Chapitre 70 : Le Parfum de la trahison

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La pièce était silencieuse, on n'entendait que les braises crépiter dans l'âtre. Les deux jeunes gens se faisaient face. Murtagh, le visage grave, n'avait pas cillé ; il dévisageait Jéna qui était devenue livide comme si toute vie l'avait désertée. Sa lèvre inférieure trembla puis, sa poitrine se souleva violemment et elle reprit la parole.

- Tu ne peux pas... souffla-t-elle la voix se brisant.

- C'est pourtant ce que je vais faire.

- Ne peux-tu me laisser ?! Je ne recommencerai pas, tu as ma parole, je te le jure !

Ses suppliques exprimées avec tant de désespoir mirent à mal la conscience de Murtagh. Il n'avait jamais vu Jéna dans cet état comme si ce qu'elle redoutait le plus au monde était en train de se réaliser. La jeune femme se prit la tête entre les mains, s'enfonçant les doigts entre ses cheveux si courts désormais.

- Je n'ai pas le choix. Si tu te rends, continua-t-il. Il ne te fera rien.

- Comment peux-tu me dire ça ! Hurla-t-elle.

Les larmes débordèrent de ses yeux en grosses perles dorées par la lueur des bougies. Il y avait dans ses traits affolés quelque chose de sauvage qui brisa le cœur du Dragonnier.

- Comment peux-tu me dire ça ! Répéta-t-elle. Jamais je ne céderai face aux avances de ce monstre !

Le jeune homme poussa un profond soupir, incapable de hausser la voix ou de se quereller. Il ferma les yeux une seconde. L'espace de ce court instant le monde disparut de sa vue, de même que les soucis de son esprit. Quand il les rouvrit cependant, la douleur n'en fut que plus grande.

- Dans ce cas tu souffriras, proclama-t-il. Tu souffriras, comme j'ai souffert avant toi.

Il croisa une dernière fois son regard avant de tourner les talons et de quitter la pièce pour aller se coucher. Jéna ne protesta pas ni ne le rattrapa. Ses mots, durs, la laissèrent interdite. Elle demeura longtemps immobile, tournée vers la porte entrebâillée de la chambre par laquelle les yeux plongeaient dans l'obscurité.

Quand elle reprit ses esprits, tout espoir l'avait quittée. La jeune femme resserra son manteau et se recroquevilla par terre contre le mur qui soutenait la fenêtre. Elle était perdue.

Elle était perdue.

Des années après avoir fui cette cité maudite, on allait l'y remmener, la livrer au roi félon qui aurait alors toutes les raisons de la châtier, de la faire souffrir comme Murtagh l'avait si bien dit. Elle ne voulait pas ! Tout mais pas ça !

Elle éclata en sanglots douloureux qui l'empêchèrent de respirer. D'affreux souvenirs remontèrent à la surface, lui exposant sans relâche la mort de ses parents et les jours interminables qui avaient suivi. Elle revit encore et encore le corps de son père convulser en craquements atroces, aperçut sans fin sa mère dont les étreintes enchantaient son âme, être décapitée sans un mot. Et sa tête auréolée de sa couronne de cheveux dorés voler dans les airs et tomber sur le carrelage comme un vulgaire morceau de viande. Son visage n'avait pas exprimé de souffrance ou de peur mais Jéna ne les avait pas moins éprouvées pour autant.

Des semaines à survivre, d'autres encore à voir son monde s'écrouler petit à petit pour à la fin de l'histoire se retrouver là, prisonnière de l'homme qu'elle avait aimé du plus profond de son être, qu'elle aimait toujours sans pouvoir se le pardonner. La vie avait-elle valu la peine d'être vécue ? Beaucoup de temps déjà avait passé mais la jeune femme se demandait soudain si tous les sacrifices faits, toutes les épreuves endurées n'avaient pas été vains et si elle ne devait pas mettre fin à sa destinée de souffrances à présent.

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant