Chapitre 37

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E L E A N E

Paris

- Je t'invite, Fram'.

- Quoi ? Impossible, meuf.

- J'y tiens.

- Moi aussi.

- Idriss...

- Eléane...

- T'es un gamin, tout de même.

- Tu imagines la tête du serveur, s'il voit que c'est la femme qui paye l'addition, et non l'homme ? J'aurais pas l'air fin, ironise-t-il.

- Tu aurais dû m'emmener dans notre restaurant habituel, dans ce cas, continuée-je, sur la même lancée.

Mais mes dires lui sont interprétées différemment, et il sourit :

- Moane s'inquiète-t-elle pour le compte bancaire de son meilleur ami ? C'est tout choupi, ça ! Il ne vaut mieux pas qu'elle sache qu'après avoir payé, je me compte me nourrir exclusivement de patates jusqu'à la fin du mois !

Je sais qu'il rigole, mais c'est en effet pour cela que savoir qu'il compte payer me gêne. Ce restaurant est très cher, assez gastronomique, et pour couronner le tout, à deux pas de la Tour Eiffel ! Cela explique donc le prix exorbitant de trente-deux euros pour une simple salade César, par exemple.

- Je paye ma part, et tu payes la tienne ? J'y tiens, Idriss.

- Tu es usante. Comment Baptiste faisait-il pour te supporter ?

Mon fin sourire s'estompe, à l'image de mon ex. Son sourire et ses prunelles font surface dans mon esprit. Je le vois repousser sa mèche derrière son oreille d'une façon qui m'a toujours fait craquer. Mais étrangement, son visage est troublé par l'apparition de Ken.

Ils se confondent dans mon esprit et je me rend compte qu'il se ressemble un peu plus que je ne le pensais.

Leurs cheveux bruns, le grain de beauté de Ken sur la joue, sur la tempe pour Baptiste.

Leurs sourires respectifs si différents mais si semblables à la fois. Les fossettes de Ken qui se creusent lorsqu'il exécute ce petit sourire, et les traits de Baptiste lorsqu'il réfléchit.

Je reviens subitement à la réalité lorsqu'une jeune fille viennent interrompre notre petite chamaillerie.

- Moane ? Mon dieu, je n'y crois pas ! Tu es ma chanteuse préférée, je t'admire tellement ! Oh, là, là, on peut prendre une photo ? Mes copines vont tellement être jalouses, on t'aimes toutes !

Je rigole face à jeune demoiselle au carré brun, et je lui réponds gentiment. Cette dénommée Chiara s'avère être une vraie pile électrique !

Nous discutons encore quelques instants, avant qu'elle ne s'en aille rejoindre ses parents à une table un peu plus loin. Je la regarde partir, un sourire sur les lèvres et me retourne enfin vers Framal qui n'est plus à sa place.

Je parcoure la salle d'un air distrait, me demandant où il a pu aller, le voyant enfin revenir, fier.

- J'ai payé, miss ! On peut y aller !

- Tu m'énerves, Akrour. Et je ne rigole pas !

- J'ai fait un numéro de charme à la go, elle m'a enlevé vingt euros. T'as ça, toi ?

J'éclate de rire, et c'est après avoir passé un bon moment que nous sortons du restaurant.

Nous nous baladons de bon cœur dans les rues de Paris, léchant les vitrines. Je rentre dans divers boutiques de mode, suivi par Fram', qui argumente et m'aide à choisir de nouveaux habits. Cette fois, j'arrive à lui acheter une chemise qui je cite "ça ne sert à rien, je ne la mettrai jamais".

- Au moins, ça habillera ton armoire, répliquée-je.

Je passe en caisse et lui tends son sachet qu'il tient de sa main.

- Je ne comprendrai jamais l'attachement que vous avez pour les sachets. Vous adorez les collectionner lors d'une journée shopping et les montrer à tous les passants ! Moi, je range le plus petit dans celui le plus grand, c'est beaucoup moins encombrant !

- La différence entre un homme et une femme, j'imagine. Pour le coup, je suis d'accord avec toi. Car dans la rue, nous croisons toutes sortes de personnes, venant de différents milieux sociaux. Donc, j'avoue qu'en se promenant avec un sachet Gucci et Suprême, cela pourrait, d'une certaine manière, "dénigrer" les autres qui n'ont pas les moyens d'acheter des vêtements d'une telle valeur.

- C'est sans doute l'une des nombreuses raisons pour laquelle tu es autant apprécier, et que ton public est aussi grand. Tu es dotée d'une vision du monde et humaine si belle et inexplicable que cela te rend encore plus belle. Je te connais bien, Eléane, et je sais ce petit pincement au cœur que tu ressens en voyant une simple personne atteinte d'un handicap, ou d'une maladie quelconque. Je suis aussi, sans m'en venter, l'un des mieux placés pour savoir que tu as pas besoin de ça pour t'exprimer, quand tu vois des pauvres sur la chaussée.

Je passe ma langue sur mes lèvres, songeuse aux paroles de l'Algérien. Je connais Framal depuis plusieurs années maintenant, et dès mon arrivée dans le groupe, il a tout de suite été l'une des personnes les plus proches de moi. Nous avions tout de suite eu cette connexion et cette proximité entre nous. C'est ce qui rend notre amitié si belle et unique que je ne veux perdre pour rien au monde.

C'est aussi ça pour moi, la définition d'un véritable ami.

Pouvoir être séparé sans que rien ne change.

C'est un peu ce que nous avions involontairement testés à mon départ. Depuis mon retour dans le groupe, rien n'a changé avec Idriss. Au contraire, notre amitié s'est encore renforcée.

Il ne le sait pas, mais sans lui, je ne serais pas la Eléane que je suis aujourd'hui. Il a beaucoup changé ma façon d'être, de penser et d'imaginer.

- Eléane, n'oublie jamais d'où tu viens, ni qui a fait de toi ce que tu es devenu aujourd'hui.

- Si je m'appelle Moane, c'est parce que je n'ai pas envie d'oublier, Fram'.

Il m'adresse un sourire peiné et me prend dans ses bras.

Déshonneur X NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant