Les Chroniques de Livaï ~ EruRi Only [+13]

Comment devenir un explorateur ? #1

Le trio a intégré le bataillon d'exploration. Ils essaient tant bien que mal de ne pas se faire remarquer tout en cherchant à s'emparer des documents incriminant Nicolas Rovoff de corruption, prétendument détenus par Erwin Smith. Livaï et Furlan observent Smith, tandis que Smith les surveille du coin de l'oeil, attendant qu'ils entrent en action...

Chapitre 166 des Chroniques de Livaï

Je ne sais pas s'il m'a vu... Je crois que oui.

Notre trio des bas-fonds n'est pas encore entré en action. La fille semble prendre un réel plaisir aux activités du bataillon, mais les deux autres attendent le bon moment. J'ai tout fait pour me comporter de manière naturelle ces derniers jours, peut-être que cela les incitera à agir.

Je prends l'enveloppe préparée spécialement pour le stratagème et la cache dans ma poche intérieure. Elle contient des feuilles vierges, mais elle fera l'affaire. Je suppose qu'ils essaieront de fracturer mon bureau pour le fouiller, je n'aurai donc peut-être pas à m'en servir. Le cas échéant, leur montrer que je possède sur moi des documents qui ont l'air importants les orientera. Je sais que je me mets en danger pour ça, mais cela en vaut la peine.

Mike n'est pas d'accord évidemment. Il ne cesse de me mettre en garde contre Livaï, dont l'attitude laisse assez deviner qu'il souhaite me voir mort. J'approuve cette analyse. C'est bien malheureux, mais cela peut servir mes objectifs. S'il me déteste tant que ça, il ne quittera pas le bataillon avant d'avoir tenté le coup. Mike s'est mis en tête de me servir de garde du corps personnel jusqu'à ce qu'il soit assuré que Livaï ne représente plus un danger pour moi... ou jusqu'à ce qu'il meurt. Je souris toujours quand il évoque cette possibilité.

Je l'ai mis dans la confidence au sujet de toute l'affaire. Il a reniflé, a affirmé que cela sentait mauvais, mais qu'il ferait en sorte que cela se passe bien. Mike fait parfois confiance à mon flair davantage qu'au sien. Nous nous connaissons depuis l'enfance et même s'il a toujours été plus grand que moi, j'ai toujours marché devant lui.

Quand j'ai choisis le bataillon d'exploration après avoir fini major de ma promotion, il m'a suivi sans hésiter. Mon choix n'a étonné personne, je répétais à qui voulait l'entendre à cette époque que c'était ce que je ferais. Si Nile nous avait suivis, comme il l'avait envisagé, quelle formidable équipe nous aurions formée... Il a préféré le confort et la sécurité des brigades spéciales, et les joies du mariage ; un luxe que les explorateurs ne peuvent se permettre, et il le savait. Je me souviens des brigades d'entraînement avec nostalgie parfois...

Je me détourne de la fenêtre en faisant retomber le rideau. Mike m'appelle à l'extérieur. On a besoin de moi pour planifier l'entraînement pratique de demain. Tous les jours, les titans de bois sont déplacés afin que les recrues ne s'y habituent pas. Sur le terrain, l'habitude ne peut pas toujours servir, il faut savoir faire face à l'imprévu ; en particulier si on a affaire à des déviants. Bien sûr, ces exercices ne peuvent donner qu'une idée imprécise d'un vrai champ de bataille. Mais l'humanité n'a pas encore trouvé de meilleur moyen de se préparer.

Mike m'emboîte le pas dans le couloir - j'ai pris soin de fermer le bureau à clef, il ne faudrait pas que cela paraisse trop facile - et nous descendons les escaliers vers le rez-de-chaussée. Sur le chemin, nous croisons Hanji, excitée comme à son habitude, car c'est toujours elle qui choisit la disposition des titans de bois. Elle a hâte de voir comment nos soldats vont vaincre ses parcours diaboliques. Mon travail à moi consistera à me poster dans un arbre, dissimulé aux regards, et à noter les recrues qui s'y essaieront. Seuls les chefs d'escouades et d'équipes notent les exercices, mais dans les faits, il suffit d'avoir survécu à une expédition pour pouvoir y prétendre.

Hanji marche un peu avec nous en papotant. Le son de sa voix peut en énerver beaucoup, et ses sautes d'humeur sont légendaires dans le bataillon, mais j'ai appris à m'y habituer. Elle est encore jeune mais ses résultats excellents lui ont valu de vite monter en grade. Cependant nous savons tous que ce qui intéresse Hanji ce ne sont pas les combats, mais les titans eux-mêmes. Elle leur voue une véritable adoration que d'aucun jugerait un peu malsaine. Je n'ai pas vraiment d'avis là-dessus.

Après tout, chacun a ses propres motivations dans le bataillon... Je n'y fais pas exception...

Mike renifle bruyamment, ce qu'il fait toujours en présence d'Hanji. Il espère toujours lui faire comprendre ainsi qu'elle possède une odeur exécrable - enfin, c'est ce que j'imagine -, mais ça ne l'empêche pas de traîner souvent avec elle. Je me méprends peut-être sur son attitude. Hanji n'est pas particulièrement soignée, elle passe beaucoup de temps dehors, notamment sur le Mur Maria, à observer les titans qui se risquent au pied des murailles. Elle peut rester des heures suspendue à son câble dans l'espoir d'en apercevoir un. Mike dit dans ces cas qu'elle essaie "de leur caresser la tête", ah ah ! Les gens "normaux" fuient les titans, ou du moins essaient de pas les avoir dans les parages, mais Hanji est un cas à part. Elle a tendance à effrayer les nouveaux.

On peut en dire autant de moi, du reste. Je suis connu pour être juste mais intransigeant, et mon escouade est respectée. Ce n'est pas comme si j'attachais beaucoup d'importance à ce que l'on pense de moi ; je ne suis pas major. Ce qui compte pour moi c'est l'image du bataillon et faire mon travail correctement.

Nous parcourons la distance jusqu'à la forteresse en diligence. Il y en a toujours une qui stationne devant le bâtiment. Hanji nous quitte en cours de route et demande à Mike s'il veut bien l'accompagner jusqu'à la forêt pour lui dire comment il juge son parcours. Je lui dit d'y aller, que de toute façon la réunion avec Keith ne le concerne pas, car c'est son jour de relâche demain. Il renifle, me dit d'être prudent et s'éloigne avec Hanji.

Je continue seul jusqu'à la forteresse et je descends une fois dans l'enceinte. C'est là que je l'aperçois.

Il marche dans ma direction, d'un pas décidé et bruyant ; ses bottes claquent sur les pavés. Il a dû emprunter la porte principale. Je ne sais pas où il va... Mais moi, je sais où je vais.

Je me redresse un peu, et me mets également à avancer dans sa direction afin de gagner le bureau de Keith. Il ne dévie pas d'un iota de sa trajectoire... Quand nous ne sommes plus qu'à quelques pas, je distingue son visage. Ses yeux sont fixés droit devant lui, mais je sais bien qu'il a noté ma présence. Je me dis qu'il va sans doute faire un écart afin d'éviter de m'approcher - je suis son supérieur, c'est donc à lui de me céder le passage - mais il n'en fait rien. Il continue tout droit et au moment où j'arrive à sa hauteur, une sensation de froid m'assaille.

Je sais bien qu'il n'est pas ce qu'il paraît être. Je l'ai vu plus d'une fois prendre part à des exercices avec ses deux amis, avec plus ou moins de bonne volonté, et je sais qu'il est capable de se montrer bienveillant. Mais il n'a aucune bienveillance pour moi... La raison de son animosité va plus loin que ce que je lui ai fait subir dans les bas-fonds ; il recherche la confrontation mais attend sans doute une raison légitime de la provoquer... Je ne lui ferais pas ce plaisir.

Je continue aussi droit devant moi sans crainte et il se retrouve dans mon dos. J'ai envie de me retourner, juste pour voir s'il s'est arrêté pour m'observer ; ou s'il va finalement me jeter quelque chose, une insulte ou une pierre. J'aimerais presque qu'il le fasse, ce serait préférable à ce silence pesant...

Il va falloir que je trouve un moyen de l'amener à s'exprimer franchement...