Chapitre-7:

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Présent- 5 avril 2018

Les sons s'intensifièrent au fil des minutes, comme si elle émergeait des profondeurs. Les images du bus la ramenèrent à la réalité. L'assistance respiratoire ne suivait pas le mouvement de panique. Tout se passait dans sa tête : le cœur qui battait à tout rompre, les mains qui cherchaient des points de repère. Ses pieds touchèrent le sol gelé. Cette sensation s'échappa. Elle poussa sur ses jambes pour se lever et sa vision se décida à se régler. Elle dirigea son regard le long des trois tuyaux qui sortaient de ses différents orifices. Son cerveau envoya un signal d'alerte. Sa bouche s'ouvrit et elle s'avança encore plus près du visage de son double. Meika transperça l'œil de son clone ou du moins le traversa comme du brouillard. Elle recula en lâchant un cri au passage.

Les machines de l'hôpital la maintenaient en vie. Sa peau frissonna au contact de son corps, celui où elle arrivait à se mouvoir. L'odeur du désinfectant se dissipa elle aussi. Ses propres sens jouaient à cache cache. Elle percevait du moins les limites de son anatomie et son oreille interne fonctionnait encore. Elle fit une conclusion : morte ou pas, elle était une sorte de fantôme. La stupeur prit le pas sur la terreur grandissante. Elle se demanda par quel miracle elle pouvait bien être dans cet état-là.


Des sanglots la redescendirent de son nuage. La situation se corsa. Ses parents entourés de plastique rentrèrent. Les cernes violacés entouraient leurs yeux fatigués, témoins des longues heures de stress.

— Au bout de dix jours, c'est long pour un coma. Elle reviendra vite, rassura son père.

Katy lui rit nerveusement au nez. Cela ne servait à rien de compter, il fallait juste attendre. Meika se mit à trembler.

— Maman ? Papa ? Vous m'entendez ?

Ses paroles n'atteignirent pas les concernés. Elle détourna le regard. Elle vit une jeune femme les paupières closes, avec sa coupe au carré et ces longs tuyaux. Cela ne pouvait pas être elle. Ses traits étaient pourtant identiques.

N'entendant plus les murmures de ses géniteurs, elle prit conscience qu'ils étaient sortis de la pièce. Dans la précipitation, elle voulut les rejoindre. Une larme invisible glissa sur sa joue rougie. Elle ne supportait plus de les voir aussi dévastés.

Les couloirs l'oppressaient. Elle devait sortir, loin de tous ces patients, loin de ce corps qui ne lui appartenait plus. Alors elle courut. Elle ne ressentait aucune fatigue. Son ventre se nouait, mais ne réclamait plus à manger. Des acouphènes prirent le dessus sur toutes ses pensées.

Elle se retourna et vit la porte fermée : elle venait de la traverser.

Ce n'était pas possible. Pourtant, dans sa course elle l'avait fait une dizaine de fois. Elle jeta un coup d'œil à ses mains, réflexe qui lui permettait de se rendre compte quand elle rêvait. Mais ses doigts ne se décuplaient pas, ce n'était pas un rêve lucide. La réalité n'était pas aussi facile à manier. Elle vit un bracelet à son poignet et put lire : Meika Faullier.

Une nouvelle sensation dans le dos l'alerta.

On la fixait.

Lorsqu'elle se retourna, la personne concernée fit le même exploit qu'elle et s'enfuit à travers les cloisons. Elle échangea un regard avec une personne âgée. Sa voisine était différente, elle ne l'avait pas remarquée. Son mari la dévisageait avec un mélange de peur et de curiosité. Un pas après l'autre, Meika essaya de réduire la distance qui les séparait. Son pouls s'emballa. Il disparut à son tour.

Elle savait au fond d'elle quand la personne était un esprit. C'était assez instinctif. Elle erra ainsi dans les couloirs pendant plusieurs heures dans un état second. À sa plus grande surprise, elle croisait assez peu de fantômes et c'étaient souvent des personnes âgées. Ce constat lui sembla étrange, chaque jour, plusieurs patients mourraient entre ces murs blancs.

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant