Chapitre 29

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E L É A N E

Paris

Onze heures vingt-quatre, un samedi matin. Attablée autour d'une table d'un café parisien dans le premier arrondissement, j'observe les rayons du soleil réchauffer ce temps automnal à travers la vitre, guettant les touristes et les passants profiter de ce brin de chaleur.

Un café devant moi, j'écoute d'une oreille distraite ce que me disent Adèle, Clémence et Carla.

Ces deux premières m'ont contacté dans la semaine, Clémence ayant dit à Adèle ce qu'il s'est passé avec Baptiste.

Elles m'ont gentiment proposé de passer un peu de temps avec elles, et de, pourquoi pas, emmener Carla afin qu'elles fassent un peu plus connaissance.

J'ai directement accepté, trouvant cette proposition alléchante, Carla étant enchanté de les rencontrer.

C'est vrai que, cette semaine, je n'ai pas été au top de ma forme, ressassant sans cesse la main de Baptiste s'affaisser sur ma joue, d'une manière brutale.

La tristesse et la manière dont j'ai encaissé le choc de ma rupture avec Baptiste a été différente de celle avec Ken il y a deux ans de cela.

Pour Baptiste, j'ai continué de sortir, je n'ai pas couper contact avec le monde. Avec Baptiste j'ai continué de vivre.

Avec Ken, ç'a était le contraire. Avec lui, je suis restée cloîtrée chez moi à me morfondre et m'apitoyer sur mon sort, tout en étant très inspirée pour mes sons.

Alors que pour Baptiste, je n'arrivais à aligner aucune phrase, je ne trouvais pas les bons mots ni même l'idée ou l'inspiration.

Lui, je n'ai pas pris la peine de l'appeler, mais, comme avec Ken, j'ai ignoré ses appels.

- Eléane, tu nous écoute ?

- Hein ? Oh, pardon. J'étais... perdue dans mes pensées.

- Je vois ça, me sourit l'actrice. J'étais en train de faire une blague.

Je croise son regard, luisant de malice, et lui affiche un sourire sincère. Je sais qu'elle se souvient à quel point j'adore les blagues, et avec quelle facilité j'arrive à les retenir.

- Vas-y, fais-la moi ! m'enthousiasmé-je.

- Toc, toc.

- Qui est là ? demandé-je.

- Arnaud.

- Arnaud qui ?

- Arnaud actes manqués !

J'éclate de rire, en basculant ma tête en arrière, plaçant correctement mon dos dans le dossier de ma chaise. Je frappe dans mes mains, riant de bon cœur de cette blague, si nulle soit-elle.

K E N

Je rentre dans ce café, accompagné de plusieurs de mes reufs, attirés par ce fou rire communicatif et joyeux, qui m'est familier.

Ce genre de rire franc que j'aime tant entendre, surtout lorsque c'est à cause de moi que je l'entends rire ainsi.

Je me mets à sourire comme un con, restant planté dans l'entrée de ce café, la porte ouverte,  zieutant la salle, mi-pleine, à la recherche de l'utilisateur de ce rire si soyeux.

Mes yeux restent bloqués sur elle, la voyant, de dos à moi, ses cheveux flottant dans le dossier de sa chaise, ses jambes, repliées sur elles-mêmes, comme toutes les femmes ont tendance à le faire.

Elle est accompagnée de Clémence, Adèle et d'une autre jeune femme de leur âge, dont j'ignore le prénom, mais que j'ai bien l'intention de découvrir.

- Oh, regardez, il y nos p'tites go' là-bas ! s'écrit Framal en se dirigeant vers la table que j'étais en train d'observer.

Suivi de près par Deen et Sneazzy, je suis Framal à la trace, et l'écoute saluer les filles.

- Salut ! Moi, c'est Carla, se présente celle dont j'ignorai le prénom, à la gauche d'Eléane.

Cette dernière se lève, et j'observe avec attention son squelette se jeter dans les bras de mon reuf' aux cheveux bouclés.

Ils ont toujours été très proches, bien trop tactiles à mon goût, mais je n'ai jamais rien dit, ne voulant pas créer de tension au centre de notre groupe d'amis.

Je n'ai pas à être jaloux de Framal, pas de lui, on est bien trop proche pour ça, mais lorsqu'il s'agit d'Eléane, tout est toujours différent.

Il place sa main gauche dans le dos de la chanteuse, l'autre sur ses côtes.

Il fronce les sourcils et recule de quelques pas, balbutiant :

- Mais, Eléane, tu... on sent tes côtes.

Elle baisse les yeux, croisant ses jambes et ses bras autour d'elle.

- Euh, ouais. Un peu.

- Plus qu'un peu, Eléane. À l'époque, tu n'étais pas comme ça, tu as...

- Oh, c'est bon ! Tais-toi un peu, là. Je connais mieux mon corps que toi, je te rappelle.

Framal dit vrai. Inconsciemment, je me rappelle de cette soirée, il y a presque quinze jours, à Londres, où nous avions failli déraper.

La pièce était sombre, elle était trop proche de moi, nous étions trop gênés, trop dans la confusion pour que nous avions réellement pu profiter, mais je me souviens de son bassin si maigre, ses côtes qu'on sentait, bien plus qu'on ne le devrait. Ses hanches et ses jambes trop fines. Les os de sa nuque et ses veines qui ressortent bien trop.

- Désolé, t'as raison. Excuse-moi.

- Ouais, dit-elle.

- Tu as tes règles ? intervient Deen.

- Non ! réponds-t-elle, catégoriquement.

- Carla, je te présente, Deen, mon copain, Ken, que tu as dû reconnaître, dis Adèle malicieusement, Mohamed et Framal.

- Bah, moi, c'est Carla, se présente-t-elle une nouvelle fois.

- Vous voulez vous asseoir avec nous ? questionne Clémence.

On acquiesce et déplaçons une table voisine pour la coller à celle des filles.

Les garçons s'asseyent rapidement, et la seule place restante est celle à côté de mon ex.

C'est en croisant le regard de Deen en face de moi que je comprends qu'ils l'ont fait exprès.

Je lève les yeux au ciel, en souriant, faisant résonner le rire de Deen dans la pièce.

- Pourquoi rigole-t-il ? me demande curieusement Eléane.

Je tourne le regard vers elle, et je la dévisage rapidement. Des poches de cernes en-dessous de ses yeux se font ressentir sur son visage au teint, plus pâle qu'habituellement.

La trace de la main de Baptiste n'est plus là, mais la connaissant bien, je sais bien que les séquelles que ça a laissé dans sa petite tête sont nombreuses et lourdes.

- Il est con, c'est tout.

- Ah.

Elle observe le marseillais avec insistance avant de se concentrer sur son café et de le boire d'une traite.

Déshonneur X NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant