Chapitre-29 :

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Présent- 24 juin 2018

Meika connut pour la première fois le véritable sommeil, celui qui assomme et qui répare. Quand elle ouvrit à nouveau les paupières, la nuit était bien avancée. Une peur sourde se manifesta dans son ventre. Ses doigts se posèrent sur la couverture et parcoururent chaque pli avec lenteur. Elle attrapa le tissu et le balança au fond du lit. Elle influait sur son environnement. Comment avait-elle pu oublier l'effet d'attraper un objet ?

Ses sensations étaient multipliées. Un bonheur immense la submergea, elle était vivante. Un rire nerveux s'échappa de ses lèvres sèches. Elle se laissa tomber sur son matelas. Ce n'était plus une silhouette, on la voyait, on l'entendait, personne ne pouvait l'ignorer. Pendant plusieurs semaines, elle était devenue l'ombre d'elle-même, rien n'importait, elle aurait pu abandonner.

Aujourd'hui, tout avait changé. Elle n'était plus enfermée dans sa forme immatérielle. La source de son bien-être provenait du simple fait d'être en vie et rien d'autre. Elle n'avait pas à prouver qui elle était, si quelqu'un projette sur elle une fausse image, qu'est-ce qu'elle en avait à faire ? Si elle l'avait saisi plus tôt, cela aurait pu fonctionner avec Maria. Quand l'hôpital l'autorisera à sortir, elle ira recoller les morceaux.

— Pourquoi tu pleures ?

Rory se tenait à côté d'elle, il était encore plus transparent. Alors ce n'était pas un rêve, les fantômes existaient.

— Parce que je suis heureuse, merci, murmura-t-elle en reniflant bruyamment.

Il s'efforça d'étirer sa bouche dans un sourire.

— Je suis seul maintenant.

Elle avait retrouvé son corps alors qu'il n'aurait plus jamais la chance d'en avoir un. La tragédie des Clerc était d'autant plus forte pour la lycéenne. Elle comprenait pourquoi Rory avait pu avoir certaines réactions. Elle goûtera à nouveau à un gâteau au chocolat et sa famille viendra la voir demain. Il n'avait plus tout cela.

— Non, regarde, je te vois moi, je peux encore jouer avec toi.

Ses yeux marron brillaient dans le noir, il n'était pas vraiment convaincu.

***


Tout se chamboulait autour d'elle, des examens s'enchaînèrent et aucune visite n'était autorisée. Le mot miracle se dégageait de toute cette effervescence. Rien d'anormal n'en ressortait et la raison de ce coma restait un grand mystère. Le plus étonnant était que son organisme ne gardait aucune séquelle.

En fin de matinée, les professionnels hospitaliers avaient cessé de la trimballer de salle en salle. Marcher lui extirpait trop d'énergie. Normalement, d'après la médecin, ses muscles auraient dû fondre puisque son coma avait duré quatre-vingt-neuf jours. Ce nombre résonnait encore dans son crâne.

Sa famille se tenait derrière la porte, attendant le feu vert pour la rejoindre. Ils avaient vécu quatre-vingt-neuf jours dans la peur et l'angoisse. L'adolescente avait passé quatre-vingt-neuf jours à découvrir le passé de son entourage, à errer dans les couloirs de ce maudit bâtiment et maintenant, elle était réveillée. Elle peinait à y croire, c'était trop facile, quelque chose clochait.

Son soupir résonna dans la pièce, Rory était parti pour qu'elle se repose. Cela ne servait à rien de chercher encore des problèmes là où il n'y en avait pas. La lycéenne aura une conversation plus approfondie avec Nathanaël et il lui expliquera clairement comment il avait fait.

La porte s'entrouvrit et son grincement alerta la patiente. Un crâne chauve passa l'encadrement, suivi de l'habituel chignon serré en arrière. Les bras de leur fille s'ouvrirent en grand et accueillir ses parents avec force. Des sanglots de soulagement éclatèrent et le verbe aimer fut prononcé un nombre incalculable de fois.

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant