Chapitre-33 :

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Présent- 7 juillet 2018

L'automobile s'arrêta dans un crissement de freins. Meika s'appuya fébrilement sur sa jambe

gauche et s'extirpa avec l'aide de sa mère de l'habitacle.

— Prends ta béquille, s'il te plaît.

La porte d'entrée s'ouvrit sur la doyenne des Smith.

— Je n'aimerais pas retourner à l'hôpital, écoute un peu ta mère pour une fois.

La maison projetait l'ombre sur le trio, elles s'installèrent dans le jardin. Les grillons chantaient encore, rythmant leur conversation. La petite-fille ne savait pas comment aborder le sujet. Une horde d'hirondelles s'envola au-dessus de la vieille bâtisse.

— Je ne pensais pas que George avait construit une volière. Quelles espèces avait-il ?

La transition était maladroite mais elle n'en avait pas trouvé d'autre.

— Oh, je n'y ai jamais mis les pieds, il m'en défendait. Il faisait bien ce qu'il voulait de ses volailles sauvages.

Elle marqua une pause.

— A sa mort, je n'ai pas réussi à déloger le corbeau, il était toujours là. Si la bestiole n'était pas protégée, elle aurait fini à la casserole.

Solange parlait différemment quand elle évoquait George et ses habitudes. La rancœur à son égard n'avait pas diminué. Pourtant, derrière ce masque, elle aimait profondément cet homme.

— Et il revient ? Demanda la cadette en décortiquant une pistache.

— Pardon ?

— L'oiseau, il est toujours là ?

Elle porta sa tasse de thé à ses lèvres et affirma que non. Meika l'avait entendu plusieurs fois, roder aux alentours de chez elle mais sans le voir. Elle en avait assez de ces faux-semblants. L'album claqua sur la table.

— J'aurais aimé ne pas trop vous bousculer mais je vais être franche : je sais tout.

L'expression des deux aînées était identique, cela en était comique.

— George — ou je dirai Joël, a été un père de famille exemplaire, ironisa-t-elle en mangeant le fruit à coque.

Son attrait au sarcasme découlait de sa profonde lassitude face à tous ces mensonges.

— Qu'est-ce que tu dis ? C'est n'importe quoi, tu...

— Arrête maman, écoute là.

La doyenne flancha et dût poser sa tasse car elle tremblait trop.

— Attends, il te l'a dit n'est-ce pas ? Il te l'a avoué avant de mourir ou alors Katy, c'est toi ? Non c'est Baptiste, je n'aurais pas dû lui faire...

Un immense soupir la coupa dans son élan.

— Je l'ai découvert par moi-même. Nathanaël m'a un peu aidée certes mais j'ai mené mes recherches. Tu l'as dit à papa, donc maintenant, tout le monde est au courant. Ce sera plus simple pour la communication.

Elle n'avait jamais parlé sur ce ton avec elles mais la situation était quelque peu tendue.

— J'aimerais connaître le passé de Joël et pourquoi il était dans une famille d'accueil.

Orienter la discussion était réellement dans les gênes, à force de voir sa grand-mère le faire, elle avait pris le pli.

— Tu ne vas pas t'enfuir ?

Courir après la mort. [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant