Chapitre-11 :

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Présent-8 avril 2018

Meika ne put se poser cinq minutes, son cerveau tournait à plein régime. Cependant, elle parvenait durant plusieurs heures à se vider l'esprit. Elle était obligée de faire cela, sinon elle deviendrait folle. Elle prenait conscience seulement maintenant à quel point une journée était longue. Toutes ces heures de sommeil lui manquaient. Elle pensait sans cesse à la rencontre avec Nathanaël. Rory lui avait faussé compagnie après son annonce, lui laissant le loisir de se ronger les freins seule. Il était allé le prévenir.

Le pompier volontaire devait finir son tour de garde à six heures du matin. L'horloge affichait seulement cinq heures trente... Les aiguilles avançaient trop lentement selon elle. Rory apparut enfin dans la pièce, rayonnant. Il lui indiqua le lieu de leur rencontre.

— Es-tu sûr qu'il sera là ? Et comment peux-tu parler avec lui ?

Son interrogatoire se poursuivit dans les couloirs. Son débit de paroles était anormalement élevé. Elle possédait enfin l'opportunité de s'adresser à quelqu'un d'autre, après ces douze jours coupée du monde. Ils se dirigèrent vers les urgences, où les chaises manquaient à l'appel.

Le portrait craché de Rory se dressa au loin. La maturité modifiait ses traits. Ses yeux marron s'écarquillèrent et se verrouillèrent sur le duo. Machinalement, elle jeta un coup d'œil derrière elle et son cerveau se décida à faire le lien. Un maigre sourire se dessina sur ses lèvres et il le lui rendit. Puis l'ironie du sort vint frapper à sa porte : elle cherchait à sociabiliser alors qu'elle ne discutait qu'avec des enfants. Lui aussi semblait avoir pris conscience d'une chose car ses joues creuses retombèrent. Il attrapa son téléphone et fit semblant d'être en appel, tout en regardant Rory.

— Est-elle morte ? On l'a ramené il y a presque deux semaines ici.

Ses propos crus la déstabilisèrent.

— Non. Viens, on va dehors, invita Rory.

Ils ne passèrent pas au même endroit, si bien que le trajet lui permit de reprendre son souffle.

— Tu ne lui as pas dit qui j'étais ?

Il ne répondit pas et se contenta de traverser une nouvelle cloison. Les lampadaires projetaient des ombres inquiétantes sur le sol. Le soleil ne s'était pas encore levé et Meika s'étonna de ne pas ressentir la véritable fraîcheur. Elle était vêtue de sa tenue d'hôpital. D'ailleurs, Rory portait toujours les mêmes habits. Elle reconnut le pompier qui se dirigeait d'un pas pressé vers eux. Il la salua, mais restait assez distant.

— Elle est dans le coma, expliqua Rory, inconscient de la tension qui régnait. Elle voulait parler à quelqu'un et...

Meika restait silencieuse, elle ne se sentait pas trop à l'aise avec lui. Il la fixait intensément. Cette impression d'être jaugée ne l'incitait pas à discuter avec lui. Il tourna la tête.

— Pourquoi restes-tu avec elle ?

Sa méfiance la fit froid dans le dos.

— C'est mon amie.

Elle l'analysa à son tour. Il était beaucoup plus cordial dans ses souvenirs. Nathanaël jouait un rôle, celui de l'aîné protecteur. Il l'incita à prendre part mais elle baissa les yeux. Elle se trouvait pathétique.

— Tu es la muette du bar, se rappela-t-il.

— Mais non, t'as pas compris ! Elle parle juste pas aux grandes personnes, intervint le jeunot, exaspéré.

Il s'approcha d'elle et passa son bras à travers son ventre. Elle sursauta et le fusilla du regard.

« Calme-toi, je voulais juste vérifier, pensa-t-il en remettant une distance convenable. Ce n'est pas censé être comme ça... »

Leurs visages montrèrent leur surprise.

« Meika ?

— Arrête tout de suite de faire ça, tu n'as pas le droit, ordonna-t-elle. »

Tout se passait dans leur tête et aucun son n'avait tranché l'air. À présent, c'était à Meika de se montrer sur la défensive.

« Mais je ne fais rien ! se défendit-il en levant les mains. »


Le garçon les observait un à un.

« Je croyais que mon esprit était imperméable. »

Ses nerfs lâchaient, elle avait vu tant de choses insensées, rien n'aurait pu l'étonner. Maintenant, elle était télépathe.

« Ce n'est pas exactement ça, on lit dans les pensées de l'autre, rectifia-t-il.

— Oh arrête de dévoiler ta science ! »

La phrase avait filé tellement vite, elle ne contrôlait plus rien.

— Dis-moi, est-ce tu peux lire dans son esprit ? demanda l'aîné à son frère.

Tout était suspendu, la situation n'était pas du tout ce qu'elle avait imaginé. Alors qu'elle espérait retrouver le Nathanaël, souriant et faisant des blagues, elle se retrouvait en face d'une personne hostile et qui pouvait tout savoir d'elle.

— Bah non, répondit Rory, comme si c'était une évidence. Meika non plus. Mais pourquoi vous êtes énervés ?

Elle se frotta les yeux, lui parler l'avait vidée de toute son énergie. Cela ne servait à rien de se mettre en colère. Puis cette interdiction de parler avec des adultes, cela l'aiderait pas à trouver des réponses. Rory était tout aussi étonné quand il apprit le lien qui les unissait.

— Comme tu le vois, je ne suis pas morte et j'aimerais comprendre comment ce monde fonctionne.

— Désolé, je viens d'enchaîner plusieurs heures de boulot, je suis sur les nerfs, s'excusa-t-il en se passant sa main sur sa figure, pour se réveiller.

Son sourire lui montra que les hostilités étaient terminées. Elle ne savait pas comment ils avaient pu en arriver là. Parfois, il était plus simple de rejeter sa colère sur son interlocuteur. Il s'assit sur un banc, éloigné des regards pour pouvoir parler.

— Vas-y pose-moi des questions, s'exclama-t-il en étendant ses jambes.

Ils communiquaient désormais par la voie plus traditionnelle, afin que Rory puisse les entendre.

— Tout d'abord, je souhaitais te remercier de m'avoir accompagnée pendant ma crise dans le bar et après la mort de George.

Elle ne voyait pas ses expressions car il était tapis dans la pénombre.

— J'ai fait mon boulot, c'est tout, dit-il d'un ton modeste. J'imagine que tu ne m'as pas fait venir pour ça.

— Ça fait longtemps que tu as ce don ? Et comment le vis-tu ?

Il s'installa correctement et se tritura les doigts. Il avait les mêmes manies que son frère. Ce dernier s'était mis en tailleur et était devenu silencieux.

— Deux ans. Après j'essaie de ne pas faire trop attention à tous ces fantômes, c'est vite fatiguant.

Meika trépignait d'impatience.

— Quand tu es venu dans la maison de ma grand-mère, as-tu vu George ? questionna-t-elle, pleine d'espoir.

Il acquiesça mais la calma tout de suite :

— J'ai juste senti sa présence autour de la maison. Il ne m'a rien dit.

Meika n'entendait plus ses pensées. Il avait comme fermé son esprit. Le pompier bâilla bruyamment, signe qu'il n'était plus apte à faire la conversation.

— Je reviendrais tout à l'heure, j'ai besoin de sommeil.

« Si moi je pouvais dormir... » pensa-t-elle avant de se rendre compte qu'il l'avait entendue. Il lui promit de revenir la voir. Lui aussi était curieux, il n'avait jamais vu ce genre de phénomène. Rory n'avait pas bougé de plus, il affichait une moue inquiète. Ses sourcils étaient joints, il avait oublié la présence de la jeune femme. Quand elle l'appela, il retrouva sa bonne humeur.

— T'as vu, il est gentil en vrai. Il avait peur pour moi, t'as pas à lui en vouloir.

L'empathie est si dure à trouver, quand le désespoir s'empare de nos pensées.

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Meika communique enfin avec quelqu'un de vivant ! De nouvelles perspectives s'ouvrent pour elle. Elle découvre un nouvel aspect de son don : la télépathie.

Comment se fait-il qu'ils parviennent à se parler entre eux ?

Pourquoi Nathanaël était-il autant sur les nerfs ?

Qu'est-ce que que le jeune pompier volontaire va pouvoir apporter à Meika ?

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant