Chapitre-23 :

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Présent- 23 mai 2018

Meika faisait sans cesse des allers-retours à l'église, à la maison d'Isaïah et dans la chambre d'hôpital. Depuis dix jours, Rory ne restait pratiquement jamais avec elle. L'ennui n'avait jamais été aussi fort. Elle eut tout le plaisir de retourner les problèmes dans tous les sens.

Impossible de contacter Isaïah, puis Nathanaël semblait se mettre corps et âme dans son rôle de sapeur-pompier volontaire et leur discussion ne dépassait jamais les simples banalités. Solange n'avait pas encore eu le temps de revenir à la charge car le rouquin avait déserté les couloirs de l'hôpital en dehors de son travail.

Une routine s'était installée, les grands-parents paternels venaient le matin, Solange campait toute l'après-midi et les parents arrivaient en début de soirée après leur journée de travail — ils n'auraient jamais assez d'argent pour payer les frais hospitaliers s'ils restaient auprès d'elle. Sa grand-mère maternelle avait pris à la lettre le bouquin et Meika eut le loisir d'assister des discussions à un seul sens. Parfois, elle avait l'impression d'être un curé, qui écoutait les péchés des paroissiens. Malgré tout, elle entendait les récits des voyages durant les premières heures de la journée et elle s'en délectait. Ses aïeux avaient vécu tellement de belles choses en plusieurs mois mais elle fit un constat : ils avaient passé leur existence à se consacrer à leur profession et ils s'autorisaient à vivre au bout de soixante ans.

L'adolescente se rendait compte de la longueur anormale de son coma, emprisonnée par ces tuyaux. Interagir avec le monde extérieur lui manquait terriblement. Lorsqu'elle se réveillera, elle reprendra une vie comme avant et arrêtera de se taire. Elle voyait toute cette effervescence autour de son lit, cette tristesse dans le regard de ses proches, elle ne pouvait pas leur faire ça. Elle était restée si longtemps silencieuse, cela en était devenu absurde. Elle en avait eu besoin malgré tout mais désormais elle désirait profiter un maximum de sa vie. Côtoyer la mort l'avait rendue plus optimiste vis-à-vis de son existence.

Lors de ses longs moments de solitude, elle fit le point sur sa situation. George ne viendra pas la voir. Le corbeau avait lui aussi disparu. Était-ce un signe qu'il était passé de l'autre côté ? Peu importe, elle ne s'attendait pas à ce qu'il réapparaisse, il aura été lâche toute sa vie. Elle avait repensé à Wendie. Meika aurait pu demander à Rory qui elle était mais son instinct la poussait à se taire. L'adolescente s'était résignée, elle ne saura jamais pourquoi il était passé à l'acte.

Le fantôme souffla sur la vitre de sa chambre, cherchant en vain une nouvelle distraction. La nuit avait fait son apparition et elle ne réussissait pas à somnoler. Des chuchotements de l'autre côté de la cloison l'alertèrent et la porte s'ouvrit discrètement.

— Baptiste, je vais partir en Colombie, c'est ma dernière chance de la voir, s'il te plaît.

Elle reconnut la voix immédiatement.

— Déjà il est hyper-tard donc tu ne devrais pas être là, rouspéta l'infirmier.

Quand elle aperçut ses yeux noirs, elle eut l'impression de percevoir le bruit des vitres qui explosaient. Son rythme cardiaque s'accéléra.

— Mec, tu crois vraiment qu'elle va t'entendre ?

Adam sortit une enveloppe de sa poche et la tendit à son ami.

— Je veux quand même lui parler, même si ça ne sert à rien. J'espère que tu lui passeras la lettre. Si ça te démange de la lire, fais-le quand je serai parti. Jure-moi que tu vas la lui donner à son réveil.

— Je t'en fais la promesse, sur la tête de notre bonhomme de terre que nous faisions en plein été, s'exclama-t-il avant de baisser d'un ton. Tu as vingt minutes pas plus.

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant