|Le Choix|

7. (Julie)

Des mouvements, des cris. Que se passe t-il ? Ah oui putain ! J'ouvre les yeux, bousculée par Sophia à ma gauche... Sophia. Elle a tué Marc. Je le pense du plus profond de mon coeur. Il n'a pas pu glissé seul et elle est la seule à avoir une raison valable de le tuer. Je vois alors le chauve au regard de psychopathe qui regarde notre groupe, debout au milieu de la pièce tandis que nous sommes attachés et je me mets à crier. Crier d'une force insoutenable. Le clown... Il m'a retrouvé. Non. Je dois me calmer, ce n'est pas le clown. C'est sans doutes l'esprit du clown... Je l'entends parler, ce démon, mais je ne l'entends pas à travers mes cris, nos cris. La lumière est définitivement aveuglante dans cette pièce. J'ai envie de faire tellement de choses à la fois, je veux regarder les visages de chacun des membres de notre groupe réduit, et lire dans leurs pensées. Connaître par coeur leurs sentiments... Mais je ne peux pas, je n'ai pas la force de tourner la tête. Marc. Je dois le regarder. Je trouve je ne sais où la force de regarder son corps. Toujours aussi beau même dans la mort... Soudain, j'entends des coups de feu et du sang gicle du cadavre dans toutes la pièce. J'en ai un peu sur mes vêtement... Un peu de Marc.

Je reste tétanisée. Je ne comprends pas ses motivations. Putain, qu'est ce que j'ai fais au destin pour subir autant de choses dans ma misérable vie. Il commence à parler, je n'entends pas ce qu'il dit mais je me force à intervenir, tenter le tout pour le tout en utilisant les ultimes forces que j'ai :
- Monsieur nous n'avons pas d'argent, je vous...
- Ferme ta gueule et écoute !
Il ma coupé si brusquement que je sursaute et manque de fondre de nouveau en larmes. Non. Je dois me montrer forte. Ne pas lui montrer le mal qu'il me fait est déjà une victoire en soit. Je ne rajoute rien et il parle :
- Je disais donc, je suis Victor. Votre plus grand cauchemar pour vous servir.
Il s'incline. Victor... C'est donc cette personne qu'à choisi le clown pour contenir son esprit. Il prend son sac et déverse le contenu au sol. Je vois avec horreur un pistolet équipé d'un silencieux, sans doutes celui avec lequel il a tiré sur Marc, un couteau et le reste de la corde qui me bloque.

Il reprend de plus belle :
- Vous avez... Vous avez fait une erreur. Une grave erreur !
Il se met à rire, d'un rire puissant, psychotique et terrifiant, avant de continuer, tandis que les larmes coulent de nouveau sur mon visage sans que je ne puisse rien y faire :
- Et vous allez le payer. C'est relativement simple. Devant vous se trouve un morceau de papier.
Il dit vrai, je baisse les yeux et aperçois un bout de feuille blanche.
- Le premier de la chaîne a le crayon pour l'instant.
Il montre du doigt Anthony et je trouve la force de me pencher en avant, du moins, autant que la corde me le permet et de le regarder. Il a saisit le crayon et se demande surement ce qu'il doit en faire. Il semble perdu et j'ai une envie profonde de le prendre dans mes bras. Pas seulement pour lui, mais pour moi, j'ai une envie profondément égoïste, à l'opposée de tout ce que m'a appris ma mère, de donner ma douleur à quelqu'un. D'échanger de places. J'ai vécu tellement de choses horribles que ça a détruit tous mes principes. Je n'ai pas réellement besoin de ma vie au fond... Je crois que j'ai des tendances suicidaires... Bordel, ressaisis toi ! Tout va aller pour le mieux à partir de maintenant ! Je me disais ça aussi avant aujourd'hui. Le suicide n'est pas la solution. Le suicide n'est pas la solution... Et pourtant...

- Vous avez de la chance, un seul d'entre vous va mourir aujourd'hui, du moins normalement.
Des frissons parcourent mon corps quand j'entends ces mots. Je n'ai plus beaucoup d'énergie, épuisée physiquement et mentalement. Il pointe de nouveau Anthony du doigt, lui expliquant sa lourde tâche, telle Dieu au prophète :
- Tu vas marquer le nom d'un de tes amis sur ce papier, puis, faire passer le crayon, choisissez bien car celui qui récoltera le plus de voix sera tué sur le champ...
Non. Tout mais pas ça. Je proteste en même temps que les autres, criant, mais réussissant à résister aux larmes. Je vois Victor lever son arme et tirer sur le mur juste derrière nous. Je me tais. Je redoute la mort... Du moins pour l'instant.
- Réfléchissez bien à ce choix, c'est probablement le choix le plus important que vous aurez à faire dans votre vie.
Je ne trouve pas la force de dire quoi que ce soit et je vois Victor marcher dans la pièce. Je regarde les visages de mes compagnons dans cette descente aux enfers. Un par un. Anthony. Jacob. Ainsi que, de l'autre côté. Sophia. Une question nous traverse tous à ce moment précis, tandis que nous ne réalisons sans doutes pas encore bien ce qui est en train de nous arriver. Un d'entre nous va mourir sans que nous ne puissions rien y faire, et la question est : qui ? Au final, je pense qu'une question pire vient de naître dans ma tête : qui vais-je inscrire sur mon propre papier ? Vais-je m'inscrire moi même, étant donné mes pulsions suicidaires récentes ou tout du moins ce que j'identifie comme cela. Cette envie de ne plus avoir à supporter le fait de vivre. De vouloir voir la nuit se coucher définitivement, sans laisser de place au jour. Un tombeau... Est ce que je ne vais pas trouver la force d'inscrire quelqu'un et laisser mon papier vide ? C'est sans doutes la meilleure solution...

Victor répond finalement, sans le savoir, à ma question muette :
- Vous n'avez pas le droit de vous inscrire vous même, si la même personne est désignée quatre fois, je saurai que vous avez triché et vous mourrez tous les quatre. Si vous n'inscrivez personne ou bien que vous inscrivez quelqu'un qui n'est pas un de vous quatre, vous mourrez tous les quatre... Est-ce que c'est clair ?
Je comprends alors pour que, nous n'avons aucun autres moyens de sortir de cette situation... Nous devons lui obéir. Anthony ne semble pas vouloir et je me force à l'encourager dans ce choix macabre :
- Allez Antho, on a pas le choix.
Sans que je ne puisse la contrôler, ma voix se brise en milles morceaux au milieu de ma phrase. Je pleure de nouveau à chaudes larmes et j'entends Sophia sangloter également à mes côtés. Alors, je comprends. Je comprends pour qui je vais voter. Je ne peux pas me décider à inscrire le nom des deux garçons, et mettre le mien ou ne mettre personne pourrait nous condamner à une mort certaine... La seule et dernière solution est de voter pour Sophia, celle qui a eu des rapports au débuts consentis avec Marc, mon amour, le mien. Elle l'a peut être également tué par la suite, à moins que ce ne soit ce monstre de Victor, la réincarnation du clown. J'entends Antho et Jacob parler mais je n'arrive pas à me concentrer sur ce qu'ils disent... J'ai fait mon choix. Je tourne la tête et voit Anthony donner le crayon à Jacob.