Présent- 26 mai 2018
Meika réussit à revenir dans la voiture à son plus grand étonnement. Elle avait mis plusieurs minutes pour récupérer un état normal, désormais, elle était déterminée. Son esprit devait se fermer, sans quoi, Nathanaël ne lui dévoilerait rien. Il ignorait superbement le fantôme et se contentait de hocher la tête à chaque intervention de la doyenne.
— Vide-moi ton sac mon petit, je crois que tu en as besoin, s'exclama Solange en se redressant.
L'adolescente se figea. Lui dira-t-il la vérité ? Les vitres s'abaissèrent et le vent glacé inonda la cabine. L'automobile avait dépassé la limite de vitesse autorisée dans ces routes de campagne. Il appuyait sur l'embrayage plus fort que nécessaire et la pédale de l'accélérateur pliait sous son poids.
— Pourquoi ça m'arrive à moi ? En quoi la mort de mon frère va pouvoir me faire avancer ? Pourquoi est-il mort hein ? C'est injuste.
Les paroles d'Isaïah leur revenaient en mémoire : la rage grandissait en lui et détruisait chaque parcelle de bonheur qu'il réussissait à créer.
— Pourquoi mon mari, Adriel, est-il mort ? J'ai été heureuse pendant vingt-quatre ans. J'ai créé une famille à ses côtés et on m'a retiré un pilier, poursuivit-elle en tombant sur le siège. Mes enfants ont vu dépérir leur père. Et Joël...
Sa phrase fut coupée par le ronronnement du moteur. Elle se tourna vers le conducteur.
— Dieu a un drôle d'humour mais soyons heureux d'être en vie, prêcha-t-il avec ironie. Remercions les cieux d'avoir encore de l'impact dans ce monde.
Cette scène était surréaliste. Meika refoula ses interrogations pour assister à cet échange particulier.
— Vis mon garçon pour que tu n'aies pas de regret si tu devais mourir demain.
Pour la première fois, il lui jeta un coup d'œil à travers le rétroviseur. La petite-fille se contenta de la saluer avec la main.
— Meika tu as intérêt à revenir vivante, murmura Solange en observant les sapins avec nostalgie.
— Elle t'entend, j'en suis sûr.
Il avait à nouveau regardé la plus jeune passagère. Il n'était pas parvenu à lire dans ses pensées. Elle lui supplia de lui faire passer un mot.
— Et elle t'aime.
***
La destination n'était nul autre que le cimetière. Même si le soleil était encore levé, le vent rafraîchissait l'atmosphère.
— Je n'ai jamais pu voir la tombe d'Adriel, annonça Solange en scrutant les alentours. Il est amérindien et pour lui, la mort c'est une étape naturelle de la vie. Il est allé rejoindre ses ancêtres.
Meika ne connaissait pas du tout la vie de ce père, décrit comme étant dévoué et formidable. Une photo ornait le buffet dans le salon mais c'était la seule trace de son existence. L'aînée rajouta qu'elle ne se sentait pas à l'aise dans cet endroit, elle voyait tant de personnes qui étaient mortes bien trop tôt. Une pierre blanche se démarquait des autres : le nom de Rory y était figuré et le nombre d'années se comptait sur les dix doigts.
— C'est vide, il n'y a que des corps, sans aucune âme. C'est un territoire neutre, réfuta-t-il en s'avançant dans les allées.
Son interlocutrice analysait toutes ses paroles. Elle avait toujours été très observatrice. Il s'agenouilla sur les graviers et fixa le tas de fleurs. Il changea l'eau et sa grand-mère se retira, pour le laisser tranquille. L'adolescente se tenait à quelques mètres. Tout se mélangeait dans son crâne. Pour où commencer ?
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Courir après la mort. [FINI]
ParanormalSuite au décès de son beau grand-père, Meika s'est refermée sur elle-même. Un terrible accident la plonge dans un profond coma où elle ne reste ni immobile ni même inconsciente. Elle n'a qu'une idée en tête : comprendre le passé de cette famille rec...