Le trajet avait été... Horrible.
Camozzi n'avait pas bougé et il avait gardé son air tranquille. Quant à moi, j'avais passé le reste du voyage à gesticuler et à essayer d'oublier le contact de sa jambe chaude.
Au bout d'une heure qui d'ailleurs m'avait parue interminable, nous sommes enfin arrivés dans le quartier prétendu être le plus dangereux de la ville.
Comme nous étions les plus proches de la sortie, ce fut Camozzi et moi qui sautâmes en premier du camion. Et ce que je vis me coupa le souffle.
Je n'étais jamais allé dans cette partie de la ville avant Endemol mais j'étais pratiquement sûre qu'il y a quelques mois ce quartier ne ressemblait pas à ce que j'avais devant les yeux. Il y avait énormément de camions militaires, d'autres soldats, tout était rempli de sable comme si nous étions en plein désert. Les usines des alentours y étaient forcément pour quelque chose car jamais je n'avais vu un paysage comme tel dans la région.
Autrefois, tout était vert et remplis de prés. Endemol détruisait la biodiversité de la région. Et j'en étais en partie responsable puisque j'étais un soldat.
Ce qui me brisa le cœur fut les enfants et tous ces gens malnutris qui déambulaient dans la rue principale. Comment pouvait-on les laisser dans cet état-là?
- Ne laissez pas vos émotions vous submerger Tibert, me souffla Camozzi qui s'était rapproché durant ma triste contemplation sans que je ne le remarque.
Je lui accordai un regard méprisant.
- Je trouve ça au contraire plus rassurant qu'être froid et implacable face à tout ça.
Il me fixa, sembla vouloir dire quelque chose puis se ravisa. Il se tourna ensuite vers l'unité qui s'était rassemblée.
- Vous allez vous séparer en deux groupes. Le premier va patrouiller dans l'ensemble du quartier pour vérifier si les soldats sans grade assurent correctement leurs tâches et le second va m'accompagner et assurer ma "sécurité", dit-il en haussant un sourcil.
Automatiquement, deux groupes se séparèrent. Me trouvant à côté de Camozzi, je n'étais incluse dans aucun des groupes et alors que je me dirigeais vers celui qui allait patrouiller, quelqu'un m'arrêta.
- Tibert, vous viendrez assurer ma sécurité.
Lui faisant dos, je me laissais soupirer de désespoir. Qu'est ce qu'il avait contre moi à la fin? Il essayait sans doute rassemble le maximum de preuves qui confirmeraient le fait que je n'ai pas ma place dans l'unité des soldats d'élite.
***
Je soupirais pour la énième fois. J'étais derrière Camozzi, tenant une arme beaucoup trop lourde pour moi. Il discutait depuis de longues minutes avec un des chefs de l'usine et mon niveau d'ennui avait atteint les étoiles.
Je ne faisais même plus attention à ce qui se passait autour de moi. Camozzi avait éparpillé mon groupe dans tous les petits coins de l'usine. "Pour anticiper plus facilement une attaque" qu'il disait...
Je baillais. Le bruit de l'usine était si fatiguant, j'ignorais comment les gens qui vivaient ici pouvaient le supporter. En tout cas, les hommes qui travaillaient ici étaient assez terrifiants. L'usine était similaire à celle qu'on voyait dans les manuels d'histoire de la Révolution Industrielle. Des immenses fours brulaient et certains tapaient sur ce qu'il me semblait être de l'acier.
Je n'avais aucune idée de ce qu'ils pouvaient fabriquer mais quelque chose me disait que Endemol avait terriblement besoin de ces usines.
Je n'aperçus pas directement le groupe d'homme qui pénétrait dans l'usine. Mais lorsque j'entendis les coups de feu et les cris, je sortis de ma torpeur immédiatement. Ils tiraient partout, se préoccupant peu d'abattre les hommes qui travaillaient dans l'usine.
Camozzi m'attrapa le bras et me tira en arrière. Je me laissais faire, complètement incapable de gérer cette situation de crise.
J'étais sensée assurer sa sécurité mais pour l'instant c'était plutôt lui qui s'occupait de la mienne.
Une fois dans un endroit plus reculé où nous étions à l'abri des coups de feu, il sortit son arme et commença à tirer. Par principe, je fis de même mais j'étais incapable de viser juste.
Je le pouvais bien sûr. Mais il était hors de question que par mégarde j'abatte un des ouvriers. Et par chance, Camozzi ne le remarqua pas.
Hélas ce groupe de résistants avait sûrement des grenades et une gigantesque explosion retentit.
Une immense boule de feu explosa. Grâce à notre position, je fus peu touchée et heureusement non blessée.
Mes oreilles sifflaient mais je restais consciente de la situation. Idem pour Camozzi.
Des morceaux du plafond commençaient à tomber. Pour nous protéger, Camozzi m'attrapa et glissa ses mains dans le creux de mes reins, nous étions tous les deux à terre en raison de l'explosion, et nous glissâmes sous le bureau qui formait désormais une sorte de cabane.
Peu à peu, je retrouvais mon ouïe et je commençais à entendre les cris de douleur ou de rage des hommes qui avaient été sûrement blessés.
Des morceaux de plafond continuaient de tomber mais entendre ces appels à l'aide m'empêchait de rester cachée.
Pour échapper à l'emprise de Camozzi, je commençais à gesticuler souhaitant quitter cet endroit reculé.
Quelque chose à l'intérieur de moi me criait d'aller aider ces gens innocents qui ne méritaient en rien toute cette souffrance.
Je bougeais mon bassin essayant de glisser mais je me stoppai automatiquement en entendant Camozzi grogner.
- Tibert, arrêtez de gesticuler bon sang, je suis derrière vous.
Il venait de souffler dans mon oreille. Son ton était suppliant comme s'il était... excité?
Je sentais mes joues chauffer. Comment je faisais pour me trouver dans des situations pareilles?
Même si je ne pouvais pas ignorer l'attraction entre Camozzi et moi, il restait mon supérieur et plus largement le chef de cette ville.
Était-il possible de feindre l'indifférence lorsque chaque contact m'électrisait?
- Il faut qu'on sorte d'ici, dis-je faiblement, cette situation gênante avait aspiré toute mon énergie.
- Oui, sortez en première je vais vous pousser.
Son ton était calme et maîtrisé. Comment pouvait-il rester aussi serein après ce qu'il venait de se passer entre nous deux?
Poussée par Camozzi, je sortis de notre cachette doucement, afin d'évaluer la situation.
Toute l'usine était sinistrée, des corps étaient à terre et je refusais de vérifier s'ils étaient encore vivants.
Ce paysage détruit était terrible à voir. Camozzi sortit à son tour et arriva derrière moi.
J'avais l'impression que nous étions les dernière survivants de l'explosion.
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Legacy
RomanceLa pauvreté et la misère faisaient partie de notre quotidien. Les hommes se déchiraient entre eux. Le chômage et l'inflation étaient au niveau mondial et le réchauffement climatique n'avait jamais autant fait parler de lui. Ça vous rappelle quelque...