Chapitre-12 :

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Présent- 8 avril 2018

Plusieurs heures plus tard, Meika se retrouva à l'autre bout de l'hôpital. Nathanaël bravait la barrière de l'intimité, elle n'était plus libre de penser. Cela lui donnait le vertige. Il ne lui avait pas apporté les réponses qu'elle espérait tant. Elle marchait entre ses murs d'un blanc exaspérant. Elle avait besoin de couleurs, de mouvements. De l'agitation, cela n'en manquait pas dans les urgences. Quand elle passa dans le service des personnes âgées, elle était moins bien accueillie. Les fantômes la fuyaient encore et toujours comme la peste.

Elle vit le nœud papillon rose, à ses côtés sa femme et leur petit garçon. Ce dernier était désormais un fantôme. Même si l'adolescente ne le connaissait pas, elle eut un pincement au cœur. Il avait succombé à son cancer.

— Papa ! Je suis là, murmura-t-il en essayant de tirer sa manche. Je suis en paix, Baptiste a raison, s'il vous plaît, pleurez pas.

L'infirmier l'avait accompagné jusqu'au bout, il savait qu'il ne survivrait pas, elle l'avait vu dans son regard. L'enfant avait l'air en meilleure forme, sa tenue d'hôpital avait été troquée pour un costume. C'était sûrement les habits pour son enterrement. Le deuil pesait sur leurs épaules, il était accompagné par leur mine sombre et leur démarche chancelante. Hugo ne l'aperçut pas et passa devant elle, en répétant inlassablement les mêmes phrases.

L'esprit oublierait un jour qui étaient ces deux Hommes et il partirait. D'ailleurs où irait-il ? Au paradis ? Se réincarnait-il ? Disparaissait-il tout simplement ? Même si Meika avait découvert le monde des esprits, la vie demeurait mystérieuse.

Comme à son habitude, elle se dirigea vers la cafétéria, où les odeurs de nourriture se propageaient. Elle se plaisait à imaginer le goût des aliments. Elle entendait parfois des clients qui se plaignaient de leur repas. Elle aurait donné n'importe quoi pour une bouchée de ce sandwich végétarien.

Elle rejoignit ensuite la table de sa famille, où la mère et la fille se terraient entre deux visites. Solange buvait son habituel thé à la mangue et sa mère se réfugiait dans son café. Ce duo lui rappelait le repas quelques mois auparavant, dans cette maison, où elles avaient remonté le temps avec les photos.

Meika s'installa sur le banc, elle avait la sensation d'être avec elles. Personne ne l'avait remarqué, sauf un fantôme qui l'avait fixé avant de s'enfuir. Cette indifférence la ramenait toujours à la réalité : elle était invisible.

— Ton père est parti trop tôt. Puis j'aurais dû t'écouter, on aurait dû le dire et...

— Maman ! Je t'ai dit que je ne t'en veux plus, d'accord ? souffla Katy en vidant un énième paquet de sucre dans sa boisson. Ça fait un an, j'ai eu le temps de digérer notre dispute. Tu avais raison, il ne vaut mieux pas leur dire.

La petite-fille fronça les sourcils. Elle se souvint que pendant plusieurs mois, les deux ne s'étaient pas revues mais le sujet de leur accrochage demeurait inconnu.

— Je te le répète : je n'ai jamais pardonné ce qu'il nous a fait. Mon papa est mort il y a vingt-neuf ans, point barre. Il n'y a aucune différence pour moi. Les histoires de famille sont enterrées, de même que les concernés.

Faisaient-elles référence à Adriel, son grand-père mort quand Katy avait seulement vingt-cinq ans ? Solange lui avait pourtant dit que c'était grâce à lui, qu'elle avait vécu les plus belles années. Si cela datait d'autant de temps, alors pourquoi en discuter maintenant ?

— Ma chérie, j'ai besoin de trouver des réponses, ça me permettrait de tourner la page.

La buveuse de caféine soupira en répétant qu'elle en avait eu l'occasion pendant ces dix dernières années. Meika se perdait. Elles parlaient de son grand-père, décédé depuis presque trois décennies. Elle aurait dû avoir le temps de passer à autre chose. Cette dernière phrase la ramena à nouveau le repas avec elle, plus d'un mois auparavant. « La seule chose qui s'est produite il y a dix ans, c'était l'arrivée de George. Et qu'est-ce qu'avait fait Adriel pour qu'elle ne lui pardonne pas ? »

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant