Prologue

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31 janvier 2018

— Pourquoi ? gémit-elle en se recroquevillant sur elle-même.

Un nouveau spasme l'empêcha de respirer. Meika ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. C'était si brutal. Elle n'entendit ni sa grand-mère qui criait, ni les secours qui arrivaient. Ses genoux repliés sur elle-même la gardaient dans sa bulle.

Un cœur trop vieux pour combattre la mort à mains nues.

Elle avait été là, dans la pièce d'à côté, occupée à décrypter ses derniers mots. Ses poumons ne se remplissaient pas assez : elle suffoquait. Quand ses émotions ne réussissaient pas à s'exprimer, elles se métamorphosaient en douleurs physiques. Le toucher était l'unique sens qui parvenait à l'atteindre, le reste était comme éteint, afin de la protéger de ses regards. Oh oui, ses yeux remplis de rancœur, qui ne pouvaient s'empêcher de s'attarder sur sa petite-fille.

Une couverture se posa sur les épaules de l'adolescente statique. Les paroles du sapeur-pompier heurtaient un mur. Ses cheveux roux faisaient tache dans ce tableau lugubre. Il n'avait pas encore pris l'habitude de voir toutes ces pupilles éteintes.

— Installez-vous sur le canapé, murmura Nathanaël, en la forçant à se lever.

Telle une poupée de chiffon, elle se laissa guider. Elle s'arrêta un instant devant le fauteuil roulant désormais vide. Ils avaient récupéré son corps une heure plus tôt. Elle avait la sensation que cette journée ne se terminerait jamais. Le garçon sentit ses frissons à travers son gilet.

La propriétaire de cette maison n'était pas dans un meilleur état. Elle s'avança avec précipitation dans le salon, ses larmes tranchant sa figure. Cet air désespéré renforçait les creux de sa peau, lui donnant quelques années de plus. Elle se dirigea vers Meika d'un pas décidé. Un oiseau croassa et le jeune homme sortit de sa torpeur. Il fit reculer la veuve, avant qu'elle ne fît une erreur. Son amant l'avait quitté et Meika n'était en aucun cas responsable.

C'était de ma faute.

Solange avait tellement peur, qu'elle en perdait la raison. Le jeune homme se retourna brusquement quand un coup de bec se propulsa contre la vitre. Ses poils se hérissèrent, cette sensation lui était désormais familière. Cette seconde tension électrique fit comprendre au rouquin qu'il n'était plus le bienvenu dans cette demeure.

Un changement de plan, une nouvelle porte de sortie.

George était là, sous une autre forme bien sûr. Il ne pourra plus jamais revenir dans son corps. C'était un aller sans retour dans le monde des esprits, pour ce vieil homme. Condamné à regarder sa famille se détruire, il ne pouvait qu'assister à la scène, invisible aux yeux du monde. Deux personnes dans cette pièce pourraient voir son ombre se glisser derrière la vitre : l'une se pelotait dans une fine couche de laine et l'autre serrait nerveusement la manche de son uniforme de pompier. George savait qu'à partir de ce soir, Meika ne serait plus en sécurité.


Ça n'a pas marché sur lui, recommençons sur elle.

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant