Chapitre 45 : Le Monstre

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L'eau clapotait autour des embarcations qui glissaient lentement sur l'Az Ragni. Un vent frais venu de l'Est soufflait sur les visages, emportant avec lui l'air sifflé par Ama, l'un des gardes nains qui accompagnaient la petite troupe partie de Farthen Dûr.

Jéna, allongée à l'avant d'une des deux barques, regardait les nuages défiler dans le ciel. Elle avait les bras croisés derrière la tête et les pieds barbotant dans la fraîcheur du fleuve. Le calme qui régnait l'apaisait, elle n'en avait pas vécu de tel depuis de longues semaines, depuis leur périple jusqu'à Gil'ead en fait.

Elle tourna la tête et aperçut Thorv assis au gouvernail. Le nain portait toujours les stigmates de la rixe survenue il y a deux jours. Malgré les recommandations des guérisseurs, il avait insisté, une fois soigné, pour diriger la compagnie qui conduirait les voyageurs au Du Weldenvarden. De nouveau, il prouvait la robustesse autant de l'esprit que de la constitution physique du peuple des montagnes.

Le nain croisa son regard et sourit, des rides se dessinant à l'encoignure de ses yeux. La jeune fille lui rendit son sourire, faisant réellement tomber pour la première fois le masque de tristesse et d'indifférence qu'elle portait depuis la mort de Murtagh. Après leur mésaventure commune, ils semblaient se comprendre, ou du moins respectaient-ils l'autre profondément. Jéna pour l'honneur du nain, et ce dernier pour être intervenue alors qu'elle aurait pu ne pas le faire.

La jeune fille se redressa et reporta son intention sur le paysage. Ils avaient laissé derrière eux les contreforts des Beors et se laissaient porter à présent au milieu de plaines gigantesques s'étendant jusqu'à l'horizon. Eragon et elle appréciaient de ressentir enfin la chaleur du soleil et d'être de nouveau baignés par son éclat. Cependant les Nains semblaient plus nerveux de se trouver ainsi exposés à la lumière et à l'absence de reliefs, eux qui étaient habitués à la sécurité des montagnes et aux longs crépuscules de leurs journées.

Cela n'empêchait pas Ama de siffler, songeait Jéna.

Elle se frotta le cou, une boule entravait sa gorge comme si elle craignait quelque chose. Depuis quelques heures déjà ce nœud la démangeait, plus ou moins fortement, comme si une menace inconnue se rapprochait ou s'éloignait d'elle en permanence. Son estomac se contractait aussi.

Mais elle ne pouvait comprendre ses changements d'état.

Le soir les vit accoster dans un petit bois coincé dans un vallon qui les protègerait du vent. On amarra les embarcations et fit descendre Tornac et Feu-de-Neige pour les installer dans une zone couverte d'herbe tendre. Puis, comme la veille, les nains se chargèrent de monter le campement de tentes et d'allumer un foyer central où Dûthmér commença à préparer le repas.

Jéna pendant ce temps, partit s'occuper des montures. Elle se mit à brosser Tornac, l'esprit tourné ailleurs, vers son chagrin et son passé. L'étalon gris ne bronchait pas de l'avoir pour maîtresse, mais il montrait néanmoins quelques signes de réticences envers elle. Après avoir été élevé et avoir vécu tant de peurs avec la même personne, il semblait lui aussi avoir des regrets, et avec évidence, son maître lui manquait. Il ne pourrait jamais être remplacé.

Du coin de l'œil, Jéna avisa Eragon se détacher du groupe et sortir son épée de son fourreau. Il se mit en garde et commença à effectuer quelques exercices.

Le Dragonnier tournait lentement Zar'roc au-dessus de sa tête, exagérant chaque mouvement, le regard fixé sur un point invisible. Ses yeux parfois se tournaient vers l'assistance assise autour du feu, qui l'observait en silence, néanmoins il ne se laissait pas déstabiliser et feignait de ne pas la voir.

Alors qu'il levait une nouvelle fois le bras, en un large mouvement vers l'arrière, il y eut comme un éclair fendant le crépuscule naissant. Eragon poussa un gémissement, se cambra violemment et tomba sur le sol.

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant