Passé- 23 juillet 2018
La salon était plongé dans un silence pesant. L'infirmier faisait face à Nathanaël, Isaïah et Rory. Ce dernier était vu seulement par son frère. Les fenêtres grandes ouvertes accueillaient une masse noire. Le rouquin n'avait pas fini sa phrase et fixait ce nouveau venu d'un air ahuri. Tout le monde se mit à observer cet oiseau qui avait l'air si malade. Cela faisait des mois qu'il surveillait et réfléchissait à un moyen pour sauver sa petite-fille.
— Où es-tu George depuis six mois ? Pourquoi ne nous aides-tu pas ? s'emballa-t-il, à bout de nerfs.
Le corbeau communiquait seulement avec les gestes. Derrière ses yeux noirs, se cachait l'esprit à l'origine de tous ces malheurs.
— Tu as toujours été avec nous, sous cette apparence, tu as épié tous nos faits et gestes, constata le rouquin, en posant ses mains sur la table.
L'attention se portait à nouveau sur lui, il ne cessait de retourner la situation sous tous les angles. Baptiste avait appris la vérité quelques heures plus tôt et ces révélations résonnaient encore en lui comme une marque au fer rouge.
— Qu'est-ce que j'ai fait, chuchota-t-il, la tête entre ses paumes.
— C'est grâce à toi que mon frère a été sauvé. Wendie n'est pas resté avec lui pour l'éternité, rétorqua à nouveau l'aîné des Clercs.
La conversation n'avançait pas, la culpabilité freinait leur raisonnement. Comment aider Meika alors qu'ils étaient des monstres ? Voici ce qui résonnait dans le crâne des deux jeunes adultes. Le souffle de Rory se coupa et il se recroquevilla sur lui-même. Le jeunot tourna la tête vers l'interlocuteur. Il ne pouvait plus lui mentir.
— Quand je suis mort, j'étais libre. Elle a jamais été coincée avec moi.
Le traducteur répéta sa phrase sans vraiment prendre conscience du sens. C'était Isaïah qui réagit enfin et exigea de plus amples explications.
— Wendie aurait pu partir, interpréta Nathanaël, la gorge sèche avant de voir l'ampleur des conséquences. Qu'est-ce qui t'empêchait de t'éloigner d'elle ? Tu aurais dû me le dire ! J'aurais pu éviter de causer autant de souffrances !
Son cri de rage fit sursauter toute l'assemblée.
— C'est toi qui m'empêches de m'en aller. Tu ne veux pas alors je reste, pour pas te faire du mal.
Tout cela pour rien. Voilà qu'elle était la conclusion de ces mois de sacrifice.
— Elle a pas eu de chance. J'ai vu dans les souvenirs de George. Il avait vu autant d'âmes, qui sont mortes trop tôt.
Le corbeau s'agita, le petit garçon reprenait les mots de son maître. Nathanaël débriefa en quelques mots ses dires, abattu. Il s'assit lourdement sur sa chaise. Il avait récupéré la lettre de Meika pour se donner de la force mais rien n'y faisait, ils étaient coincés. Rory était bon, il voyait en chacun d'eux quelque chose de beau, de fort. C'était ce qu'ils voulaient s'imaginer.
— Rory je peux pas t'en vouloir, commença-t-il en serrant les dents. Tout le monde est un peu fautif dans cette histoire. On aurait dû... accepter les choses telles qu'elle étaient, laisser la vie nous balancer des bombes à la gueule sans broncher.
Il prit une grande respiration. Tout cela n'avait aucun sens.Rory n'arrivait plus à s'exprimer, comme au début, comme toujours. Il se rappelait de Gabriel, quand il le voyait, assiégé par tous ces gamins mal dans leur peau. George avait vu ce souvenir lors de la possession. Lorsque deux âmes partageaient un corps, tout était accessible. Les mots ne parvenaient plus à franchir ses lèvres, du haut de ses dix ans, il était prisonnier de cette terre alors qu'il aurait pu être libre.
— Je veux bien vous aider.
Nathanaël traduisait ses paroles d'un ton monotone, il était en proie à un réel déchirement. Plusieurs secondes de flottement traversèrent la salle.
— T'avais un jeu n'est-ce pas entre toi et Wendie ? Tu y as joué avec moi et Meika la dernière fois.
Le cadet se souvenait de ces nombreuses heures dans le Noir, quand Wendie décidait de prendre le contrôle pour avoir un nouveau souffle de vie. Parfois, elle venait avec lui et ils passaient leur temps à jouer, à s'imaginer et à faire deviner à l'autre à quoi qu'ils pensaient.
Rory avait bien conscience qu'il était le responsable de tout cela. Il avait vu Wendie drainer le bonheur des Hommes pour se souvenir. Comme il l'avait un jour dit à Meika : ça ne marchait jamais. Il avait vu, ressenti et compris à quel point Wendie était désespérée.— Tu te rappelles de Gabriel ? Tu m'avais avoué n'avoir rien fait quand ils l'insultaient. Là, tu peux vraiment faire des choses bien. Tout le monde est avec toi, tu n'as pas à avoir peur. Ce sera le plus beau cadeau que tu puisses faire à Wendie : elle sera en paix.
Le visage d'Isaïah s'illumina, il scrutait l'oiseau qui était redevenu étrangement silencieux.
— J'ai une idée, s'emballa-t-il en désignant l'objet de sa réflexion. Nous aurons besoin de son homologue en paille.
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Courir après la mort. [FINI]
ParanormalSuite au décès de son beau grand-père, Meika s'est refermée sur elle-même. Un terrible accident la plonge dans un profond coma où elle ne reste ni immobile ni même inconsciente. Elle n'a qu'une idée en tête : comprendre le passé de cette famille rec...