Chapitre-1:

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Présent- 28 février 2018

Les oiseaux s'envolèrent lorsque le moteur démarra brusquement. La portière s'ouvrit et la jeune fille s'engouffra à l'intérieur, à bout de souffle. Meika balança le journal encombrant sur le siège arrière, celui-ci retraçait le destin fatidique d'un petit garçon. Dans la cabine, aucune parole ne s'échangeait entre la mère et la fille. Le chauffage semblait faire la conversation à leur place.

L'écolière écarquilla les yeux lorsqu'elle se rendit compte qu'elles n'empruntaient pas le bon chemin. Elle avait repéré ces étranges sapins qui encadraient la route. Son cœur s'emballa. Elle reconnut le surnommé Virage de l'orage. Un éclair s'abattait ici après chaque accident. Elles dépassèrent la station service et rencontrèrent d'anciens champs de blé, recouverts d'une épaisse couche de neige. Son masque se remit en place, mais ses bras croisés témoignaient de son mécontentement.

— Meika, souffla la conductrice. Ta grand-mère voulait te voir. Tu ne viens plus depuis le décès de George.

L'adolescente ricanait dans son écharpe. Katy avait ignoré sa propre mère pendant des mois l'année dernière et maintenant, elle la forçait à y aller. La cinquantenaire laissa couler, sachant qu'insister ne servirait à rien.

Des tremblements lui firent froid dans le dos à la vue de la maison. La passagère fermait les poings, elle savait que c'était une très mauvaise idée. Le frein à main actionné, elle ne pouvait rester indéfiniment dans l'automobile. Des traces de bottes se formèrent et la porte d'entrée s'ouvrit en grand. Une bise à la volée et elles se retrouvèrent autour d'une table en bois, déchaussées et au chaud.

— Ce temps est épouvantable. Il y a même de la neige au sud, ça faisait longtemps ! s'exclama la grand-mère.

Les yeux de la cadette fixaient ce mélange orangé. Son écoute se tournait vers le crépitement du bois. Ces cendres avaient l'apparence de flocons de neige, les miettes restantes des arbres déracinés. Elle sentait la chaleur la caresser. L'odeur de la nourriture l'étouffait. Les flammes léchaient les contours de la cheminée et laissèrent au long tuyau le privilège de libérer la fumée. Ce brasier se poursuivit sous son regard attentif.

— Ma chérie, veux-tu mettre un bois s'il te plaît ? demanda l'aînée.

Elle ne bougea pas, des nœuds se formèrent dans ses entrailles.

— Voyons, Meika, fais des efforts quand même ! Ce n'est pas la mort ! s'énerva Katy, en se levant d'un bond.

Ses mains blanchirent, à force d'enfoncer ses doigts dans les accoudoirs. Elle détestait le feu comme elle le vénérait. La vitre qui la mettait en sûreté s'ouvrit, sa mâchoire se contracta. Un bruit sourd fit écho dans la pièce et le verrou se referma. Elle ignora les réprimandes de sa génitrice.

Le repas s'enchaîna sans d'autres accrochages. Ne tenant plus sur sa chaise, elle prétexta une envie d'aller aux toilettes, toujours sans lâcher un mot. Le salon où George avait été retrouvé mort la rendait nerveuse.

Ses dernières paroles revenaient en boucle dans sa tête et sa curiosité avait été piquée au vif.

Pour elle, il avait toujours été qu'un inconnu au visage familier. Une porte entrouverte attira son attention, elle était cachée par l'angle du couloir. Elle pourrait se faufiler dans le bureau pour trouver des indices. Sa main s'attarda au-dessus de la poignée. Qu'avait-elle à perdre ? La relation avec sa grand-mère ne pouvait s'empirer. Elle retint son souffle, comme si cela évitait que la porte ne grince. Les étagères avaient été vidées et malheureusement pour elle, les tiroirs aussi.

Un soupir s'échappa de sa gorge, elle ne savait même pas ce qu'elle cherchait réellement. Évidemment qu'aucune lettre n'était posée sur le bureau, pour lui révéler son passé et pourquoi juste avant sa mort, il lui avait dit cela. Ce n'était pas aussi simple. Finalement, elle se faisait peut-être des histoires. La pièce ressemblait à un bureau de médecin avec ces murs blancs. Meika ne s'y attarda pas et laissa ses idées noires à l'intérieur.

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant