Chapitre 69 « Fais belek Namira »

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——Maya——

Deux mois plus tard

Hakim ! J'avais dit non putain, pourquoi tu m'écoutes jamais !?

Je venais tant bien que mal de me traîner dans le salon pour tester notre nouveau canapé. De toutes façons, je n'étais plus bonne qu'à cela, m'assoir.

Nous avions emménagé depuis deux jours et il m'imposait déjà ses goûts décoratifs plus que douteux.

— Y a un souci ? demanda-t-il en passant la tête dans l'entrebâillement de la porte.

— C'est quoi ces drapeaux ? Tu t'es cru à l'ONU ou quoi ?

Un sourire fier de lui naquit sur ses lèvres, il était tellement fatigant.

— Bah quoi, t'as dis que tu voulais qu'on s'identifie tous les deux dans notre appart non ?

Ah bah là... Il y avait de quoi s'identifier, effectivement.

Cinq putain de drapeaux, cinq. Algérien, Berbère, Français, Polonais, Égyptien. Un grand malade.

— Non mais Haks, on organise pas les jeux olympiques dans notre salon ! Vire moi tout ça et fissa ! Mon Dieu mais c'est pas possible un mec pareil.

Je pointai un doigt menaçant dans sa direction et il éclata de rire devant mon air sévère.

— Tu crois que j'ai peur d'une handicapée ?

Alors là !

Connard de rappeur.

Je venais à peine de me débarrasser de mon dernier plâtre et était toujours quasiment incapable de me déplacer seule. J'en avais marre, j'étais totalement dépendante des autres, moi la fille qui tenait le plus au monde à mon autonomie, j'avais besoin des autres pour tout, me doucher, me lever, me déplacer. Je vivais un enfer depuis que j'étais sortie de l'hôpital, heureusement j'avais des amis en or et surtout, j'avais Hakim.

— T'es vraiment qu'un sale con.

— Fais belek Namira, si j'm'en vais tu crèves de faim, de soif ou asphyxiée dans ta crasse.

Il ne me laissait aucun répit, à croire que se foutre de ma gueule l'aidait à supporter le fait d'avoir une fiancée handicapée.

— Je répète, t'es qu'un sale con.

Je tentai de lui lancer une manette de PlayStation dans la figure mais une violente douleur au niveau de la cicatrice de mon opération intercepta mon geste et j'étouffai un gémissement.

Hakim changea de couleur.

— Nam, ça va ?

D'un hochement de tête, je le rassurai et me lassai retomber dans le canapé. Mon Dieu que c'était dur à vivre, j'avais toujours eu l'habitude de pouvoir faire de mon corps ce que je voulais, souple, musclée et agile je me retrouvais sans aucune force et maîtrise de mes mouvements.
Je n'avais pas un caractère qui me poussais à me plaindre et je refusais d'être un poids encore plus important pour les autres. Mais il y avait vraiment des moments où j'avais envie de fondre en larmes et d'hurler ma frustration.

FélinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant