Chapitre 64 « Comme une lettre à la poste »

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Ils étaient venus le chercher à peine quatre jours après le mariage. Sur les six mois de prison, Hakim allait donc en faire trois. C'était bien trop à mon goût, et au goût de tous les gars.

Je n'avais pas vécu un tel vide depuis la mort de ma grand-mère. Je ne supportais pas l'idée de le savoir en maison d'arrêt. Chaque jour en me levant, en allant à l'Opéra, en dansant, le soir sur scène, en rentrant chez lui, je m'imaginais ce qu'il était en train de faire et la seule réponse qui me venait c'était : rien.

Ce qui me rendait folle c'est qu'il était à la Santé, soit à même pas quinze minutes de son appartement, c'était affreusement frustrant. Nous étions plusieurs à avoir obtenu des permis de visites mais il n'était pas autorisé à en recevoir plus de trois par semaine, donc c'était un système de roulement. Hakim avait plaisanté en disant qu'après tout, passer par la Santé était assez classique pour les rappeurs, Joey Starr, Seth Gueko, Booba, ils étaient plusieurs à y avoir fait un séjour.

Je le voyais presque tous les mardi, c'était mon jour de repos. Il gardait vraiment la même attitude neutre par rapport à tout cela et je restais assez distante pour ne pas rendre les séparations encore plus compliquées.

Ce fut le soir de la deuxième visite qu'Idriss m'appela, complètement paniqué.

— Maya, putain de merde on est à la maternité, Lucie va accoucher je suis pas bien.

— Port Royal ? demandai-je.

Il acquiesça, on avait l'impression que le ciel allait lui tomber sur la tête.

— J'arrive, je préviens les autres, Clem et Ken ont dû rentrer ce matin.

Je raccrochai et envoyai aussitôt un message à Clem pour la prévenir.

Ironie du sort, la maternité où naissait le neveu ou la nièce d'Hakim, se trouvait à tout juste cinq minutes à pieds de la prison, quelle frustration.

Une demie heure plus tard, je retrouvai Doums, 2zer, Ken et Clémentine, et la mère de Lucie dans un couloir de la clinique. Ils ne tenaient pas en place, tout le monde était bien trop pressé de savoir. C'était le bordel, ils parlaient trop fort, faisant des paris sur sur le sexe et le prénom.

J'étais pressée de savoir aussi, mais j'avais un peu mal au cœur en pensant à Hakim dans sa cellule à peine 1km plus loin.

— On aimerait tous qu'il soit là, me chuchota Ken, Je vais le voir demain, t'inquiète même pas que je vais lui montrer toutes les tofs du mioche.

Laissant échapper un soupir, je souris tristement à mon ami et il me pinça affectueusement la joue.

— T'inquiète Mayou, y'aura plein d'autres naissances.

Je plissai les yeux, un sourire béat venait de naître sur ses lèvres et je vis Clem le fusiller du regard. Mais alors que j'allais faire part de mes conclusions aux jeunes mariés, Doums me saisit par les épaules pour gueuler :

— Des urgences, des mariages, des naissances, des procès, des nuits blanches et des micro-siestes !

— Tous mes amis en ont dans le ventre mais ça ne se voit pas comme un déni d'grossesse ! hurla Clem pour lui répondre.

Et aussitôt, sans que je comprenne de quoi il s'agissait, tous les autres se mirent à chanter en chœur :

— C'est pour mes reufs, les vrais pas les faux, les frères pas les potes hey hey...

FélinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant