormais au centre de ses préoccupations.
– Je me demande si c'est normal.
J'attends un peu pour savoir de quoi il parle, puisque nous avons fait beaucoup de choses qui, pour le monde extérieur, sont considérées comme « anormales ».
– J'ai été super excité en vous regardant. Pourtant je suis hétéro à cent pour cent.
– Je crois que ça n'a rien à voir. C'était comme un porno, tu as observé deux personnes faisant l'amour et du coup tu as été chauffé, je pense que c'est naturel.
– Tu n'étais pas dans ma tête !
Je le sens sur la défensive. Je ne l'ai jamais connu comme ça, aussi froid envers moi. Ce que je craignais est peut-être arrivé, cette expérience a sans doute brisé quelque chose. J'aurais dû penser qu'il serait perturbé.
– Je ne sais pas si je peux te le dire.
– Ce serait bien la première fois que tu n'oserais pas te confier.
– Tu vas me juger.
– Qu'est-ce que tu racontes ? Est-ce que je t'ai déjà jugé ?
Je commence à avoir peur, l'annonce doit être grave pour qu'il prenne tellement de précautions. Je le regarde droit dans les yeux. Lui essaie de ne surtout pas me fixer.
– J'ai un peu menti. J'avais envie de participer, mais de manière plus... radicale.
– Continue.
Je sais que la partie est gagnée puisqu'il a commencé à s'ouvrir, maintenant il ira jusqu'au bout.
– J'aurais voulu être à la place de Florent !
Je n'en reviens pas. Il aurait voulu être en moi. En fait je ne suis qu'à moitié choqué et surtout, la première chose que je me dis c'est que je voudrais aussi le sentir entre mes fesses.
– Je ne comprends pas pourquoi j'ai envie de ça. Si j'étais vraiment hétéro ça me dégoûterait, l'idée de faire l'amour avec un mec.
– Est-ce que tu te vois faire des folies avec Florent ?
– Non.
– Est-ce qu'à un seul moment tu as voulu qu'il s'occupe de toi ?
– Non.
Je pose ma main sur la sienne.
– Tu n'es pas en train de virer gay. Réfléchis, quand Florent t'a demandé si tu aurais voulu participer, ta seule réponse a été que tu aurais eu envie que je la prenne en bouche.
– Où est-ce que tu veux en venir ?
– Il n'y a pas deux personnes au monde plus proches que nous. On est déjà allé loin en matière de sexe, bien plus que des potes « normaux ». C'est avec moi que tu as envie d'aller plus loin.
Il lève enfin les yeux pour me regarder.
– C'est vrai, je n'observais que toi. M'imaginer avec Florent, ça me dégoûte. Pourtant c'est un beau mec. Mais quand je pense à franchir le pas, c'est uniquement avec toi.
– Notre amitié est très proche de ce qu'on ressent quand on est amoureux. Je crois que c'est logique que tu aies des envies quand tu penses à moi.
Je raconte n'importe quoi, si tous les meilleurs potes s'envoyaient en l'air ça se saurait.
– Je ne peux pas m'enlever ces images de la tête.
– Tu sais qu'il n'y a qu'un seul moyen pour se débarrasser de ce poids.
– Tu te laisserais faire ?
Mince, je ne pensais pas qu'il prendrait la proposition au sérieux, il serait donc vraiment prêt à aller beaucoup plus loin ?
– Bien sûr, entre potes on peut tout faire.
J'arrive à lui décrocher un sourire timide.
– Mais, en ce moment tu sors avec Florent, c'est délicat.
– Tu as compris qu'il est très ouvert d'esprit. On pourra lui en parler, pour voir sa réaction.
Il retire sa main. On dirait qu'il a honte de cette conversation. Il n'est peut-être pas encore totalement prêt. Évidemment je ne le forcerai à rien, mais maintenant qu'il m'a mis cette idée en tête...