Courir après la mort. [FINI]

Chapitre-28 :

Présent- 1 juin 2018

Meika était clouée au lit et alternait entre des nuits forcées et des journées hors du temps. Elle récupérait de ses escapades et de sa crise de panique. Nathanaël passait plusieurs fois durant la semaine dans la chambre mais en vue de son état, les conversations n'étaient point constructives. Ils ne reparlèrent pas de George et de ce qu'il avait fait à Rory. Ce dernier était revenu auprès d'elle, il discutait sans cesse de tout ce qu'il voyait dans le monde des esprits.

L'adolescente ne parvenait plus à réfléchir, la colère était le seul carburant qui la maintenait éveillée. Aujourd'hui, elle avait réussi à s'asseoir sur le côté du lit. L'élastique qui l'empêchait de sortir de l'hôpital était revenu mais désormais, si elle faisait un pas en dehors de la pièce, elle dormait pendant plusieurs heures. Son taux de fatigue augmentait après ses siestes prolongées. Chaque mouvement lui coûtait beaucoup trop d'énergie : ses forces lui manquaient.

Nathanaël expliquait avec passion sa formation pour devenir sapeur-pompier professionnel. Son grand-père avait pour une fois délaissé son magazine de mots croisés pour l'écouter. Rory avait les coudes sur le lit et lisait pour la dixième fois un article sur l'alcool. Son frère l'avait posé à sa demande et il n'y avait pas fait attention.

— Il veut devenir pompier à cause de moi.

Surprise, elle releva la tête, ses pieds fantomatiques touchèrent timidement le sol. En voulant avoir de la lumière, il avait provoqué un incendie. Les rêves de Nathanaël s'étaient encrés dans sa mémoire.

— Tu penses qu'il va être heureux ?

Ses yeux marron pétillaient d'espoir, il avait besoin de connaître la réponse.

— J'en suis sûre, il lui faut du temps pour accepter cette situation.

Le grand frère les écoutait d'une oreille attentive, tout en continuant de vanter sa future profession.

— Natha ne fait plus de cauchemar sur papa.

Meika grimaça, elle s'en voulait encore d'avoir empiété dans son intimité en s'insinuant dans ses songes.

— Il a compris pourquoi votre papa était en colère. Et toi pourquoi n'es-tu pas en colère contre George ?

Cela faisait des jours qu'elle espérait obtenir cette conversation avec lui. Son esprit n'était pas trop embrumé, elle saisit sa chance.

— Tu ne m'as pas dit que tu le connaissais.

La pièce retomba dans son silence de plomb. La voix de Nathanaël résonna avec force dans son crâne :

« Tais-toi bon sang. »

Elle l'ignora et adressa un regard compatissant au cadet.

— Tu as été manipulé.

Elle aurait pu le dire plus finement mais son mal de tête ne l'aidait pas. Les supplications de l'aîné l'agaçaient, elles résonnaient avec force dans son crâne, altérant ses réflexions.

« Pourquoi m'empêcher de lui dire ce qu'il sait déjà ? »

Baptiste apparut dans l'encadrement de la porte. Nathanaël salua le nouveau venu avec enthousiaste et appela Rory discrètement. La lycéenne protesta et ordonna au plus jeune des Clerc de rester avec elle. Elle tenta de les rejoindre mais elle en fut incapable. Elle dirigea son attention vers le barbu aux yeux verts et soupira. Il avait des cernes qui lui mangeaient la moitié de sa figure, la mort de son père adoptif avait fait fuir son habituel sourire.

Le pompier avait gagné pour cette fois mais elle souhaitait avoir la version du fantôme.

***

Malgré tout, rien n'évolua. Aucun médecin n'avait remarqué un changement, que ce soit pour la profondeur du coma ou un quelconque signe qui pourrait annoncer son réveil. Le mois de juin s'écoulait et Meika sombrait de plus en plus souvent dans les bras de Morphée. Même Rory ne parvenait pas à la distraire. De toute manière, les journées se ressemblaient toutes. C'était lorsque ses parents annonçaient la date, qu'elle se rendait compte que la semaine s'était terminée. Comment était-elle arrivée là ?