Chapitre 33

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Sur le retour, aucun des militaires n'avait daigné me parler. J'étais restée cloîtrée dans un silence sans fin, plongée dans mes pensées les plus sombres. J'étais à la fois dégoûtée par la joie ressentie lorsque j'avais attrapé la cible désignée par Camozzi mais aussi paradoxal possible,  par le fait de l'avoir laissé s'enfuir. 

C'est donc sans étonnement que Camozzi vînt à ma rencontre le lendemain matin. 

- Tibert, il faut que je vous parle d'un problème. 

- Laissez-moi deviner, murmurai-je en m'écartant du sac de boxe que je frappais depuis quelques minutes. 

- Je ne vais pas vous blâmer pour ce qui s'est passé hier. Un soldat ne peut pas réussir toutes ses missions... 

Je l'écoutais vaguement, buvant de grandes gorgées à ma bouteille d'eau. L'autorité qu'exerçait Camozzi sur moi était de plus en plus faible et même sa stature d'homme puissant me faisait de moins en moins d'effet. Plus je vivais sous une dictature, plus je sentais mes forces m'abandonner. 

- Vous avez un souci avec le reste de l'unité, c'est très clair. Mais le problème vient de vous. Vous êtes dans une position trop passive et vous laissez les autres vous critiquer et parler dans votre dos alors que vous pourriez les faire taire en à peine quelques secondes. 

Je levai les yeux au ciel, continuant son discours en me persuadant qu'il avait tort. Mais Camozzi éveillait un sentiment en moi que je n'avais pas réussi à décrire et en quelque sorte, ce qu'il tentait de m'expliquer avait un fond de vérité. 

- En fait c'est comme si vous refusiez votre position dominante. Vous dégagez une certaine force mentale que vous n'utilisez pas à bon escient. Essayez de crier sur les autres militaires quelques minutes, vous verrez que tous vous écouterons. Je suis sérieux Nina, vous avez l'âme d'un chef, il faut vous affirmer. 

Je lui jetais un coup d'œil pour vérifier s'il avait fini. Mais visiblement, il semblait parti sur un grand discours. 

- Les quelques fois où vous avez explosé devant toute la caserne, vous n'avez laissé personne de marbre. Si vous dégagez une force et une autorité certaine, il va de même avec la question de faire respecter l'ordre. Et c'est ce que vous faîtes d'une certaine façon. 

- Peut-être, dis-je doucement. 

- Je vous laisse vous entraîner, finit-il par dire après m'avoir observé pendant quelques secondes. 

Lorsqu'il passa près de moi, sa main attrapa mon bras et excerca une certaine pression. 

- Réfléchissez à ce que je vous ai dit, dit-il doucement. 

J'évitais son regard, trop électrisée par ce contact inattendu. 

- J'y tâcherai. 

J'avais toujours eu pour objectif de ne pas me faire remarquer dans la caserne, rester discrète pour mieux œuvrer dans l'ombre.Mais dès le début, ce plan avait échoué. Camozzi cultivait une trop grande attention à mon égard et les quelques fois où ma voix avait résonné un peu trop fort dans la caserne, j'avais été l'objet de nombreux regards et de phrases murmurées au coin de l'oreille. 

Peut-être que j'avais tort. 

                                                                                          ***

Je continuais de réfléchir aux paroles de Camozzi et sans m'en rendre compte, je vis bien vite que quelques membres de mon escadron venaient de m'encercler. 

- Tibert, on voudrait savoir ce que tu as foutu hier, demanda une des filles avec un sourire mauvais. 

- Parce que tu te la pètes à la caserne et devant Camozzi, mais une fois devant le vrai danger tu deviens une vraie poule mouillée visiblement, dit une des filles qui avait fait équipe avec moi la veille. 

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